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Accueil du site > Tribune Libre > Considérations sur le platonisme en politique

Considérations sur le platonisme en politique

 Au cours de l’Antiquité, la philosophie de Platon a inspiré de nombreux hommes illustres, à la fois grecs et romains. Se réclamant des idéaux de liberté et de justice, ces tentatives de politique platonicienne appliquée ont, dans les faits, presque toujours abouti à des désastres individuels et collectifs. Quelle est l’origine véritable de la philosophie platonicienne, et de la « philosophie » tout court ? Qu’est-ce que Socrate ? Quels sont les motifs profonds que l’on peut trouver derrière l’affiliation à de telles écoles de pensée ? Quel est le bilan réel du platonisme en politique ?

Il n’est pas impossible que l’on ait mal interprété, jusqu’à nos jours, l’action des fameux « hommes illustres » de l’Antiquité classique. On a vu, chez tous ces généraux et hommes d’État grecs et romains, l’expression d’une civilisation à son apogée, une alliance unique et éblouissante de rationalité, de maîtrise de soi et d’énergie virile. Peut-être faudrait-il y voir au contraire, comme Nietzsche l’a fait en son temps, le signe d’une indéniable décadence par rapport aux vertus plus stables et plus discrètes de l’ère patriarcale grecque, dont Homère fournit l’archétype, et dont les tragiques (Eschyle, Sophocle, Euripide) constituent les tous derniers échos avant extinction. Le platonisme en particulier, philosophie abstraite s’il en est, lorsqu’il a été appliqué en politique, ne traduit-il pas un immense désarroi quant aux valeurs et au sens même de la vie ? Loin de mener à une maîtrise accrue de la situation, à une appréhension vraiment objective des choses, comme l’ont cru ses adeptes, n’a-t-il pas conduit, au contraire, de manière systématique, à des comportements aberrants, erratiques, et finalement à des résultats catastrophiques, conséquence naturelle d’une altération radicale de la conception saine de l’existence ? Ne faut-il pas faire le procès du platonisme en politique, et voir ce qu’il est vraiment : un signe de décadence et de désespoir ?

Tout cela commence à la vérité avec Socrate, et c’est un des grands mérites de Nietzsche d’avoir entrepris une véritable critique de la nature et des motivations de l’esprit socratique, dès son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie (1872), et jusqu’à ses toutes dernières pages de 1888 (Ecce homo). Qu’est-ce que Socrate ? C’est avant tout l’expression d’une révolte contre le grand principe patriarcal traditionnel, bien oublié de nos jours, mais qui a modelé toute la civilisation pendant des millénaires, et dont on trouve des traces un peu partout, dans le Ramayana de l’Inde, dans L’Iliade, mais surtout dans les institutions archaïques du monde indo-européen traditionnel, telles que de nombreux historiens ont pu nous les décrire (voir par exemple J. Ellul, Histoire des institutions, t. 1, pour ce qui concerne la Grèce). « Achille, fils de Pélée », « Hector, fils de Priam », « Ulysse, fils de Laërte », mais aussi « Cimon, fils de Miltiade », « Périclès, fils de Xanthippe », etc. Une exposition détaillée du principe patriarcal mériterait une longue étude à part entière, étude sans doute nécessaire tant ce principe nous est devenu étranger, mais il faut en tout cas comprendre que pour la mentalité que nous qualifierons d’« antique » tout le rapport à l’existence, l’essence même de celle-ci à vrai dire, était strictement déterminé par la lignée paternelle. C’est de cette lignée que toutes les vertus individuelles découlaient, il n’y avait pas d’autre source. « Digne de mon sang » est une notion qui revient sans cesse chez les tragiques. Cette conception de l’existence avait fait la preuve de sa pérennité, comme si elle était inscrite dans l’ordre même des choses. Elle donnait à la vie un certain caractère de noblesse et de grandeur, elle fournissait aussi une base de stabilité et d’endurance aux entreprises individuelles et collectives, dont l’agitation stérile de la vie politique contemporaine fournit l’exact contrepoint. Or c’est ce principe qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, s’effondre tout d’un coup, en Grèce mais aussi en Inde, aux alentours du VIe siècle avant notre ère. Socrate n’est pas le responsable de cet effondrement, il en est le symptôme. La dialectique socratique est un effort désespéré pour faire face et tenir bon, lorsque tout le reste fout le camp. Nietzsche y voit le triomphe des instincts populaires (de ceux qui, justement, n’ont pas de lignée) sur les antiques valeurs aristocratiques des Grecs : « Avec Socrate le goût grec s’altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement ? Avant tout c’est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus. Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. (…) On ne choisit la dialectique que lorsqu’on n’a pas d’autre moyen. On sait qu’avec elle on éveille la défiance, qu’elle persuade peu » (Crépuscule des idoles, « Le problème de Socrate »). Dans l’Athènes du Ve siècle, confrontée à la guerre du Péloponnèse qui lui sera fatale, ravagée par la peste, agitée par les démagogues comme Cléon, la dialectique socratique représentait une planche de salut, puisque de toute façon les principes naturels de la civilisation traditionnelle étaient en train de couler : « Le fanatisme que met la réflexion grecque tout entière à se jeter sur la raison trahit une situation de détresse : on était en danger, on n’avait que ce choix : ou couler à fond, ou être absurdement raisonnable… » (Ibid.).

Il faut donc bien comprendre, au seuil de cette réflexion, d’où vient le socratisme, et le platonisme qui en est la continuation théorique : il s’agit d’une construction artificielle, hors-sol pourrait-on dire, échafaudée en vue de récupérer le sens de la vie, lorsque celui-ci s’en est allé. Le refuge dans la vérité objective, « scientifique » dirait-on de nos jours (Nietzsche a des pages féroces dans lesquelles il assimile de façon très pertinente la mentalité scientiste de son époque à l’esprit socratique), ce refuge dans une « vérité » abstraite et universelle (conception qui gouverne encore notre monde aujourd’hui) est le fruit du désespoir, il ne peut séduire que des esprits coupés des valeurs ancestrales, des marginaux, des excentriques, des « sans-père », et il ne peut conduire qu’à des comportements dogmatiques, idéologiques, artificiels, absolument calamiteux sur le plan politique. C’est ce que nous essaierons de mettre en évidence dans cet article.

Nous disposons, pour étudier le platonisme en politique durant l’Antiquité gréco-romaine, d’un outil incomparable : les Vies des hommes illustres de Plutarque. Il s’agit, pourrait-on dire, d’une « Histoire platonicienne de l’Antiquité », puisque Plutarque est un philosophe platonicien qui étudie l’histoire selon des principes platoniciens. Sans surprise, il montre une certaine prédilection pour les hommes d’État qui se revendiquaient de la même école que lui, et nous avons donc dans son œuvre toute une galerie de portraits d’authentiques platoniciens en politique. C’est donc à travers Plutarque que nous pouvons tenter de mesurer l’efficacité réelle du platonisme appliqué.

Deux traits communs ressortent avec évidence de toutes les biographies que nous allons évoquer : 1. Une incontestable lacune, dans tous les cas, du côté de la lignée paternelle ; 2. Une propension à l’agitation politicienne, une tendance à vouloir appliquer des principes abstraits (souvent la « vertu », la « liberté ») à la situation, et ce au mépris des contingences, avec, dans quasiment tous les cas, une issue tragique.

Nous pouvons à présent passer à nos « hommes illustres » (toutes les citations sont de Plutarque) :

 

- Alcibiade : Le père d’Alcibiade, Clinias, meurt à la bataille de Coronée (447 av. J.-C.), lorsque celui-ci n’a que deux ans. Il semble qu’Alcibiade ait trouvé en Socrate, auprès duquel il a combattu à la bataille de Potidée (432 av. J.-C.), une sorte de père de substitution : « Assiégé et amolli dès sa jeunesse par ceux qui ne cherchaient qu'à lui complaire (…), il sut néanmoins, par la bonté de son naturel, reconnaître le mérite de Socrate ; il l'attira auprès de sa personne, et en écarta tous les hommes riches et puissants qui lui faisaient la cour. Il eut bientôt formé avec ce philosophe une liaison intime, et il écouta avec plaisir les discours d'un ami dont l'attachement n'avait pas pour objet une volupté honteuse et de lâches plaisirs ; mais qui voulait, en lui faisant connaître les imperfections de son âme, réprimer son orgueil et sa présomption. (…) On était étonné de le voir souper et lutter tous les jours avec Socrate, loger à l'armée sous la même tente que lui ; au contraire, traiter avec dureté tous ceux qui le recherchaient, les insulter publiquement. » Alcibiade est donc le premier homme politique proprement socratique. Or qu’est-ce que la carrière politique d’Alcibiade ? Une suite de trahisons (passant d’Athènes à Sparte, puis au Mède, avant de revenir à Athènes et d’en être à nouveau exilé, etc.). Ce qu’il faut noter, c’est que l’homme qui a été le plus proche de Socrate est sans doute, en même temps, celui qui est le plus directement responsable de la chute de l’empire athénien (on connaît son rôle à l’origine de la désastreuse expédition de Sicile). Ce bref miracle athénien, où la force s’appuyait sur la rationalité, où un sens quasi divin de la beauté et de l’équilibre éclatait dans toutes les productions humaines (qu’on songe à la tragédie, à l’architecture), a donc été brisé irrémédiablement par un homme politique socratique. Alcibiade, après une série de revers, aura une fin tragique et obscure, assassiné en Phrygie, au sortir du lit de sa concubine.

- Dion de Syracuse : Le père de Dion, Hipparinos, meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant. Il semble que Dion ait trouvé en Platon une sorte de père de substitution : « Dion était d'un naturel fier, magnanime et courageux. Ces qualités s'accrurent encore en lui dans un voyage que Platon fit en Sicile par un bonheur vraiment divin, et auquel la prudence humaine n'eut aucune part. Il faut plutôt croire qu'un dieu, qui jetait de loin le fondement de la liberté des Syracusains, et préparait la ruine de la tyrannie, amena Platon d'Italie à Syracuse, et ménagea à Dion le bonheur de l'entendre. Sa grande jeunesse le rendait plus propre à s'instruire, et plus prompt à saisir les préceptes de vertu donnés par Platon, qu'aucun des disciples de ce philosophe. C'est le témoignage que lui rend Platon lui-même, et ses actions en sont encore une meilleure preuve. Élevé dans le palais d'un tyran, formé à des mœurs serviles, à une vie lâche et timide, toujours entouré d'un faste insolent, nourri dans un luxe effréné, rassasié de ces délices et de ces voluptés dans lesquelles on place le souverain bien, il n'eut pas plutôt goûté les discours de Platon et les leçons de sa sublime philosophie, que son âme fut enflammée d'amour pour la vertu. » Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur les relations complexes entre Dion, Platon et Denys de Syracuse. Retenons seulement que Dion, imprégné par l’idéal platonicien, s’engagea dans une opposition intransigeante à l’égard de Denys, et qu’il fut exilé de longues années sur le continent. Après une dernière entrevue avec Platon à Olympie, Dion s’embarque en 357 pour Syracuse avec ses partisans, et chasse Denys du trône. Il est accueilli en libérateur par les Syracusains, mais il échoue finalement à venir à bout des dissensions internes, et il meurt assassiné, après avoir perdu une grande partie de ses soutiens. Agitations, dissensions, fin tragique, et désordre politique, puisque après sa mort Syracuse retombe dans la guerre civile, tel est le triste bilan du platonicien Dion en Sicile.

Nous pouvons à présent passer aux hommes politiques romains :

- Caton d’Utique : Le père de Caton meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant, et il est élevé par son oncle maternel. Très vite, Caton semble compenser cette lacune familiale par un attachement assez rigoriste aux idéaux philosophiques : « Il se lia intimement avec Antipater de Tyr, philosophe stoïcien, et fit sa principale étude de la morale et de la politique. Épris d'un si grand amour pour toutes les vertus, qu'il y semblait porté par une inspiration divine, il préférait à toutes les autres la justice, mais cette justice sévère qui ne se prêtait jamais à la grâce ni à la faveur. » Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur la carrière politique agitée de Caton le Jeune. Il est connu pour son opposition intransigeante à César, et ses revirements à l’égard de Pompée, qu’il finit par rejoindre lors de la guerre civile après l’avoir longtemps vilipendé. Caton meurt en platonicien, et, acculé à Utique par les victoires de César, il finit par se poignarder après avoir relu le Phédon. Agitations, dissensions civiles, mort tragique et vaine, puisqu’elle n’empêchera pas César d’accéder à la dictature, tel est le triste bilan de Caton en politique.

- Cicéron : Cicéron était ce qu’on appelle un homo novus, c’est-à-dire qu’il n’est pas issu d’une famille patricienne. Plutarque fait état des incertitudes qui entourent sa lignée paternelle. Comme pour compenser une lacune de ce côté-là, le jeune Cicéron s’adonne avec enthousiasme à l’étude des lettres et de la philosophie : « Il avait reçu de la nature un esprit né pour la philosophie et avide d'apprendre, tel que le demande Platon : fait pour embrasser toutes les sciences, il ne dédaignait aucun genre de savoir et de littérature. » Il se forme en particulier auprès d’un maître platonicien : « Après avoir terminé ses premières études, il prit les leçons de Philon, philosophe de l'Académie, celui de tous les disciples de Clitomachus qui avait excité le plus l'admiration des Romains par la beauté de son éloquence, et mérité leur affection par l'honnêteté de ses mœurs. » Cicéron conservera toute sa vie ce fort attachement à l’égard de la philosophie, comme en témoignent les nombreux traités qu’il a consacrés à ce sujet, et auxquels nous devons en partie ce que nous savons sur les philosophies hellénistiques (notamment le De Finibus et les Tusculanes). Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur la carrière agitée de Cicéron, sur ses nombreux revirements à l’égard de César et de Pompée. Après avoir prodigué son énergie dans de nombreux textes polémiques (Philippiques, etc.), il meurt finalement assassiné sur l’ordre d’Octave et d’Antoine, sans avoir réussi à empêcher la chute de la République et l’établissement du Principat. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Cicéron en politique.

 

- Brutus : L’incertitude règne autour des origines paternelles de Marcus Junius Brutus. Si, pour certains, il descend bien du premier consul de la république, Lucius Junius Brutus, pour ses ennemis, en revanche, « Marcus Brutus était de race plébéienne, fils d'un Brutus intendant de maison, et (…) il n'était parvenu que depuis peu aux dignités de la république ». Quoi qu’il en soit, c’est surtout du côté maternel que Brutus semble s’être tourné. Sa mère, Servilia, était la sœur de Caton (cf. supra), auquel il était fort attaché, au point de devenir son gendre. Tout comme Caton, Brutus était fort versé, dès son plus jeune âge, dans les lettres et la philosophie : « On peut dire qu'il n'y avait point de philosophe grec dont Brutus ne connût la doctrine ; mais il donna une préférence marquée à l'école de Platon. » La doctrine platonicienne semble avoir imprégné Brutus, et la droiture de son caractère ne passait pas inaperçue auprès de ses contemporains : « Brutus, aimé du peuple pour sa vertu, chéri de ses amis, admiré de tous les gens honnêtes, n'était pas même haï de ses ennemis. Il devait cette affection générale à son extrême douceur, à une élévation d'esprit peu commune, à une fermeté d'âme qui le rendait supérieur à la colère, à l'avarice et à la volupté. Toujours droit dans ses jugements, inflexible dans son attachement à tout ce qui était juste et honnête, il se concilia surtout la bienveillance et l'estime publique, par la confiance qu'on avait dans la pureté de ses vues. » Le destin politique de Brutus est bien connu : l’assassinat de César (« La seule chose qui soit bien arrêtée dans mon esprit, c'est de n'être jamais esclave de personne »), le conflit avec ses héritiers (Octave et Antoine), la défaite dans la plaine de Philippes et le suicide final. Brutus n’aura pas réussi à sauver la République. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Brutus en politique.

La grande période classique de l’Antiquité occidentale, qui a vu la floraison de tant d’écoles philosophiques et en particulier du platonisme, est donc une période de crise sans précédent du principe fondamental de toute société humaine : l’ordre patriarcal. Ceci jette une lumière sans complaisance sur l’origine de la philosophie : celle-ci n’est ni une étape nécessaire et naturelle du progrès de l’esprit humain, ni un effort grandiose de l’homme pour atteindre on ne sait quel idéal de liberté et de béatitude. Elle est un effort désespéré et tragique pour faire face à la disparition du fondement même de l’existence. Les conflits incessants dans le monde méditerranéen entre l’époque de Socrate (guerre du Péloponnèse) et la bataille d’Actium sont l’expression et la conséquence directe de ce dérèglement global, que l’effervescence philosophique a grandement favorisé. Ce fut la fin de la paix, la fin du calme. Toutefois, cette crise a pris fin. Une génération après la mort de César, une voie grandiose a été rouverte à l’homme pour retrouver le chemin du Père, non pas le père selon la chair, mais le Père véritable, « de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom » (Éphésiens 3, 15).


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12 réactions à cet article    


  • Clark Kent Thérèse Proh-Ika 7 septembre 2022 08:41

    Et pourtant... lien.


    • Gollum Gollum 7 septembre 2022 09:22

      Eh bé... smiley

      Partir de Nietzsche pour condamner Platon, en passant par une sorte de psychanalyse à la Mélusine aboutissant à la perte du Père, pour finir par retrouver ce Père par le christianisme...

      Alors que Nietzsche fait du christianisme un platonisme déguisé. De ça notre Laconique l’évacue.

      Que Platon fut intégré très tôt dans l’Eglise comme le montre le lien de Thérèse PI ci-dessus, avec la référence à Etienne Gilson..

      D’autre part la rationalité c’est bien plus Aristote que Platon.. 

      Nietzsche milite pour l’aristocratie. Vrai. Sauf que le christianisme ne milite pas pour l’aristocratie. Mais est bel et bien un populisme..

      Il n’y a plus ni homme, ni femme, ni maître, ni esclave, nous dit Paul.

      Et donc ni Père, ni fils cela va de soi.. adieu la filiation..

      Bref, le christianisme a été niveleur et c’est bien lui la source même de l’égalitarisme républicain de la modernité..

      Cette modernité haïe par notre Laconique. 


      Ceci jette une lumière sans complaisance sur l’origine de la philosophie : celle-ci n’est ni une étape nécessaire et naturelle du progrès de l’esprit humain


      Ben voyons... voilà une approche sournoise pour nous refiler... la foi.



      Elle est un effort désespéré et tragique pour faire face à la disparition du fondement même de l’existence.


      C’est l’inverse. Du moins la philosophie grecque de cette époque je ne parle pas de la philosophie moderne qui est très souvent nihiliste (Sartre, Derrida)..


      La philosophie grecque consiste à se rapprocher des dieux et à avoir une vie divine.. Et donc de ne pas être soumis aux aléas de l’homme ordinaire..


      Curieusement c’est assez proche de ce que proposait le Christ. Bois de cette eau et tu n’auras plus jamais soif.


      C’est bien pour ça que Platon fut intégré au sein de l’Eglise.


      • Laconique Laconique 7 septembre 2022 14:24

        @Gollum

        Ce n’est pas un article sur l’Eglise, mais sur le platonisme avant l’Eglise. Bien sûr que les Pères ont largement puisé dans Platon pour donner à l’Eglise une armature idéologique. Au prix d’énormes malentendus d’ailleurs. Intégrer Platon, c’est intégrer tout le moralisme que vous reprochez tant au christianisme, et qui est absent des évangiles. C’est fausser la perspective. Mais encore une fois ce n’est pas le sujet.

        La philosophie se targue d’accéder à des vérités éternelles, intemporelles. Mais je ne suis pas le premier à pointer les origines toutes contingentes de la philosophie grecque, qui est apparue au moment d’une grave crise anthropologique, lors de laquelle tous les fondements de la société traditionnelle ont été remis en question (pas seulement en Grèce d’ailleurs). C’est ce que professe René Guénon, qui est très sévère sur la « philosophie », au début de La Crise du monde moderne. Guénon rejoint Nietzsche là-dessus.


      • Gollum Gollum 7 septembre 2022 15:34

        @Laconique

        Intégrer Platon, c’est intégrer tout le moralisme que vous reprochez tant au christianisme

         ?? C’est quand même pas Platon qui a inventé la notion de péché originel volontaire exploité par Augustin ad nauseam afin de culpabiliser un max le bon peuple et de l’exploiter... ?? non ?

        La philosophie se targue d’accéder à des vérités éternelles, intemporelles.

        La philosophie antique oui. La moderne non.

        au moment d’une grave crise anthropologique, lors de laquelle tous les fondements de la société traditionnelle ont été remis en question

        Et alors ? Cela peut partir en haut ou en bas il n’y a pas de sens à priori.. Du reste le judaïsme traditionnel s’est construit aussi lors de graves crises.. L’exil à Babel entre autres.. 

        C’est ce que professe René Guénon, qui est très sévère sur la « philosophie »

        Vous ne lisez que ce que vous voulez bien lire. Guénon dénonce la rationalisation de la philosophie ce qui n’est pas tout à fait pareil, sa dégradation..

        Il parle d’un aspect ésotérique de la philosophie (et Platon était à fond là-dedans) enseigné de façon orale auprès d’un petit cercle. Et d’un aspect exotérique, plus à destination de la masse, et couché par écrit..

        Plus tard l’aspect ésotérique a disparu. N’est resté que la partie exotérique enseignée de plus en plus par des fonctionnaires officiels.

        Il s’agit d’un processus de dégradation, d’entropie, qui a aboutit très longtemps après à la situation actuelle où philosophie = discours intellectuel.

        Allez un petit copié/collé :

        Ainsi la première forme de cette négation, dans l’ordre du connaître, se caractérise par le « rationalisme », c’est-à-dire par la « négation de l’intuition intellectuelle » et conséquemment le fait de « mettre la raison au-dessus de tout ». Les Anciens en effet, de Platon à saint Thomas d’Aquin en passant par Plotin et saint Augustin, enseignaient l’existence, au-dessus de la raison humaine individuelle, d’une faculté de connaissance synthétique appartenant à l’esprit par laquelle sont intuitivement saisis les principes universels de l’être et du connaître. Par opposition, les Modernes ont cessé de reconnaître l’existence et l’efficience de l’intellect, pour le confondre à partir de Descartes avec la raison, jusqu’ici considérée comme faculté humaine et individuelle de connaissance discursive appartenant à l’âme dans son enquête des lois générales de la nature. Le mouvement amorcé par Descartes devait se confirmer avec Kant qui, renversant la hiérarchie, plaça l’intellect au-dessous de la raison sous la forme de l’entendement et déclara « inconnaissables » les objets traditionnels de la métaphysique intellectualiste d’antan, au premier rang desquels Dieu.

        Source : https://philitt.fr/2022/06/27/rene-guenon-et-la-reforme-de-loccident/

        Guénon rejoint Nietzsche là-dessus.

        Non pas du tout. Nietzsche refuse Platon et Socrate.

        Guénon est d’accord avec Platon même s’il y voit le début d’une dégradation.


      • Laconique Laconique 7 septembre 2022 17:00

        @Gollum

        Pour Guénon, c’est vous le spécialiste, je vous accorde volontiers tout ce que vous voulez.

        Mais vous n’arrivez pas à comprendre (ce n’est pas la première fois) que le moralisme est du côté des Grecs et de Platon, et le « par-delà le bien et le mal » est du côté de saint Paul et de la Bible. Platon est hyper-moral. Il fait de la vertu le fondement de la société dans Les Lois. Même les puritains anglo-saxons ne vont pas jusque-là. Il a consacré plusieurs dialogues à la vertu. Il ne cesse de décrire des jugements post-mortem, où les actions seront jugées, sur des critères moraux, avec une grande rigueur (dans La République, dans le Gorgias, dans le Phèdre). Saint Paul ne se place pas sur ce terrain-là, mais sur le seul terrain biblique, celui du rapport à Dieu (« Tout est permis », 1 Co 6, 12). La morale vient ensuite, non pas de façon universelle, à la grecque, mais uniquement pour ceux qui agissent sous la conduite de l’Esprit. C’est les anti-biblistes comme JP Ciron qui sont obsédés par une morale universelle, qui se réclament de Zoroastre, fondateur de la première morale universelle, etc. La Bible ne se situe pas sur ce terrain-là. C’est un autre paradigme. Et ce que vous reprochez à saint Augustin lui vient directement de Platon, et des platoniciens. Il suffit de lire les extraits de Plutarque que j’ai mis dans l’article pour voir cette obsession pour la droiture morale, la chasteté, etc. (lisez les passages sur Alcibiade, sur Dion). Vous faites un grave contresens car vous ne connaissez bien ni les Grecs ni la Bible. Ellul a écrit des ouvrages entiers pour montrer que le christianisme n’est pas moral, qu’il est une anti-morale (Le Vouloir et le Faire, L’Ethique de la liberté, La Subversion du christianisme). Ellul a passé sa vie sur la Bible, il connaissait cela mieux que vous.


      • Gollum Gollum 8 septembre 2022 11:22

        @Laconique

        Je n’ai jamais cessé de dire que le christianisme actuel était un faux christianisme.

        J’ai souvent cité Kierkegaard à ce propos. Nietzsche était sur la même ligne en ayant écrit qu’il n’y a jamais eu qu’un seul chrétien véritable le Christ lui-même..

        Vous essayez de récupérer Ellul mais en même temps  avez été souvent d’accord avec Pascal L ici même qui est un représentant évident de ce faux christianisme fait de bigoterie, de superstition, de bêtise pure..

        Cherchez l’erreur.

        Je vous accorde que je connais mal Platon, n’ai pas lu Ellul. (Un peu quand même..)

        Mais le christianisme originel fut moraliste à fond, il suffit de lire Tertullien pour s’en convaincre. Même goût pour la chasteté que vous reprochez à Plutarque.
        Origène s’est coupé les c.. pour ne pas subir la tentation.

        St Paul parle de se marier pour, je cite, ne pas brûler... moraliste à fond le Paul et même pas foutu de voir dans la sexualité quelque chose de positif, de grand, susceptible d’orienter vers le haut et le spirituel.

        Etc...

        Quant à Augustin je répète son idée de péché originel vient bien des premiers chapitres de la Bible et certainement pas de Platon.

        Au départ on a une interdiction. Il y a désobéissance. S’en suit la chute. Chute transmise de générations en générations. Tout homme nait coupable d’office.
        Difficile de faire pire.

        Je doute fort qu’on est la même chose chez Platon.

        L’obsession de la faute est consubstantielle au christianisme. Même celui des textes. Je cite Jésus : si ton œil est occasion de chute arrache le. 

        Si ce n’est pas du moralisme je ne sais pas ce que c’est.

        Bref vous cherchez à nous enfumer grave. Et ça ne prend pas.


      • Laconique Laconique 8 septembre 2022 13:56

        @Gollum

        Je ne suis pas d’accord. Le christianisme n’est pas un moralisme. Vous connaissez l’axiome de Spinoza : « Ce n’est pas parce que nous réprimons nos penchants que nous éprouvons de la joie, c’est parce que nous éprouvons de la joie que nous pouvons réprimer nos penchants. » Le mouvement est le même dans le christianisme : ce n’est pas parce que nous avons une conduite morale que nous rencontrons le Seigneur, mais c’est parce que nous reconnaissons Jésus comme Seigneur, parce que nous sommes sous la conduite de l’Esprit saint, que nous pouvons avoir une conduite morale. C’est un mouvement très caractéristique chez Paul, notamment dans Galates.

        Dès là découle le commandement de ne pas juger selon des critères moraux les non-chrétiens, ceux qui ne sont pas soumis à la seigneurie de Christ : « L’une des règles essentielles de la vie chrétienne sera donc de ne jamais exiger d’un non-chrétien qu’il se conduise en chrétien » (J. Ellul, Le Vouloir et le Faire, p. 125). On retrouve la même injonction chez saint Paul (notamment 1 Co 5 : « Qu’ai-je à faire de juger ceux du dehors ? »).

        Que ces préceptes aient rarement été appliqués par la chrétienté historique, je vous l’accorde. Effectivement, il y a eu passage d’un mode de vie réservé au petit nombre à un christianisme de masse, ce qui a entraîné une normalisation morale, la contrainte, etc. J. Ellul ne dit pas autre chose. Au fond je pense à peu près comme vous. Mais ce n’était pas vraiment le sujet de l’article.


      • Lynwec 7 septembre 2022 09:45

        Certains lui ont préféré le Platinisme dans le domaine du foot, nettement moins exigeant en neurones, question de goûts...


        • Bernard Dugué Bernard Dugué 7 septembre 2022 12:34

          Un peu court jeune homme, je vous invite à lire Heidegger et pour la question de l’ordre et de l’autorité, Kojève

          Une société fondée seulement sur l’ordre patriarcal ne peut durer si évoluer

          Il faut l’autorité des chefs, des juges et des maîtres. 

          La philosophie grecque n’est pas une réaction à la perte des fondements, elle est au contraire l’élaboration d’une nouvelle fondation. Votre interprétation rigoriste et stricte du christianisme vous ferme la porte à toutes les vérités qui sont accessibles. 


          • Laconique Laconique 7 septembre 2022 14:27

            @Bernard Dugué

            Merci pour votre remarque.

            Heidegger est un métaphysicien. Je ne suis pas sûr qu’il aurait eu grand-chose à dire sur tout cela. Pour le reste, je n’ai pas tout lu, bien sûr.

            Je ne sais pas si la philosophie est « l’établissement d’une nouvelle fondation », mais celle-ci n’a semble-t-il pas mené bien loin. Platon a rédigé Les Lois, en douze livres (son plus gros ouvrage), une description détaillée de la société dans tous ses aspects, et ce programme n’a été appliqué nulle part, il n’y a même pas eu de tentative. La philosophie n’a jamais cessé d’être une discipline de cabinet de travail, pour spécialistes, déconnectés de la société. C’est le grand mérite du christianisme de renouer avec les fondements anthropologiques de base (le Père, le rite, le sacrifice) que la philosophie avait évacués ou enjambés dédaigneusement.


          • eau-mission eau-mission 7 septembre 2022 12:36

            @Laconique

            Avez-vous remarqué que vous volez haut dans les recherches sur Agoravox ?

            Recherchez « Laconique » sur ce site (lien fourni par Astrolabe du labo des Astres)

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