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SPQR audacieux complotiste chasseur de complot SPQR Sono Pazzi Questi Romani 12 mai 2021 09:29
De Guillaume Berlat
10 mai 2021
LE CONSEIL D’ÉTAT CLOUÉ AU PILORI : LA NÉGATION DE LA JUSTICE !

« On ne peut à la fois être juge et parti » constitue l’un des principes fondamentaux des droits fondamentaux qui renvoie aux notions d’indépendance et, surtout, d’impartialité. L’expression est inspirée de locutions latines juridiques, telles que nemo iudex in causa sua (nul ne peut être à la fois juge et partie), aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars (personne ne doit être juge de sa propre cause, parce qu’il n’est pas possible d’être juge et partie), et judex reusque (juge et partie). Or, c’est bien le minimum que l’on est en droit d’attendre de la justice de la patrie autoproclamée des droits de l’homme. La France a, entre autres, ratifié en 1974 la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe dont l’article 6 (« Droit à un procès équitable ») souligne la nécessité d’être jugé par « un tribunal indépendant et impartial ».

Manifestement, il existe un ordre de juridiction français qui soulève de multiples problèmes à cet égard. Il s’agit de la juridiction administrative, en général et de sa plus haute juridiction qui a pour nom « Conseil d’État ». Le terme est ambigu, mettant en avant la fonction de Conseil de l’État, passant sous silence qu’il est en même temps son juge. Au cours des années passées, nous n’avons cessé de dénoncer, avec une régularité de métronome, cette situation paradoxale, anachronique pour ne pas dire extravagante1. Hormis certains initiés (quelques courageux professeurs agrégés de droit public), cette situation attirait peu l’attention des médias. Or, la situation évolue depuis l’été 2020 à l’occasion de la mise en cause de l’un des plus brillants spécimens de conseiller d’État aussi arrogant qu’omnipotent et omniscient, Marc Guillaume2.

L’affaire Olivier Duhamel, intervenant dans un contexte de restrictions des libertés des citoyens consécutive à la pandémie avalisée par les membres du Palais-Royal, en a rajouté une couche à tel point que plusieurs médias commencent à se faire l’écho de cette inquiétante dérive du Conseil d’État, de cet État dans l’État.

DE NAPOLÉON À JUPITER : L’ÉTAT EST SON PROPRE JUGE

C’est bien connu, il faut que tout change pour que rien ne change ! Rien ne vaut de se replonger dans le passé pour éclairer le présent. Rappelons quelques anomalies du Conseil d’État, une institution bonapartiste et monarchique en même temps !

Une institution bonapartiste : protéger l’administration

Comme le souligne justement, le constitutionnaliste, Dominique Rousseau : « C’est une institution bonapartiste et non républicaine. En 1799, Napoléon a imaginé ce juge spécial pour éviter que ce soit un magistrat trop indépendant qui examine les actes de l’administration. En réalité, le Conseil d’État a été créé pour protéger l’administration ». Tout est dit en quelques mots sur cette structure hybride qui, en 1875, a élu domicile au Palais-Royal construit par Richelieu, ministre de Louis XIII.

Depuis la salle des pas perdus, au premier étage, vous pouvez partir à droite avec l’aile du consultatif, tapis rouge ou à gauche, vers celle du contentieux, tapis bleu. C’est Janus Bifrons déguisé en Thémis. Le Conseil d’État cumule, de manière ubuesque, les fonctions de conseil et de juge de l’État. En matière de confusion des genres et de séparation des pouvoirs, on ne saurait faire mieux. À ce jour, rien n’a été fait pour dissocier ces deux fonctions incompatibles dans un authentique État de droit.

Rares sont ceux qui savent que le président du Conseil d’État n’est autre que le Premier ministre ! Imagine-t-on que le premier président de la Cour de cassation soit aussi le Premier ministre ? Nous sommes en plein délire tout en comprenant que le système a été verrouillé, dès l’origine, pour protéger l’administration des recours intempestifs des citoyens et de ses propres fonctionnaires. Protéger l’administration, c’est aussi ignorer, pour ne pas dire, pénaliser le citoyen (coupable par nature).

Une institution monarchique : ignorer le citoyen

En France, il existe une asymétrie entre l’État – concept pris au sens large – et le citoyen. L’État bénéficie d’un double privilège : de droit (on lui applique un droit inégalitaire qui porte le nom de droit administratif) et de juridiction (il est jugé par les juridictions administratives : tribunal administratif, cour administrative d’appel et Conseil d’État en cassation des secondes et en première et dernière instance des affaires sensibles). Les textes les régissant parlent des « membres du Conseil d’État » et non des magistrats. En un mot, l’État est jugé par ses propres fonctionnaires qui ne sont ni indépendants, ni impartiaux et bénéficie d’une présomption de crédibilité. Ce qui signifie que le citoyen est présumé coupable. Le Conseil d’État s’est prononcé sur la légalité d’un texte (décret du ministre des Affaires étrangères ouvrant 22 postes de consuls généraux à des non diplomates) sur lequel il a donné un avis positif grâce à la voix prépondérante de son éminent vice-président, Bruno Lasserre (Cf. affaire Philippe Besson, écrivain, nommé consul général à Los Angeles et dont la nomination est contestée par le syndicat CFDT du MAE. L’intéressé a de lui-même renoncé à son poste). Si l’État (pour être plus précis, le pouvoir politique en place) voulait se protéger contre les actions intempestives des citoyens et de ses fonctionnaires, il ne s’y prendrait pas autrement.

On manque de s’étouffer en apprenant que son vice-président, Bruno Lasserre organise, le 1er octobre 2018 au Palais-Royal, un débat sur le thème de la citoyenneté. De quoi se mêle le Conseil d’État ? Est-ce le rôle de la plus haute juridiction administrative. C’est là que l’on s’aperçoit que le Conseil d’État est un État dans l’État…

Qui de plus méconnaît un principe cardinal du droit, celui de l’impartialité qui va lui valoir des poursuites devant la Cour européenne des droits de l’homme à l’initiative de Greenpeace3. Pas moins !4 On manque également de s’étouffer en apprenant que son vice-président, Bruno Lasserre, bien que mis en examen pour complicité de harcèlement moral par un juge d’instruction (l’affaire, qui s’est conclue par le suicide d’un fonctionnaire, alors que notre grand homme était à la tête de l’autorité de la concurrence) est maintenu à son poste, présomption d’innocence oblige !5

Ce dernier profite du début d’année 2020 pour procéder à une communication éhontée sur une prétendue réforme de la procédure orale au Conseil d’État. L’homme a le toupet de déclarer : « Je peux reconnaître qu’il y a parfois, chez nous, un peu trop d’arrogance et de certitude autour de ce que nous pensons, même si les apparences sont parfois contre nous, je vous en conjure, il faut nous faire confiance ».

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Guillaume Berlat
10 mai 2021


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