Paris est un avertissement ...
Les attaques en France sont le contrecoup des interventions dans le monde arabe et musulman. Ce qui arrive là-bas, arrive aussi ici.
[...] Mais ces attaques n’auraient certainement pas eu lieu si les
puissances occidentales, dont la France, n’avaient pas attaqué le monde
arabe et musulman pour le mettre au pas et le réoccuper. Cette guerre
contre le terrorisme dure depuis 13 ans – même s’il y a eu de tentatives
bien antérieures de contrôler la région – et sème massivement la
destruction et la terreur.
C’est ce que les meurtriers disent eux-mêmes. Les frères Kouachi se sont
radicalisés à la guerre d’Irak et ont été entraînés au Yémen par
al-Qaida. Cherif Kouachi a dit clairement que les attaques avaient pour
but de venger les “enfants des Musulmans en Irak, Afghanistan et Syrie”.
Ahmed Coulibaly a dit qu’elles étaient une réponse aux attaques de la
France contre Isis tout en affirmant que le massacre du supermarché
avait pour objet de venger les morts de Musulmans de Palestine.
Ces assassinats gratuits sont bien sûr tout à fait contre-productifs
et nuisent aux causes qu’ils sont censés promouvoir – et le fait que les
victimes soient choisies en fonction d’un cadre religieux
réactionnaire, donne à penser que ces assassinats sont une sorte de
produit mutant des guerres culturelles européennes. Mais ces attaques
n’existaient pas avant 2001. Les bombes de 1995 à Paris qui semblent me
contredire, étaient en fait une retombée directe de la guerre civile en
Algérie et du rôle qu’y jouait la France. Par contre, la guerre de
l’Union Soviétique en Afghanistan, il y a 30 ans, a favorisé le
développement d’une forme de violent fondamentalisme qui revient en
boomerang frapper le cœur de l’occident.
La France est célèbre pour avoir refusé de prendre part à l’agression
étasuno-anglaise contre l’Irak. Mais depuis elle a rattrapé le temps
perdu en envoyant des troupes en Afghanistan, en intervenant dans un
pays africain après l’autre : de la Libye et du Mali à la Côte d’Ivoire
et à la République centrafricaine, en bombardant l’Irak et en soutenant
les rebelles syriens. Comme l’Angleterre, la France a armé les
autocrates du Golfe et basé des troupes chez eux, et dernièrement, le
président français a déclaré qu’il était le “partenaire” du dictateur
égyptien Sissi et qu’il était “prêt ” à bombarder à nouveau la Syrie.
L’ancien premier ministre français, Dominique de Villepin, chef de
file du camp opposé à la guerre en Irak, a dit, cette semaine, qu’Isis
était “l’enfant monstrueux” de la politique occidentale. Les guerres
occidentales dans le monde musulman “nourrissent toujours de nouvelles
guerres” et “elles nourrissent le terrorisme chez nous”, a-t-il écrit,
pendant que “nous simplifions » ces conflits “en ne regardant que le
symptôme islamiste ”.
Il a raison – mais il ne fait pas partie des leaders qui ont mené la
marche en rangs serrés et qui vont utiliser ces attaques pour justifier
d’autres interventions militaires. Etant donné les événements de la
dernière décade, les Européens ont de la chance d’avoir eu si peu
d’attentats terroristes. Mais le prix à payer est la perte des libertés,
la montée de l’antisémitisme et l’islamophobie rampante. Plus nous
laissons cette guerre s’éterniser, plus la menace s’alourdit. Dans un
monde globalisé, il n’y a pas moyen de s’isoler. Ce qui arrive là-bas,
finit par arriver ici aussi.
Seumas Milne, The Guardian | 15 janvier 2015
http://arretsurinfo.ch/paris-est-un-avertissement-il-ny-a-pas-de-cloison-etanche-entre-nous-et-nos-guerres/