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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Quid d’« Anatomie d’une chute », Palme d’or 2023 (...)

Quid d’« Anatomie d’une chute », Palme d’or 2023 ?

Sandra (Sandra Hüller) et Samuel (Samuel Theis), la première est romancière, le deuxième est prof de fac aspirant à écrire professionnellement également, vivent en couple depuis un an loin de tout, dans un chalet isolé dans un hameau de montagne près de Grenoble, avec leur fils malvoyant Daniel (remarquable Milo Machado-Graner), 11 ans, aidé au quotidien par son chien guide Snoop. Un jour, alors qu’il était parti se promener avec ce dernier, traité comme un personnage à part entière dans ce long-métrage mêlant habilement intrigue policière et drame psychologique, l’enfant découvre son père mort, dans une flaque de sang, au pied de leur maison. Accident, suicide ou homicide ?

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Le médecin légiste sollicité n’excluant pas l’intervention d’un tiers. une enquête pour mort suspecte est ouverte : Sandra, soupçonnée, est bientôt inculpée malgré un doute persistant. Une année plus tard, Daniel – la vérité sort-elle toujours de la bouche des enfants ? - assiste au procès de sa mère, femme de tête complexe, séductrice et changeante, qui a choisi pour avocat un vieil ami amoureux blessé, Vincent (excellent Swann Arlaud). Cette cour d’assises hautement médiatisée, au sein de laquelle la suspecte idéale (elle est romancière, lorgnant du côté de l’autofiction, les fantasmes à son égard vont bon train !) doit se défendre d’avoir tué son compagnon, vire alors inévitablement à l’auscultation de son couple, dans les moindres détails, y compris sexuels.

Du faux au vrai procès

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Justine Triet, lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, le 27 mai 2023

« Je souhaitais faire un film sur la défaite d’un couple. L’idée, c’était de raconter la chute d’un corps, de façon technique, d’en faire l’image de la chute de couple, d’une histoire d’amour », précise Justine Triet, cette réalisatrice âgée de 45 ans (née en 1978 à Fécamp, elle n’a pas fait d’école de cinéma mais s’est formée aux Beaux-Arts de Paris où, aux côtés de son ami peintre figuratif et complice Thomas Lévy-Lasne, elle a appris à maîtriser seule toutes les étapes de la fabrication d’un film) étant repartie de l’édition 2023 du Festival de Cannes avec la Palme d’or, ce Graal offert s’accompagnant il y a trois mois, on s’en souvient encore, d’une polémique artistique et sociétale aux accents politiques. Cette cinéaste talentueuse, qui jusqu’à présent est une habituée de cet événement international puisque tous ses films précédents y ont été projetés (de La Bataille de Solférino, 2013, à Sibyl, 2019, dans lequel son actrice fétiche Sandra Hüller jouait déjà, en passant par Victoria, 2016), avait profité de sa tribune, à l’audience très large, pour souligner à raison dans l’Hexagone, devant une Jane Fonda perplexe, le 27 mai dernier, la « contestation puissante, unanime de la réforme des retraites […], niée, réprimée de façon choquante » ainsi que la « marchandisation de la culture, qui est en train de casser l’exception culturelle française, une exception sans laquelle je ne serais pas là aujourd’hui. » Souvent mal interprétée (on l’a taxée d’ingrate, voire de cracher dans la soupe, notamment par le truchement de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, se disant « estomaquée par son discours si injuste » et twittant « Ce film n’aurait pu voir le jour sans notre modèle français de financement du cinéma », avec un certain déchaînement qui s’en est suivi sur les réseaux sociaux via souvent à la clé un mauvais procès fait au cinéma d’auteur français accusé d’être trop subventionné, dans la foulée, le président Macron ne l’ayant jamais – hélas - félicitée pour ce prix alors qu’elle n’est que la deuxième Française à l’obtenir après Julia Ducournau avec Titane), cette artiste, à la parole libre bienvenue, prêchait tout compte fait moins pour sa propre paroisse, à savoir son cas personnel et sa carrière (la voilà d’ailleurs ô combien lancée avec cette prestigieuse récompense !), que pour les générations futures en se souciant manifestement, ce qui est tout à fait louable, pour les cinéastes de demain ; alerte légitime lorsque l’on sait, par exemple, que le Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, au succès à la fois public et professionnel, a encore subi dernièrement des baisses de dotations. Ce qui, au fond, est courageux de sa part même si, à dire vrai, Cannes, auréolé de son festival des plus internationaux (c’est mondialement le plus important du 7e art), n’était peut-être pas le lieu idéal pour cette diatribe intestine de Triet à l’égard du gouvernement, le système hexagonal de financement des films faisant bien des envieux à travers le monde (la France étant le pays le plus généreux au monde en termes de financements publics), c’était davantage un discours calibré – fort bien écrit d’ailleurs - pour une cérémonie franco-française façon Césars.

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La réalisatrice Justine Triet avec sa Palme d’or pour « Anatomie d’une chute », avec Jane Fonda à côté, mai 2023

Depuis, notamment dans un Inrocks récent (#23, septembre 2023, p.83), Justine Triet est revenue sur son propos afin de le préciser : « Mes propos ont été détournés, à l’inverse de ce que j’avais voulu produire. La fragilisation du système actuel, je m’en inquiète moins pour moi que pour la génération de cinéastes qui vient. Les interventions des responsables politiques qui ont suivi mon discours ont déclenché sur les réseaux sociaux toute une série de fausses informations sur le système de financement du cinéma français. La plus dangereuse consiste à laisser penser que le cinéma français est financé par les impôts des Français et non par un système redistributif autonome reposant sur les ventes de billets et sur le chiffre d’affaires des éditeurs et distributeurs de films. Je ne regrette aucune des paroles que j’ai dites. Et je reste choquée que le gouvernement ait fait passer une loi sur les retraites dont une très large partie des Français ne voulaient pas. »

Film de couple le disséquant 

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Du rouge sang sur la neige, « Anatomie d’une chute »

Bon, revenons-en au film et à son histoire de procès. Il est comment ? Épatant en tous points, vraiment : du 5 sur 5 pour moi (©photos V. D.). Malgré sa durée imposante, 2h30, il est très prenant, maintenant en haleine jusqu’au bout : on ne s’y ennuie jamais. S’il est un film de procès tendu comme il se doit au vu de son pitch (le sang d’un homme sur la neige, tombé du troisième étage d’un chalet montagneux, et une femme accusée), façon Autopsie d’un meurtre, Douze hommes en colèreMourir d’aimer et autres Saint Omer, avec tous les codes et poncifs s’y référant (une enquête de police, les interrogatoires successifs, les flashbacks, la reconstitution de la scène de crime, les confessions et culpabilisations, une femme que tout semble accuser et qui est jetée en pâture aux médias, croulant sous le poids du tribunal médiatique voulant satisfaire l’opinion publique en orchestrant un déballage public, un procès aux assises aux apparences trompeuses, l’opposition entre un avocat de la défense et un avocat général avec, au passage, le concours d’une pléiade d’intervenants, via des experts en criminologie et des psychiatres se contredisant, l’art oratoire couplé à un concours d’éloquence avec l’ironie s’en donnant à cœur joie, la plaidoirie finale), il est bien plus que ça. C’est non seulement un film de prétoire accrocheur, misant magistralement sur l’oscillation sans fin entre élucidation et complexification et sur la relativité généralisée des points de vue : où est finalement LA vérité ? N’est-elle pas plurielle ? On peut alors penser à l'effet Rashōmon ou au philosophe des Lumières Cesare Beccaria : « Nos connaissances et toutes nos idées sont liées entre elles, plus elles sont compliquées, plus nombreuses sont les voies qui y arrivent et qui en partent. Chaque homme a son point de vue, qui diffère selon les moments  », in Des délits et des peines (1765, chap. IV, Interprétation des lois). Mais Anatomie d’une chute est également un long-métrage traçant sa route efficacement, avec d’ailleurs une certaine amplitude classique, prenant des allures de formidable thriller, en se servant, avec brio, du langage propre au cinéma, dont la désyncronisation image-son et le hors champ (le mari est très peu présent à l’image, à l’exception de quelques moments-clés, dont des photos-souvenirs à la Nan Goldin), pour jouer malicieusement sur la création, le pouvoir des médias, quelques scènes nous étant restituées par des caméras de journalistes ou des écrans de télé, la perception ainsi que sur le puits sans fond du mystère insondable qu’est le couple.

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Camille Rutherford est Zoé, une étudiante

Avec sa colère de couple, ce film-uppercut ausculte au scalpel et au plus près la vie de couple, ses joies et surtout ses affres (il détaille son anatomie, en allant jusqu’aux tréfonds de l’âme humaine), notamment en se penchant implacablement, à savoir sans filtre (c’est peut-être pour cela qu’il a tant plu au président de la 76e édition du Festival de Cannes, Ruben Östlund, bien connu pour son trash politiquement incorrect et sa misanthropie féroce), sur les méandres, psychiques et sexuels, d’un couple toxique d’artistes rancuniers sur fond de rivalité et de jalousie : Sandra est une romancière plébiscitée, elle est même interviewée au début du film au cours d’un entretien empreint de sororité par une étudiante, campée par Camille Rutherford, impressionnée par son charisme alors que Samuel, lui, qui met au même moment, exprès pour les gêner, de la musique à fond (du 50 Cent) au-dessus d’elles dans les combles où il fait des travaux, est certes un prof apprécié, mais se voulant davantage écrivain tout en se montrant frustré de ne pas avoir assez de temps pour son écriture car devant faire les courses et s’occuper de l’éducation de leur fils handicapé, il lui fait la classe à la maison ; ainsi, il considère avoir sacrifié son œuvre au profit de celle de son épouse qui, en outre, pille ses idées. Entre nous, au vu de sa grande capacité à analyser subtilement la difficulté de la vie d’artistes au sein du couple (entraide telle la cordée en montagne ou a contrario nid à querelles d’egos multipliant les prises de bec jusqu’à la dissolution fatale ?) et sachant que la cinéaste a co-écrit le scénario, par moments des plus diaboliques, avec son compagnon, et cinéaste aussi (Diamant noir, Onoda), Arthur Harari, avec qui elle a deux enfants, on finit par se demander si Anatomie d’une chute n’est pas tout simplement un film autobiographique tant il dissèque le couple avec une virtuosité confondante.

Volontiers diserte dans ses entretiens pour la presse sur « l’utopie magnifique » qu’est l’égalité dans le couple (celui-ci est selon elle « comme un lieu où les tentatives de démocratie sont sans cesse interrompues par des pulsions dictatoriales »), Triet botte néanmoins en touche lorsqu’il s’agit de trop comparer son couple à la ville qu’elle forme aux côtés d’Arthur avec le couple chaotique, usé et dysfonctionnel du film : « C’était évidemment impossible, précise-t-elle aux Inrockuptibles (le n°23, p 82, d’aborder ce film sur l’égalité dans le couple sans y mettre des choses très personnelles. Quand tu fais le même métier que ton mec, tout en élevant les mêmes enfants, tu te cognes forcément aux questions que pose le film. Je sais que je malmène souvent les hommes dans mes films. J’avais envie que l’écriture de cette histoire soit comme un match qu’on jouait ensemble, une bataille d’idées. Mais je ne pensais pas qu’on consacrerait trois ans de notre vie ensemble à ce film. Au départ, Arthur devait juste me donner un coup de main puis le confinement est arrivé (…). Pourtant, rien n’est autobiographique dans le film, nous n’avons jamais vécu les épisodes racontés. Mais le récit a forcément des implications intimes qui ne rendaient pas facile de vivre avec. Je crois que ce qui nous faisait le plus peur, c’était de nous dire "Ils vont croire que c’est nous !" » [rires]

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Le procès au long cours d’« Anatomie d’une chute »

Ce film gigogne, qu’est Anatomie d’une chute, au titre programmatique (il s’agit bien entendu de la chute physique du mari, tombé du haut du balcon d’un chalet sur un appentis avant de succomber, mais on peut également penser à celle du jeune fils, hélas enfant blessé à vie (quasi aveugle) après un accident du fait de l’inattention de son père, ou également à la chute psychologique d’une femme, perdant par moments de sa superbe, ainsi qu’à l’effondrement d’un couple d’artistes), marche fort en salles (une première journée frôlant les 50 000 entrées), ainsi que nous l’indiquait dernièrement Première, puisqu’il a réalisé, en étant distribué dans 379 salles pour un budget estimé à 6,2 millions d’€, le meilleur démarrage d’une Palme d’or depuis dix ans, démarrant même mieux que le jeu de massacre filmique réjouissant qu’était Parasite (2019, Bong Joon-ho), qui avait fini sa course dans l’Hexagone en faisant 1,8 million d’entrées (source : Le Film Français). Succès naissant, à confirmer donc, qui n’est que mérité tant ce film, peut-être « abîmé » ou au contraire boosté par le discours cannois controversé de son auteure - enfant gâtée ou lanceuse d’alerte ?, s’élève artistiquement et émotionnellement haut. Perso, je l’ai vu à l’UGC Danton à Paris et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il suscite des réactions diverses, voire opposées. Ou de la force du cinéma à sortir de son cadre stricto sensu (la salle de cinoche) pour pénétrer le champ social : si quelques applaudissements timides se sont fait entendre à la fin, j’ai aussi aperçu, dans le noir, un monsieur fort courroucé ne cessant de soupirer lors de la projection et quittant chapeau vissé sur la tête, énervé aux deux tiers du film, la salle obscure en déclarant convaincu « TRICHERIE !  » (sortie intéressante, entre nous, j’aurais bien aimé savoir pourquoi…). Et, au sortir du film, une vieille dame fort sympathique, visiblement chamboulée par le film, est venue gentiment me voir pour me demander un éclaircissement – attention, spoiler – concernant l’énigme du vomi du chien malade, souhaité par le petit enfant, séquence qui a, il est vrai (cela visiblement la travaillait donc j’étais ravi de la renseigner), son importance, en tant que « pièce à conviction » pour disculper l’héroïne, dans le récit.

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Faites entrer l’accusée : Sandra Hüller !
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L’avocat général (Antoine Reinartz) dans « Anatomie d’une chute »

Certes, si l’on devait chipoter un peu, on peut se demander, par instants, si le cadre du dispositif judiciaire est toujours réaliste, avec notamment un avocat général virevoltant (tout de même bien campé par un Antoine Reinartz au crâne rasé) qui, s’il est très bon dans le registre caustique, en fait tout de même des tonnes - Dupont-Moretti est archi battu ! Pour autant, les joutes oratoires dans un tribunal confinent au théâtre en tant que fabrique à fictions, via les fameux effets de manche, donc cela reste cohérent. C’est un film millefeuille aux nombreux niveaux de lecture, ratissant large et circulant pas forcément là où on l’attendait (sa proximité possible avec un certain Shining !) et qui, en maintenant le doute perpétuel (alors, l’a-t-elle tué ou non finalement ? même si la thèse du suicide de son époux, au fort désir de mort, il avait déjà fait une tentative par le passé, reste la plus probable), joue magnifiquement sur l’ambiguïté des choses. Avec sa caméra fureteuse, proche du cinéma-vérité (mouvements de caméra nombreux mais pleinement maîtrisés et moult recadrages, son cadre hésitant suivant au début les déplacements du chien Snoop), Triet maintient pertinemment le spectateur sur le terrain du doute (on devient détective et juré par procuration), ne sachant jamais trop sur quel pied danser. Façon puzzle mis en images, on ne voit que des fragments d'existence à l’écran, ce qui contribue à alimenter le secret, entretenu également par le jeu, et la barrière, des différentes langues (allemand, anglais, français) rendant encore plus opaque, autrement dit insaisissable, la romancière incriminée.

Un Shining à Grenoble !

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Jack Nicholson dans « Shining », 1980, de Stanley Kubrick

Le plus étonnant d’Anatomie d’une chute ? Que ce soit un Shining inversé ! Où c’est la femme, boulet dans le Kubrick (jouée excellemment par l’actrice-victime Shelley Duvall, elle avait souffert pendant le tournage car le cinéaste-démiurge la poussait dans ses retranchements pour obtenir sa détresse à l’image), qui prend le pouvoir ici ! D’ailleurs, Stephen King, parmi d’autres rapprochements possibles (la petite balle dévalant l’escalier du début, le chalet isolé sous la neige, le gamin à la coupe au bol avec un handicap mais ayant un don extralucide de voyance, le couple et l’écrivain en crise, le goût de la miniature (maquette), la frontière floue entre rêve et réalité, la question de l’écriture et de la gestion du temps entre art et vie…), est explicitement, et judicieusement, cité dans toute la partie du procès – eh oui, si l’on suit le raisonnement fallacieux de l’avocat général (en tout écrivain de genre sommeille un possible meurtrier), alors King, le roi de l’horreur avec ses trames sinueuses et tordues, est un psychopathe de première ! D’ailleurs, Justine Triet, en interview pour Le Figaro (#24572, 23 août 2023, p. 14), lors de la sortie de son film, ne dément pas la proximité possible avec l’opus kubrickien de 1980 : « Shining comme Misery sont des films tirés de romans de Stephen King, qui résonnent avec le mien. Les intrigues mettent en scène des écrivains qui s’emploient à trouver un endroit isolé, croyant que cela va aider à la création. C’est quelque chose que j’ai vraiment pris à Shining. Samuel, le mari, a voulu arrêter d’enseigner pour se remettre à écrire. Il y a chez lui l’idée que finalement, cet endroit va être merveilleux, alors qu’en fait c’est la source du mal.  »

Anatomie d’une chute, c’est aussi un film d’artiste pour artistes mais pas seulement (une sorte de vade-mecum, qui partirait du chaos accepté de l’existence, « Un couple, dixit Sandra/Justine, c’est parfois une sorte de chaos »). Féministe également mais sans la balourdise bébête de Barbie avec sa guerre des sexes plan-plan, accompagnée par une déconstruction fastoche d’une virilité complètement stéréotypée, comme si l’on devait forcément partir du constat qu’hommes et femmes sont ennemis, ici ils sont davantage mis sur un terrain d’égalité et l’on essaie de se dépatouiller avec ça. Puis il y a Sandra Hüller, une grande actrice : l’effet spécial du long-métrage de Justine Triet, jouant au plus juste, elle porte littéralement le film. Sachant que sa performance, sans pour autant jamais en rajouter, m’a fait penser à Gena Rowlands, mais en mode rentré (c’est une Allemande…), c’est dire si elle envoie, donnant tout. Admirable prestation.

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L’actrice allemande Sandra Hüller, monstre d’ambiguïté, dans « Anatomie d’une chute »

Le « problème » avec Anatomie d’une chute, c’est que c’est un... chef-d’œuvre. Que dire ? Qui ne soit redondant ? Ou qui parvienne à s’élever à la hauteur d’un tel film ? Pas facile. L’on pense non seulement à Shining mais également à Blow Out (concernant un enregistrement sonore nourrissant une enquête ; l’époux enregistre toutes les discussions et disputes avec son portable, en espérant que leur retranscription serve son inspiration littéraire disparue), bref à de gros morceaux du septième art signés Kubrick et De Palma, ou encore au cinéma plein d'énergie du mythique John Cassavetes (intensité du jeu de l'actrice principale, Sandra Hüller, comédienne précise et réfléchie au visage malléable riche de mille expressions changeantes comme si, en elle, cohabitaient froideur intellectuelle genre Huppert, elle incarne une femme forte, maîtresse d’elle-même, n’entendant rien sacrifier à ses ambitions (« Je ne crois pas à la réciprocité dans le couple, dit-elle à la barre, c’est naïf et déprimant »), et fragilité touchante, entre panache et détresse, à la Romy Schneider, cf. les doutes de son fils la troublant). Puis, l’on pense aussi à Faites entrer l'accusé, émission TV ô combien prenante : l'humain et ses turpitudes ! Ou de l'importance des médias dans les affaires judiciaires avec, en ligne de mire, la double peine pour le présumé coupable, en l'occurrence ici LA. À un moment donné d'ailleurs, l'« héroïne » éteint la télé, n’en pouvant plus, Rumeur et accusations erronées, voire fantasmées (c'est une écrivaine à succès, on pense à Basic Instinct ou Gone Girl !, sans oublier la blonde forcément vénéneuse des thrillers hitchcockiens), prenant des proportions énormes du fait de la médiatisation galopante de l’affaire par les chaînes d'info continue.

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Le petit Daniel, campé par Milo Machado-Graner, jouant au piano

Et pourtant malgré ces proximités possibles avec d'autres productions audiovisuelles, le film n'est pas citationnel (façon la veine Tarantino), il est personnel et stylé (ce film a du chien…), traçant sa route majestueusement tout en balayant l’abîme d’une vérité multiple ainsi que le champ des possibles, notamment de la narration (ou comment raconter une histoire avec le médium cinéma), sans jamais souffrir de la comparaison avec quelque grand modèle que ce soit. En prime, ce long-métrage, acceptant chaos comme possible ligne de conduite et ratés (l'écriture en panne, la parole interrompue, les boucles répétitives du gamin au piano...), ne fait pas non plus « film de festival », à savoir film d’auteur calibré pour plaire à coup sûr aux jurés de festivals, ce qui est tout à son honneur. Même dans ce registre-là, il n'offre pas de prise ! 

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Swann Arlaud, l’avocat de la défense, dans le Triet

Enfin, j’ai lu quelque part qu’Anatomie d'une chute n’est qu’un honnête téléfilm. Que nenni ! On est bien devant un film de cinéma, s’accordant de très belles plages de flottement et de contemplation, mêlant simplicité et sidération : je pense, par exemple, au poignant chien Snoop, alias le border collie Messi qui soit dit en passant a obtenu la Palm Dog !, longtemps filmé couché en plan fixe, lorsqu’il est, avec son humide regard, en empathie avec le défunt ensanglanté au sol, qui n’est autre que son maître avec l’enfant (le film rapprochera d’ailleurs les deux êtres), ou encore à ce superbe temps suspendu lorsque Sandra, sans un mot, tient entre ses mains le visage fatigué de son avocat Vincent, encore épris d’elle. Ces deux passages sont assurément très émouvants, témoignant d’un regard singulier sur l’existence, combinant force et fragilité. Et peut-être qu’au fond, la seule chose qui compte, c’est de dire – « Allez voir ce film remarquable ! » C'est l'art et la vie confondus. C'est du grand cinéma. Assurément, un grand film. À la fois contemporain, parlant du temps présent sur fond de lynchage médiatique et de machine judiciaire traquant l’intime, et universel en ce qui concerne la monstration de la vie de couple hommes, femmes : mode d’emploi. Et s’il décrochait dans quelques mois l’Oscar du Meilleur film étranger ? Croisons les doigts. 

Anatomie d’une chute (2023 – 2h30, une production Les Films Pelléas/Les Films de Pierre, distribuée par Le Pacte). France. De Justine Triet. Scénario : Athur Harari et Justine Triet. Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado-Graner, Samuel Theis, Jehnny Beth, Saadia Bentaïeb, Anne Rotger, Sophie Fillières, Arthur Harari et Messi. En salles depuis le 23 août 2023.


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34 réactions à cet article    


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2023 11:03

    L’anti Barbie. L’amour ne frôle jamais aussi près : la haine... (ou l’inverse...).


    • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 11:13

      @Mélusine ou la Robe de Saphir. 
      Tout à fait ! smiley


    • ZenZoe ZenZoe 28 août 2023 11:19

      C’est bien d’avoir des critiques mesurées, pas orientées, et complètes, comme les vôtres. Je n’avais pas envie de voir le film après la tirade malvenue de la cinéaste sur les retraites lors de la cérémonie, mais je vous crois quand vous dites qu’il en vaut la peine.


      • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 11:33

        @ZenZoe Merci à vous. Oui, allez-y ! smiley


      • Fergus Fergus 28 août 2023 19:33

        Bonjour, Zenzoe

        Je confirme le conseil de Vincent Delaury : allez-y sans la moindre hésitation. Ce film est excellent de bout en bout.


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2023 11:40

        J’ai connu une histoire semblable. Deux artistes qui vivaient ensemble. Une soirée arrosée sur une mezzanine. A. tomba dans l’escalier. Comme Frida Kahlo à laquelle elle ressemblait par les sourcils, se fractura le bas du dos. Obligée de rester couchée et dépendante de tout le monde pour sa survie. G ; a fini par se suicider. Pensant être responsable de ce qui arriva à A.


        • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 12:12

          @Mélusine ou la Robe de Saphir.
          Merci pour ce retour, concernant un couple d’artistes. 

          Et, bien vu, le parallèle avec Frida (+ Diego), deux monstres d’egos, entre flux d’amour et flux d’acool, façon Cassavetes... 


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2023 12:19

          @Vincent Delaury Oui, étant liée à cette histoire malheureuse, la fameuse A.D. est morte le jour de sa fête, un 26 juillet.


        • Fergus Fergus 28 août 2023 19:54

          Bonsoir, Vincent

          J’ai vu ce film cet après-midi. Et je n’ai pas regretté ma sortie au cinéma tant j’ai été emballé par ce nouvel opus de Justine Triet.

          A mon avis le meilleur film français depuis l’impressionnant Je verrai toujours vos visages.

          Côté mise en scène, c’est impeccable. Quant aux acteurs, ils sont excellents, y compris le jeune garçon, formidable de justesse.

          Pour ce qui est du rendu des audiences du procès, pas de problème : tout y est fidèlement restitué, si j’en juge par mes propres expériences de cours d’assises, soit comme juré moi-même, soi comme observateur.

          Certes, l’avocat général est quelque peu atypique, mais il ressemble beaucoup en termes de comportement et de théâtralité à l’un de ceux que j’ai pu observer dans un prétoire il y a une quinzaine d’années.

          Je n’ai relevé qu’une seule erreur : lors des audiences ouvertes au public, les portes de la salle sont fermées alors que la loi oblige symboliquement à les maintenir ouvertes.

          Pour terminer, il y a deux petites erreurs : d’une part, l’on n’assiste pas aux plaidoiries, mais à des échanges en cours d’audience qui donnent une idée de leur teneur ; d’autre part, l’étudiante qui vient interviewer Sandra n’est pas Sophie Fillières mais Camille Rutherford.

          Bien à vous !


          • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 20:41

            @Fergus
            Bonsoir Fergus, merci pour ce retour, et les précisions, en termes de réalisme (l’audience, le cadre du procès). Quel spectateur attentif, vous êtes ! smiley
            C’est toujours un plaisir de vous lire. 
            Bien cdlt, 
            VD 


          • Fergus Fergus 28 août 2023 22:32

            @ Vincent Delaury

            Le seul petit reproche que je fais à ce film est son titre. Si j’en comprends la symbolique, je ne comprends pas bien le choix du mot « anatomie » auquel j’aurais préféré « autopsie ». Mais ce n’est qu’un détail.

            Bonne soirée


          • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 23:06

            @Fergus
            Il existe déjà « Autopsie d’un meurtre »* (1959, Otto Preminger, avec James Stewart), un sacré classique du genre (film de procès) ! 

            *Dont le titre original, figurez-vous, est... « Anatomy of a Murder ». Comme quoi... smiley


          • Fergus Fergus 29 août 2023 09:32

            Bonjour, Vincent Delaury

            C’est vrai.
            Un excellent film également, celui d’Otto Preminger.


          • Vincent Delaury Vincent Delaury 31 août 2023 09:48

            @Fergus
            « d’autre part, l’étudiante qui vient interviewer Sandra n’est pas Sophie Fillières mais Camille Rutherford. »
            Un grand merci, cher Fergus, pour la précision. smiley 


          • JMBerniolles 28 août 2023 21:47

            Merci pour ce long article que ce film mérite. Belle réalisation et surtout acteurs exceptionnels dont cette femme habitée par son rôle et son personnage qui porte le film et le jeune garçon en particulier. Mais l’avocat est très bon aussi dans son rôle et dans l’aspect humain.. L"avocat général en fait un peu trop mais il est redoutable...

            La chute c’est celle d’un corps qui déclenche le volet policier du film. Le sujet principal n’est pas vraiment le chute d’un couple mais plutôt sa dérive, son chaos comme le cite la jeune femme, qui débouche sur une incapacité totale à échanger, à se comprendre... le récit qui prend une tournure dramatique souligne la force de cette femme soumise à des pressions qui paraissent intolérables. C’est un film ’féministe’ au bon sens du terme dans la mesure où cette femme résiste avec sa force mentale, ses capacités d’analyse, sa sincérité qui l’expose encore plus aux attaques manipulatrices dont elle est l’objet. Et c’est tout ce qu’elle montre ainsi qui conduit à la croire innocente. ( le scénario meurtrier qui la met en cause est vraiment tiré par les cheveux et manque d’éléments concrets... )

            L’exposé du film sur le cheminement de sam le jeune garçon vers ses souvenirs et sur sa prise de conscience de l’innocence de sa mère est aussi très intéressant.

            C’est un excellent film mais son sujet très focalisé et spécifique avec une absence complète d’aspect sociétal, ce sujet restreint à un couple d’intellectuels littéraires qui empêche toute généralisation de leurs rapports de couple,...  pose le problème de l’attribution d’une palme d’or qui devrait récompenser plutôt une oeuvre plus ouverte à son environnement de société, avec un thème plus général ? 

            Je n’ai pas de réponse. C’est aussi une compétition et ce film a été jugé meilleur tout simplement. 


            • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 août 2023 22:33

              @JMBerniolles
              Merci pour votre retour et vos précisions, interrogations, pertinentes. smiley

              « C’est un film ’féministe’ au bon sens du terme dans la mesure où cette femme résiste avec sa force mentale, ses capacités d’analyse, sa sincérité qui l’expose encore plus aux attaques manipulatrices dont elle est l’objet. »
              Tout à fait. 


            • Fergus Fergus 29 août 2023 09:42

              Bonjour, JMBerniolles

              « le scénario meurtrier qui la met en cause est vraiment tiré par les cheveux et manque d’éléments concrets »

              Non, pas vraiment car il n’y a pas non plus d’éléments probants dans le sens d’un accident ou d’un suicide.
              Et dans un tel cas  une mort suspecte médiatisée , il est rare qu’un juge d’instruction en vienne à délivrer un non-lieu, au risque de devenir la cible d’une partie de la presse. Raison pour laquelle il est décidé le plus souvent de renvoyer aux assises ce genre d’affaire aux contours flous afin de s’en remettre au verdict d’un jury souverain.

              Pour le reste, très largement d’accord avec votre pertinente analyse.


            • Fergus Fergus 29 août 2023 09:48

              Sur la justice, en complément à ce que j’ai écrit ci-dessus, il faut noter que la tenue d’un procès, l’oralité des débats et les confrontations entre les parties et les experts ou les témoins, permettent souvent de mieux éclairer telle ou telle tendance restée opaque dans l’austérité des pièces d’un dossier de plusieurs dizaines ou centaines de pages.


            • Aristide Aristide 29 août 2023 11:36

              @Fergus

              le 
              scénario meurtrier qui la met en cause est vraiment tiré par les cheveux et manque d’éléments concrets

              Vous répondez !!!

              Non, pas vraiment car il n’y a pas non plus d’éléments probants dans le sens d’un accident ou d’un suicide.

              Votre vision de la justice me fait frémir : vous trouvez logique que le magistrat instructeur de disposant d’aucun élément probant pour conclure à un accident ou un suicide renvoie devant les assises !!!

              Vous rendez compte que vous inversez la charge de la preuve, le juge d’instruction doit disposer « d’éléments graves et concordants démontrant que la personne ait participé aux faits ». Une mise en accusation dans de telles conditions est un déni de justice, 

              Je sais que vous vous asseyez à l’envi sur la présomption d’innocence, mais là, vous en rajoutez. Le fait de ne pas pouvoir démontrer une cause accidentelle ou le suicide serait suffisant pour mettre en accusation une personne !!!

              Vous dites avoir été juré, j’espère que vous aviez conscience de ce qu’est le doute et surtout la charge de la preuve ... 


            • Fergus Fergus 29 août 2023 11:58

              Bonjour, Aristide

              Vous racontez n’importe quoi ! Et qui plus est sans avoir vu le film qui sert de base à ces échanges.

              Il y a en l’occurrence des éléments qui font supposer une culpabilité de la personne suspectée. Mais aussi des éléments qui, au contraire, permettent de douter de cette culpabilité. Tout cela dans le cadre d’une affaire où il est établi qu’aucun tiers ne peut être mis en cause. L’hypothèse de l’accident étant écartée, il y a donc meurtre ou suicide.

              Le « déni de justice » ne serait-il pas de signer sans trop d’état d’âme une ordonnance de non-lieu dans une telle affaire, ce qui, vous l’oubliez un peu facilement, laissera toujours peser un doute sur la culpabilité de la mise en cause ?

              Et sans préjuger de la « présomption d’innocence », le plus équitable n’est-il pas de renvoyer l’affaire aux assises où ce n’est pas un homme seul confronté aux éléments du dossier mais un jury constitué de 9 magistrats et jurés populaires qui, unissant ses 9 intelligences, statuera en conscience au terme de débats contradictoires et étayés par toutes les pièces à conviction, par tous les témoignages ?


            • Aristide Aristide 29 août 2023 12:54

              @Fergus

              Le fait de ne pas avoir vu le film m’interdirait de réagir sur vos propos !!! Pour votre inforùmation, la réalisatrice reconnait le fait qu’il s’agit d’une dérive judiciaire. Voilà ce qu’elle dit dans un interview donné à Cineserie, la conclusion est probante, elle :

              Dans le procès on va juger quelqu’un avec des preuves. Mais si on en manque, on va aller voir dans sa manière de vivre. Donc il y a une dérive.

              Vous persistez dans le sophisme

              Il y a en l’occurrence des éléments qui font supposer une culpabilité de la personne suspectée. 

              Ce n’est pas la loi, il faut des éléments graves et concordants !!! Vous comprenez la différence entre graves et concordants et laisser supposer !!!!

              Le « déni de justice » ne serait-il pas de signer sans trop d’état d’âme une ordonnance de non-lieu dans une telle affaire, ce qui, vous l’oubliez un peu facilement, laissera toujours peser un doutesur la culpabilité de la mise en cause ?

              Celle-là, il faudrait l’encadrer !!! Mais tout de même assez démonstratif de votre absence complète de ce qu’est la vérité judiciaire. Non-lieu, coupable ou innocenté, c’est simple pourtant Voilà donc qu’il faudrait mettre en accusation sans preuve pour lever un doute !!! Et au risque d’une erreur judiciaire en plus !!! Mettre en accusation pour le bien de l’accusé !!!

              Le plus équitable n’est-il pas de renvoyer l’affaire aux assises où ce n’est pas un homme seul confronté aux éléments du dossier mais un jury constitué de 9 magistrats et jurés populaires qui, unissant ses 9 intelligences, statuera en conscience au terme de débats contradictoires et étayés par toutes les pièces à conviction, par tous les témoignages ?

              Notre système n’est pas accusatoire comme au USA, mais en grande partie inquisitorial. Dans un système accusatoire, c’est la confrontation du procureur et la défense, chacun dans son rôle accusant ou défendant ... et chacun avec ses moyens d’enquête ou de contre-enquête.

              Chez nous, c’est le juge d’instruction, indépendant qui instruit à charge et à décharge. Et la mise en accusation est un acte d’une très forte portée, son nom même est significatif « ordonnance de mise en accusation devant une cour d’assises » il porte une charge accusatoire claire par de graves éléments concordants nécessaires. Et cela change tout par rapport au système accusatoire strict comme au USA.

              Vous préférez surement le système anglo-saxon qui fait effectivement plus de place aux jurés, Pour ma part, je crois que notre système est plus juste et moins soumis à la puissance financière des parties. 

              NB : Un homme seul ? Le juge d’instruction n’est pas seul, la chambre de l’instruction ( ancienne chambre d’accusation) peut infirmer son ordonnance de mise en accusation.



            • Fergus Fergus 29 août 2023 13:57

              @ Aristide

              Votre propension à ratiociner de manière compulsive est décidément sans limite.
              Désolé, je n’ai pas de temps à perdre en discussions sans fin parfaitement oiseuses !!!


            • JMBerniolles 29 août 2023 17:08

              @Fergus

              Merci pour votre réponse.

              Le scénario sur lequel repose dans le film l’accusation de cette femme implique une interprétation fondée sur trois gouttes de sang. C’est déjà mince.
              Il est supposé que cela a été une dispute qui a mal tourné. Alors où aurait elle trouvé sur le balcon un objet contondant comme on dit, juste sous la main et qu’est-il devenu ? Ensuite le mari serait frappé en haut sur le balcon et il serait basculé en même temps par sa femme. Pas facile et d’où deux séries de chocs qui auraient été relevés lors de l’autopsie. Or il me semble que l’on voit surtout un énorme choc à la tête et une contusion limitée sur le bas du dos ? Et il ne me semble pas que du sang ait été découvert sur le balcon ?

              Mais le film est juste intéressé par l’ambiguïté symbolisée par les rapports d’expertise contradictoires. Il s’agit de lancer la machine judiciaire avec ce procès qui a un aspect effrayant avec le développement de sa propre logique accusatoire et l’infernale pression qu’il fait peser sur cette femme. Il me semble qu’il y a aussi une mécanique type ’Outreau’ en ce que l’appareil judiciaire, l’avocat général, tente d’amener le jeune garçon à accuser sa mère


            • Vincent Delaury Vincent Delaury 29 août 2023 17:24

              @JMBerniolles
              « (...) en ce que l’appareil judiciaire, l’avocat général, tente d’amener le jeune garçon à accuser sa mère. »
              Bien vu. smiley


            • Fergus Fergus 29 août 2023 22:31

              @ JMBerniolles

              Vous soulevez l’un des problèmes que l’on peut ressentir, non seulement en voyant ce film, mais également en suivant certains procès dans la vie réelle, où, au vu des faits tels qu’ils sont présentés dans l’acte d’accusation ainsi que des éléments produits, la culpabilité de l’accusé n’a rien d’évident (ce qui dans la réalité est très rare).
              Se met alors en place une forme de joute entre, d’une part, l’avocat général qui argumente et interroge les témoins uniquement à charge, et d’autre part, le ou les avocat(s) de la défense qui argumentent totalement à décharge.
              Cette mécanique est, hélas ! inévitable dans un tel contexte.
              On ne peut que le regretter, mais comment les parties du procès pourraient-elles procéder autrement ? Tout juste appartient-il au président d’intervenir pour éviter les dérapages. 


            • Fergus Fergus 29 août 2023 22:44

              J’ajoute que l’on ne peut pas évoquer « une mécanique type ’Outreau’ » car dans cette affaire le juge d’instruction était seul sans qu’une partie adverse puisse lui apporter la contradiction ni un président de tribunal le ramener à plus de discernement, ce qui a débouché sur le fiasco que l’on connaît.


            • Fergus Fergus 29 août 2023 22:54

              Suite de mon commentaire (perdu en route au moment du copié-collé) :
              Mais le fait est que le procès qui a suivi n’a pas grandi la Justice, c’est le moins que l’on puisse dire.
              A la décharge du jury, deux éléments ont concouru à ce qu’il soit biaisé : un dossier d’instruction complètement à charge et une incroyable pression médiatique au détriment des habitants de la Tour du Renard qui a joué elle aussi un rôle important dans le climat de Saint-Omer au moment de ce procès hors-norme.


            • Aristide Aristide 30 août 2023 12:46

              @Fergus

              Ma « ratiocination » n’est rien face à votre propension à vous assoir sur les principes fondamentaux de notre justice entre la présomption de culpabilité et la mise en accusation sans éléments graves et concordants ....


            • Aristide Aristide 30 août 2023 12:52

               @Fergus

              Cette mécanique est, hélas ! inévitable dans un tel contexte.


              Bien évidement évitable quand le droit est respecté et que l’on juge une personne que sur la base d’éléments graves et concordants. 


            • Aristide Aristide 30 août 2023 13:00

              @Fergus

              on ne peut pas évoquer « une mécanique type ’Outreau’ »

              Au contraire, la mécanique Outreau consiste à négliger l’équilibre indispensable entre charge et décharge, et surtout ne pas s’interroger sur la faiblesse des témoignages quand ils ne sont pas corroborés par des faits objectifs !!!

              Graves et concordants, ce n’est pas fait pour les chiens !!! Concordant ... cela vous dit quelque chose !!!

              Outreau n’est malheureusement pas l’erreur d’un seul homme, mais aussi la conjonction de la faillite d’une instruction bâclée par un juge incompétent, mais surtou d’un autre côté une chambre d’accusation qui n’a su voir que les éléments graves et concordants n’existaient pas !!!!

              Graves et concordants !!!


            • Fergus Fergus 30 août 2023 19:17

              @ Aristide

              Vous êtes décidément à côté de la plaque.
              Les magistrats instructeurs doivent fondre leur décision de renvoi aux assises sur la présence d’indices qui leur apparaissent comme « graves et/ou concordants ». Nous sommes d’accord sur ce point.

              Mais il ne s’agit pas forcément de preuves, qu’elles soient directes ou indirectes. Il peut s’agir de simples présomptions qui, aux yeux de ces magistrats, peuvent leur sembler suffisamment graves et/ou concordantes pour que la décision ne relève plus seulement de leur conscience, mais de la somme de celles des jurés !
              C’est clairement ce qu’il se passe dans ce film, et ce qu’il se passe dans des affaires réelles.

              J’ajoute que j’étais et que je reste farouchement attaché à la « présomption d’innocence », ne vous en déplaise !!!


            • Aristide Aristide 31 août 2023 11:05

              @Fergus

              Vous êtes décidément à côté de la plaque ;; ;. Il peut s’agir de simples présomptions ;; ;

              Et c’est moi qui suis à côté de la plaque !!!

              Vous devriez peser le poids des mots, la définition du Robert.

              Action de présumer ; opinion fondée seulement sur la vraisemblance.

              Exemple donné  : Vous n’avez que des présomptions, aucune preuve.

              Visiblement, vous ne savez pas ce que signifient vos mots. Je comprends donc qu’il est très difficile de comprendre votre pensée, je fais des efforts immenses, mais tout de même , des présomptions qui seraient ainsi des éléments graves et concordants !!!!

              Ce ne serait pas trop grave si vous n’aviez jamais été juré d’assises, je pleure que vous n’ayez bâti votre conviction sur de simples présomptions, enfin, j’espère pour l’accusé ... et pour vous, le sommeil tranquille ?

              J’ajoute que j’étais et que je reste farouchement attaché à la « présomption d’innocence », ne vous en déplaise !!!

              Vous avez exprimé le contraire à différentes reprises comme pour Sarkozy :

              Sans vouloir se substituer aux juges — ce sont eux qui auront le dernier mot —, il est néanmoins évident que Sarkozy, seul bénéficiaire de actes délictueux destinés à doper sa campagne électorale, ne peut pas être lavé de toute responsabilité, sauf à prendre les juges et les Français pour de parfaits idiots.

              C’est cela la remise en cause de la présomption d’innocence

            • Aristide Aristide 31 août 2023 11:29

              @Fergus

              Les présomptions ? Un mot, mais ce sont des vies derrière, des vies brisées !!!

              Les jury d’assises innocentent à peu près 6% des affaires, que ce soit en première instance ou en appel.

              Vous vous rendez compte que ce chiffre est inadmissible, celui en appel l’est encore plus. Des personnes sont innocentées après avoir été mis en accusation, condamnées en première instance puis innocentée !!! 6% c’est un simple chiffre, mais rapporté au nombre de procès, c’est plus de 100 personnes en première instance et plus de 50 en appel !!!

              Le pire est aussi dans la tendance à alourdir les peines en appel, comme si l’appel n’était pas un droit et que pour dissuader les personnes ont leur fait craindre une aggravation de la peine.

              On n’est pas au cinéma, que pour les besoins du sujet, la réalisatrice envoie aux assises dans ces conditions est une chose, que vous puissiez défendre que de simples présomptions suffisent !!!! 


            • Fergus Fergus 31 août 2023 20:59

              Bonsoir, Aristide

              « On n’est pas au cinéma »
              A cela près qu’entre le cinéma de Justine Triet et la réalité, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette !
              Je vous parle de la Justice telle qu’elle fonctionne  et qui est très bien illustrée par le film —, et vous ne cessez de ramener le débat à une vision de la Justice qui vous est personnelle, mais qui, à l’évidence, n’est pas du tout réaliste. Une vision fantasmée en quelque sorte !

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