Toujours, la plus grande tristesse est proche du plus grand bonheur.
Sympa cet article hagiographique. La prochaine fois, pourquoi ne pas nous proposer un article sur les saintes martyres de Sicile, sainte Lucie, sainte Agathe, etc. ?
@Gollum
Je ne suis pas d’accord. Le christianisme n’est pas un moralisme. Vous connaissez l’axiome de Spinoza : « Ce n’est pas parce que nous réprimons nos penchants que nous éprouvons de la joie, c’est parce que nous éprouvons de la joie que nous pouvons réprimer nos penchants. » Le mouvement est le même dans le christianisme : ce n’est pas parce que nous avons une conduite morale que nous rencontrons le Seigneur, mais c’est parce que nous reconnaissons Jésus comme Seigneur, parce que nous sommes sous la conduite de l’Esprit saint, que nous pouvons avoir une conduite morale. C’est un mouvement très caractéristique chez Paul, notamment dans Galates.
Dès là découle le commandement de ne pas juger selon des critères moraux les non-chrétiens, ceux qui ne sont pas soumis à la seigneurie de Christ : « L’une des règles essentielles de la vie chrétienne sera donc de ne jamais exiger d’un non-chrétien qu’il se conduise en chrétien » (J. Ellul, Le Vouloir et le Faire, p. 125). On retrouve la même injonction chez saint Paul (notamment 1 Co 5 : « Qu’ai-je à faire de juger ceux du dehors ? »).
Que ces préceptes aient
rarement été appliqués par la chrétienté historique, je vous l’accorde.
Effectivement, il y a eu passage d’un mode de vie réservé au petit nombre à un
christianisme de masse, ce qui a entraîné une normalisation morale, la contrainte,
etc. J. Ellul ne dit pas autre chose. Au fond je pense à peu près comme vous.
Mais ce n’était pas vraiment le sujet de l’article.
@Gollum
Pour Guénon, c’est vous le spécialiste, je vous accorde volontiers tout ce que vous voulez.
Mais vous n’arrivez pas à comprendre (ce n’est pas la première fois) que le moralisme est du côté des Grecs et de Platon, et le « par-delà le bien et le mal » est du côté de saint Paul et de la Bible. Platon est hyper-moral. Il fait de la vertu le fondement de la société dans Les Lois. Même les puritains anglo-saxons ne vont pas jusque-là. Il a consacré plusieurs dialogues à la vertu. Il ne cesse de décrire des jugements post-mortem, où les actions seront jugées, sur des critères moraux, avec une grande rigueur (dans La République, dans le Gorgias, dans le Phèdre). Saint Paul ne se place pas sur ce terrain-là, mais sur le seul terrain biblique, celui du rapport à Dieu (« Tout est permis », 1 Co 6, 12). La morale vient ensuite, non pas de façon universelle, à la grecque, mais uniquement pour ceux qui agissent sous la conduite de l’Esprit. C’est les anti-biblistes comme JP Ciron qui sont obsédés par une morale universelle, qui se réclament de Zoroastre, fondateur de la première morale universelle, etc. La Bible ne se situe pas sur ce terrain-là. C’est un autre paradigme. Et ce que vous reprochez à saint Augustin lui vient directement de Platon, et des platoniciens. Il suffit de lire les extraits de Plutarque que j’ai mis dans l’article pour voir cette obsession pour la droiture morale, la chasteté, etc. (lisez les passages sur Alcibiade, sur Dion). Vous faites un grave contresens car vous ne connaissez bien ni les Grecs ni la Bible. Ellul a écrit des ouvrages entiers pour montrer que le christianisme n’est pas moral, qu’il est une anti-morale (Le Vouloir et le Faire, L’Ethique de la liberté, La Subversion du christianisme). Ellul a passé sa vie sur la Bible, il connaissait cela mieux que vous.
@eau-mission
What’s this stuff ? I just don’t care.
@Bernard Dugué
Merci pour votre remarque.
Heidegger est un métaphysicien. Je ne suis pas sûr qu’il aurait eu grand-chose à dire sur tout cela. Pour le reste, je n’ai pas tout lu, bien sûr.
Je ne sais pas si la philosophie
est « l’établissement d’une nouvelle fondation », mais celle-ci n’a
semble-t-il pas mené bien loin. Platon a rédigé Les Lois, en douze livres (son
plus gros ouvrage), une description détaillée de la société dans tous ses
aspects, et ce programme n’a été appliqué nulle part, il n’y a même pas eu de
tentative. La philosophie n’a jamais cessé d’être une discipline de cabinet de
travail, pour spécialistes, déconnectés de la société. C’est le grand mérite du
christianisme de renouer avec les fondements anthropologiques de base (le Père,
le rite, le sacrifice) que la philosophie avait évacués ou enjambés
dédaigneusement.
@Gollum
Ce n’est pas un article sur l’Eglise, mais sur le platonisme avant l’Eglise. Bien sûr que les Pères ont largement puisé dans Platon pour donner à l’Eglise une armature idéologique. Au prix d’énormes malentendus d’ailleurs. Intégrer Platon, c’est intégrer tout le moralisme que vous reprochez tant au christianisme, et qui est absent des évangiles. C’est fausser la perspective. Mais encore une fois ce n’est pas le sujet.
La philosophie se targue d’accéder
à des vérités éternelles, intemporelles. Mais je ne suis pas le premier à
pointer les origines toutes contingentes de la philosophie grecque, qui est
apparue au moment d’une grave crise anthropologique, lors de laquelle tous les
fondements de la société traditionnelle ont été remis en question (pas
seulement en Grèce d’ailleurs). C’est ce que professe René Guénon, qui est très
sévère sur la « philosophie », au début de La Crise du monde moderne.
Guénon rejoint Nietzsche là-dessus.
François Bayrou gouvernera.
@Gollum
Merci pour votre réponse.
@Gollum
Vous avez une lecture photographique des Écritures. Ce n’est pas du tout dans cet esprit qu’il faut les lire. Vous plaquez la mentalité contemporaine sur ces textes, ça conduit forcément à des aberrations. Une herméneutique est indispensable, c’est l’Écriture elle-même qui nous l’enseigne : « Il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24, 27).
Réponse : Ah oui mais jusqu’à Vatican II l’Église a fait une lecture littérale.
Réponse : L’Église a toujours professé que Dieu avait créé le monde, et ça reste encore l’hypothèse la plus probable. Pour le reste, les textes sont dépendants des mentalités et des cultures dans lesquels ils ont été rédigés, d’où la nécessité d’une approche herméneutique et philologique. D’ailleurs c’est la mentalité contemporaine qui est obsédée par les origines, les modalités précises de la Création, etc. Les textes se focalisent bien plus sur la fin. Et il y a eu d’innombrables expressions authentiques de la foi sans se focaliser là-dessus.
Mais le cours de la discussion est vraiment caractéristique. On en revient toujours à la science. Vous parlez de l’évolution. Ce qui est intéressant, c’est que Nietzsche n’a jamais utilisé cette théorie contre le christianisme. Il se plaçait sur un autre plan pour engager la lutte, il ne daignait pas s’abaisser à utiliser des considérations aussi incertaines et aussi triviales. Voici ce qu’il dit sur Darwin : « Il se peut que l’homme de pouvoir de grand style, le créateur doive être un ignorant, - tandis qu’inversement une certaine étroitesse, de la sécheresse, une patiente minutie, bref quelque chose d’anglais, prédispose assez bien à faire des découvertes scientifiques dans le genre de celles de Darwin. (…) La noblesse européenne, - la noblesse du sentiment, du goût, des mœurs, bref la noblesse dans tous les sens élevés du mot, - est l’œuvre et l’invention de la France ; la vulgarité européenne, la médiocrité plébéienne des idées modernes est l’œuvre de l’Angleterre » (Par-delà le bien et le mal, 253).
Nietzsche était un esthète,
jusqu’au bout. Le Cas Wagner est un de ses derniers textes. Il n’aurait rien
fait de votre histoire de multivers, pour lui ça aurait été un truc de
technicien, il n’avait pas votre conception totalitaire (moderne) de la vérité.
@Gollum
Oui, c’est vrai, vous êtes moins fanatique dans le positivisme matérialiste que certains (JP Ciron par exemple), plus ouvert à d’autres dimensions de l’existence. Mais vous tendez quand même beaucoup dans cette direction (« La science a démontré que… », vous l’avez dit mille fois).
Il est tout naturel pour les chrétiens de s’intéresser à Nietzsche, avec lequel ils peuvent partager une bonne part du diagnostic sur le monde moderne. Le père de Nietzsche était pasteur (tout comme Guénon venait d’une famille très catholique de Blois), donc ces auteurs sont imprégnés de la vision chrétienne du monde, il y a une sorte de sensibilité commune. D’ailleurs Benoît XVI cite Nietzsche dans sa première encyclique Dieu est amour.
La science ne peut pas invalider la foi et ne le pourra jamais. Prétendre cela (comme vous le faites), c’est professer une sorte de monisme mécaniste, c’est décréter la supériorité ultime de la science comme instance validatrice de la vérité. Alors que justement le Dieu biblique ne s’impose jamais, mais se cache et laisse place à la réponse de l’homme.
"Nietzsche avait comme regret de ne pas avoir fait d’études scientifiques."
Il amusant de voir tous les positivistes tenter de s’approprier Nietzsche. Alors qu’il n’a cessé de fustiger l’esprit scientifique de son époque, dans lequel il voyait la principale source de la médiocrité du monde moderne, et (à juste titre) un substitut dégradé de la foi chrétienne (« De quelle manière, nous aussi, nous sommes encore pieux : On aura déjà compris où je veux en venir, à savoir que c’est encore et toujours sur une croyance métaphysique que repose notre foi en la science », Gai savoir, 344), et qu’il n’a cessé d’affirmer la supériorité de l’artiste sur le « savant » : « C’est seulement comme phénomène esthétique que peuvent se justifier éternellement l’existence et le monde », Naissance de la tragédie, 5). Mais ça, même les nietzschéens ne peuvent pas l’admettre…
Nietzsche était surtout un extraordinaire philologue. C’est ce qui manque à beaucoup de ceux qui se penchent sur les civilisations du passé. Il comprenait les Grecs de l’intérieur. Tous ses jugements critiques sur cette période sont éblouissants de profondeur et de pertinence. Il était plus artiste que philosophe. On continue à le lire pour le style, mais ses diagnostics ne sont plus du tout adaptés à notre société (dont les déterminations ne sont plus du tout morales, mais techniques et émotionnelles).
« Mes fils sont miens, ma fortune est mienne », voilà ce qui tourmente le sot. Mais si lui-même ne s’appartient pas vraiment, que dire de ses fils, de sa fortune ? »
Dhammapada, 62
@Gollum
@Louis
I always vote for you guy. You deserve to be published. So unfair.
All this is too classy for this website, and for our time. Quid du stade de France de Booba la semaine prochaine ? Et son clash avec Rohff ? C’est sérieux ou c’est de la comédie ?
@mursili
Merci à vous pour ce commentaire.
Oui, je crois que Scorsese aussi a déclaré quelque part
que Barry Lyndon était son film préféré. Vous citez les réalisateurs actuels,
mais je crois que Kubrick était un cas unique. C’était non seulement un génie
sur le plan de la photographie (aux deux sens du terme), mais aussi un homme
immensément cultivé, très intelligent (ce qui n’est pas la même chose), et doté
d’un regard extrêmement subversif sur la société. Ça fait beaucoup de qualités…
Je ne pense pas que Nolan par exemple, ou Damien Chazelle, puissent
en dire autant pour le moment. En tout cas vos exemples montrent bien l’influence
de Kubrick (et de 2001 en particulier) sur une bonne partie des cinéastes
actuels.
C’est toujours le même problème avec vous Fergus… Vous vous dites antilibéral sur le plan économique, mais vous faites une promotion acharnée pour le libéralisme sociétal. Or l’un ne va pas sans l’autre. Les sociétés non-libérales sont des sociétés patriarcales. Et les JO modernes sont le temple du consumérisme et de la publicité (JO à Atlanta, chez Coca-Cola). Féminisme et libéralisme, vieille histoire (cf. Bernays).
@goc
Je vous remercie pour votre commentaire.
Votre réaction me semble justement caractéristique de cette attitude de l’homme moderne à l’égard du lyrisme que je dénonce dans l’article. Je n’avais pas du tout la prétention de dévoiler le « vrai message » de 2001, l’Odyssée de l’espace (à supposer qu’il y en ait un). Votre propension à placer le « message » au-dessus de la poésie est justement typique de la mentalité technicienne. Il n’est pas du tout sûr que Kubrick ait voulu dire quoi que ce soit à travers 2001. Il s’est souvent prononcé en faveur d’une certaine indécision, d’une certaine ouverture de l’œuvre d’art, et contre tout message univoque dans ce domaine. Il n’avait rien d’un prédicateur. Et quant au livre d’Arthur C. Clark, d’après ce que j’en sais, il a été écrit pendant le tournage, sur des instructions directes de Kubrick, et précisément pour brouiller les pistes. Il y a des différences majeures entre le livre et le film, et le film n’est absolument pas une adaptation du livre.
Eh bien oui, j’ai retenu et cité les compositeurs les plus « lyriques », puisque c’était le thème de l’article. Je ne prétendais pas épuiser toute la richesse de 2001 en dix lignes...
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