Personnellement, j’ai su que j’étais
irrévocablement de droite, le jour où j’ai entendu un journaliste de La
Stampa, de Turin, déclarer sur une radio quelconque : "Je suis de gauche, parce que je crois
que la raison finit toujours par l’emporter."
Pour avoir observer, déjà, à partir d’un nombre de
fois incalculables, que ce n’était que rarement le cas, j’ai compris que la
gauche était chimérique et condamnée à le rester..
Comme je ne dispose pas de beaucoup de temps, je
le démontrerai en trois citations d’hommes de gauche, évidemment, deux d’Eugène
Enriquez, un psychosologue auteur du best.seller De la horde à l’Etat (Gallimard, 1983) et la troisième, de Léon Trotski.
L’ouvrage majeur d’Enriquez commence par un trait de lucidité : « Le
dix-neuvième siècle fut le siècle de l’espoir, de la croyance au progrès
social, de l’aptitude de chaque homme à devenir un être fraternel pour les
autres. Le vingtième siècle est celui de l’inquiétude et des désillusions du
progrès. »
Exit donc l’espoir (progressiste), la croyance au
progrès social et l’aptitude de chaque homme à
devenir un être fraternel pour les autres. Tel est le constat d’Enriquez donc, le fidèle de base prolongeant,
lui, tête baissée, l’utopie morte et enterrée.
Dont
Enriquez lui-même ne parvient pas à se libérer complètement, puisqu’il pose,
quelques pages plus loin, la question suivante : « Pourquoi les hommes, se voulant
guidés par le principe de plaisir et les pulsions de vie, aspirant à la paix, à
la liberté et à l’expression de leur individualité, et qui, consciemment,
disent désirer le bonheur au profit de tous, forgent-ils le plus souvent des
sociétés aliénantes favorisant plus l’agression et la destruction que le vie
communautaire ? »
Il ne voit pas que ces (nobles) aspirations sont
des idéaux que les hommes projettent dans un avenir idéal, à la manière d’un
chrétien qui aurait des doutes quant à l’existence du paradis et qui penserait
qu’il sera toujours temps de respecter les commandements de Dieu quand il sera
en vue de la ligne d’arrivée. En attendant ce moment-là, les hommes selon Enriquez, poursuivent
des objectifs plus tangibles, plus proches, plus affectifs, égocentrés, c’est-à-dire
aux antipodes des aspirations que la gauche leur prête, ingénument, pour le
long terme.
Trotski, lui, avait compris beaucoup plus tôt qu’i ly
avait un bug dans le programme, d’où d’inévitables dysfonctionnements. Le bug,
c’était l’homme lui-même, sa nature que d’autres nient par commodité, sans
faire avancer le schmilblick, l’homme avec ses sentiments, avec son inconscient, avec ses préjugés, ses idées reçues, ses sympathies et ses antipathies...
C’est donc à lui, ce
maillon faible, qu’il faudra s’attaquer quand il sera maître de son économie et
libre. Et Trotski nous la joue nietzschéen « L’homme s’efforcera
de commander à ses propres sentiments, d’élever ses instincts à la hauteur du
conscient et de les rendre transparents, de diriger sa volonté dans les
ténèbres de l’inconscient. Par là, il se haussera à un niveau plus élevé et
créera un type biologique et social supérieur, un surhomme, si vous voulez. »
On en est resté là, et on est obligé de se demander si l’homme maître de
son économie et libre n’est pas, finalement, la condition de l’avènement de la société des
hommes maîtres de leur économie et libres, ce qui reviendrait à dire que le
rêve communiste se casse la gueule, lui aussi, sur une triviale histoire d’œuf et
de poule.