Jusqu'ici le dispositif HADOPI consistait à surveiller sur les réseaux « Peer to Peer » les fichiers partagés pour le compte des ayants-droits, via une forme de police privée du net. Un dispositif peu glorieux pour notre pays malheureusement transposé ou en cours de transposition à l'étranger (Digital Economic Bill au Royaume-Uni, PIPA aux USA ) ou dans des traités comme l'ACTA sous la pression de l'industrie du divertissement.

Ainsi, la HADOPI s'est spécialisée dans une technique discutable, en connectant sur les réseaux « Peer to Peer » des ordinateurs qui prétendent partager des fichiers (film/musique) et qui enregistrent l'adresse IP des personnes ayant demandé ces fichiers (processus dont je conteste fermement la constitutionnalité puisqu'il constitue une forme évidente de "provocation à l'infraction" mettant à mal les principes des droits de la défense et de la loyauté des preuves).

Si HADOPI 3 voit le jour, quel aspect prendra-t-elle ? Deux voies sont possibles : Soit on bloque les sites de téléchargement (dans ce cas nul besoin de déclarer qu'il faut une HADOPI 3 l'arsenal législatif existe déjà). Soit la loi HADOPI est modifiée : on ne bloque rien, on laisse les internautes télécharger et on analyse le trafic pour détecter les infractions.

Sauf qu'il est techniquement impossible de détecter un téléchargement de film/musique soumis au droit d'auteur sans analyser tous les échanges vers (et depuis) un site de téléchargement (Megaupload étant le plus connu). Or si l'on sait qui télécharge sur Megaupload, c'est parce qu'on a mis sous surveillance tout le trafic et donc en réalité qu'on a mis tout le monde "sur écoute".

En 2009 (année du vote des lois HADOPI 1 et 2) nous dénoncions déjà cette interprétation abusive et intrusive du droit d'auteur qui consiste à aller toujours plus loin dans la surveillance de nos concitoyens.

Deux ans plus tard l'aveu d'échec est patent ! Si HADOPI avait réussi, nul besoin d'aller encore plus loin. Après avoir ciblé le « peer to peer » avec HADOPI 1 et 2, puis maintenant le téléchargement direct et le « streaming » avec HADOPI 3, il faudra HADOPI 4 pour interdire les VPN suédois , HADOPI 5 pour interdire le cryptage, HADOPI 6 pour interdire de s'échanger des pièces jointes en mails, et pourquoi pas HADOPI 7 pour interdire d'utiliser un ordinateur sans un permis délivré par la HADOPI !

Au lieu faire la promotion d'un internet neutre, propre à faire de notre pays un leader dans ce domaine technologique, nous régressons sous la pression des moines copistes graveurs de DVD et de CD qui sont de toutes les façons condamnés par l'Histoire à occuper une place marginale dans la diffusion de la culture.

Notre pays a pourtant des atouts incroyables, notamment parce que les FAI français margent un peu moins qu'ailleurs, démocratisant ainsi l'accès à Internet. Avec 25% des créations d'emploi depuis 1995, Internet est aujourd'hui le premier facteur d'emploi en France. Et alors que la finance débridée est en train de détruire l'économie réelle, on cible une fois de plus Internet, alors qu'il est un moteur de notre croissance. Quel gâchis !

Avec les lois de type HADOPI 1-2 et LOPPSI 2, l'accumulation des taxes sur les FAI, la stigmatisation d'Internet au moindre fait divers sordide, nos dirigeants insultent l'avenir qu'ils sont pourtant sensés préparer.

Il est d'ailleurs assez singulier de constater que ce sont les même qui crient au fascisme dès que l'on ose parler de protectionnisme - mécanisme qui vise à corriger les effets néfastes du libre échange - qui dans le même temps érigent dans le domaine numérique des murailles aux effets bien plus pervers sur les libertés que de simples droits de douanes dans le domaine commercial !

En effet, du point de vue des libertés individuelles, le dispositif que nous prépare HADOPI 3 a déjà été testé avec "succès" par une entreprise française (Amesys) dans la Libye de Monsieur Kadhafi, juste avant la chute de ce dernier. Il permettait aux services de renseignements libyens d'analyser le trafic de l'internet de leur pays afin de détecter, non pas de simples téléchargements de films ou de MP3, mais bien de débusquer les opposants en fouillant dans les mails, dans les habitudes de surf sur le web, etc.

Malheureusement avec HADOPI 3, la France d'après risque bien de ressembler à la Libye d'hier !

De quoi avoir honte de nos dirigeants dépassés par l'Histoire, et de quoi à titre personnel - comme député de la nation - être plus que jamais déterminé à défendre la liberté et de la neutralité du net.