Rakontare cela vous va comme un gant
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-grande-armee-de-la-feuille-de-246624
et été, Gertrude Labretelle recevait dans sa maison du Midi son amie
Zaza Lafigue, journaliste vedette, rédactrice en chef du célèbre
Quotidien « l’Observateur des tonneaux percés ». Autour
d’une citronnade et de quelques croquants aux amandes, sous les pins et
aux sons des cigales, Gertrude et Zaza papotaient jardinage et culture
de fraisiers, puis la conversation s’orienta subrepticement vers le
journalisme et les joies du métier. Curieuse, Gertrude la pressait de
questions :
Gertrude : Zaza ! Au fait, je me suis toujours demandée pour quelles raisons tu avais choisi le journalisme ?
Zaza Lafigue : Quelle question ! Pour gagner de l’argent, tiens donc !
Gertrude : Pourtant la majorité de tes consœurs et confrères ne roulent pas sur l’or !
Zaza : Tu as deux sortes de journalistes, les bourricots qui ne
seront jamais riches parce qu’ils prennent ce métier trop au sérieux,
ils veulent informer les lecteurs. Ceux-là, c’est une espèce en voie de
disparition ! Et puis tu as les autres… Dont moi ! Mais il faut faire
ses preuves !
Gertrude : Dans chaque profession il faut faire ses preuves !
Zaza : Oui, mais celle là, de profession, elle est spéciale ! Si tu
veux réussir de nos jours dans ce métier, il faut d’abord apprendre à
fermer sa gueule !
Gertrude : Fermer sa gueule ? Ah ben mon cochon ! Albert Londres doit se retourner dans sa tombe !
sZaza : C’est un deal entre le pouvoir et nous ! Ne jamais écrire ce
que tu penses réellement, ni ce que tu vois, ni ce que tu entends. Règle
n° 1, ne jamais donner son avis personnel mais uniquement celui de tes
employeurs, recopier mot pour mot les dépêches des agences de presse,
dans notre jargon on appelle cela le « narratif », un seul discours,
jamais de contradictoire ! La presse libre ça n’existe plus ! Ça eut
existé ! Ça eut existé, oui, d’accord, je le conçois , mais c’est de
l’histoire ancienne ! Moi, par exemple, je me présente comme le paquet
de lessive qui nettoie l’info du sol au plafond. C’est comme ça, avant
de devenir éditorialiste, j’étais à la télévision française juste après
la privatisation, j’y ai tout appris et surtout compris comment ça
marche ! Et maintenant j’exerce mes talents multiples. Je bute tout en
faisant l’acrobate... Attention, pas n’importe qui, celui ou celle qu’on
me demande de neutraliser intellectuellement, politiquement,
médiatiquement ! Pas de quartiers, j’équarris à coups de plume les
pauvres zigue sque nous avons dans le collimateur, tu connais ma plume
trempée dans le vitriol, c’est de notoriété publique. Peu s’en
relèvent ! Le Président avait conseillé à un cas social de traverser la
rue pour se trouver un job, moi, je n’ai eu qu’à arpenter le trottoir
médiatique de long en large, le job en or m’est tombé tout cuit dans la
margoulette ! Je ne te cacherai pas qu’en contre-partie, j’ai pas mal
donné de ma personne pour gravir les échelons de la notoriété payée à
prix d’or ! A l’heure actuelle je suis célèbre ! On me voit partout, sur
tous les plateaux de télé, en matinale, en midinale, en après-midinale,
en soirée, en nuitée ! Je donne mon avis !
Gertrude : L’avis de celui des autres… Comme disait l’Inspecteur Harry, les avis c’est comme…
Zaza : Oui, Oui, on connaît, on connaît… Mais reconnais au moins ma réussite professionnelle !