L’extrait explicite du Manifeste (« Le Parti Dachnak n’a plus sa raison d’être » fut publiée en URSS (Tiblisi) en 1927) :
« 3. Pendant la période de l’été et l’automne 1915 les arméniens de
Turquie furent forcés d’émigrer, l’exode des masses et les attaques sont
gravées dans les mémoires. Tous ces événements furent un coup mortel
pour le problème arménien. L’Arménie historique, nos coutumes
héréditaires, les régions que la diplomatie européenne nous avait promises, avaient été abandonnées et les villes arméniennes sont restées sans Arméniens. Les Turcs savaient ce qu’ils faisaient et aujourd’hui ils n’ont rien à regretter, comme on l’a réalisé plus tard, cette tactique pour régler définitivement le problème arménien, était la plus efficace et la plus commode. Aujourd’hui,
il est inutile de se demander combien la participation de nos milices à
la guerre, avait influencé de façon négative la situation des Arméniens
de Turquie. Personne ne peut dire que si nous avions suivi une
autre ligne sur ce côté de la frontière il n’y aurait pas eu d’attaque
sans pitié. Si nous n’avions pas tenu compte de notre minorité envers
les Turcs on ne peut pas prétendre que les attaques en question auraient
été aussi impitoyables. On peut avoir des divergences de vue sur ce
sujet. La vérité reste un fait réel et cela est très important. La
lutte commencée des années auparavant contre l’indépendance vis-à-vis
de la Turquie a fini par la déportation des Arméniens de Turquie et en
conséquence, par le nettoyage des régions arméniennes. Voici la vérité.
Abandonnez l’idée que dorénavant, le monde civilisé est troublé devant
les atrocités des Turcs. Dans les parlements et les associations des
civils, les hommes d’état traitent les Turcs d’assassins et publient des
livres »bleu« , »jaune« ou d’autres couleurs. Dans tous les lieux de
culte, les prêtres prient pour que les Turcs soient punis. La presse
mondiale publie des témoignages et des descriptions affreuses. Quel sens
tout cela tout cela peut-il avoir ? Tout ce qui était à faire avait été
fait et les mots sont impuissants à décrire les cadavres éparpillés
dans le désert d’Arabie, et à sauver les maisons détruites ou le pays
abandonné.
4. La deuxième moitié de 1915 et la totalité de 1916 devinrent une période de deuil général pour nous tous. Les
réfugiés de Van, d’Eleskit, de Basen et la totalité des gens sauvés du
massacre, des dizaines et des centaines de milliers de personnes
affamées, nues, malades et effrayées envahirent nos régions. Cette masse
affamée était arrivée dans une région où il n’y avait pas assez de pain
pour ses propres habitants. Les émigrés malades, sans force et faibles
erraient dans les rues. Les vallées de Şırnak et d’Ararat ressemblaient à
un immense hôpital, ici des milliers d’Arméniens mouraient de faim ou
de maladie, sous nos yeux. Nous étions incapables de sauver ces vies
humaines si précieuses. Nous, qui étions furieux et
effrayés, cherchions un responsable et nous l’avons trouvé : c’était le
gouvernement de Russie et sa lâcheté politique. Dans une
panique générale, comme des gens déséquilibrés et politiquement
immatures, nous étions projetés d’un extrême à l’autre. Nos croyances
d’hier étaient aussi déséquilibrées et sans fondement que nos
accusations d’aujourd’hui. »