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Commentaire de maharadh

sur Est-on encore en démocratie ?


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maharadh maharadh 24 février 2009 16:02

Si l’on parle aujourd’hui des banlieues comme de "territoires" à "conquérir" ou "reconquérir", si l’on parle aussi facilement d’espaces "décivilisés", de "sauvageons ", de "défaut d’intégration " ou de "défaut d’éducation" de "karchérisation " ; si l’on parle aussi facilement de "nécessaire adaptation " de la législation à des populations radicalement différentes des "blousons noirs de jadis", vivant "en dehors de toute rationalité", c’est que ce vocabulaire, et le regard qui le sous-tend, n’ont rien de nouveau. C’est un vocabulaire et un regard qui rappellent étrangement ceux qui ont eu cours, il y a plusieurs décennies, à propos de "l’indigène" - un "indigène" dont les "jeunes de banlieue" sont par ailleurs, pour une large part, les descendants.

Il serait facile également de montrer que de nombreux discours et dispositifs sécuritaires aujourd’hui assumés par une grande partie de la gauche n’étaient assumés, quelques années auparavant, que par la droite ou l’extrême droite : par exemple la remise en cause de l’Ordonnance de 1945 sur les mineurs, la création de nouveaux délits, la "responsabilisation des parents", la création de polices municipales, l’instauration de couvre-feux...

En d’autres termes, la peur des "classes dangereuses" n’explique pas tout. Cette peur ne touche que la bourgeoisie, et elle n’explique donc pas pourquoi une partie non négligeable de la classe ouvrière est également sensible au discours sécuritaire (pas plus que les autres classes sociales, nous l’avons vu, mais pas moins non plus). Or, si l’imaginaire des "classes dangereuses" ne fait peur qu’aux bourgeois, il est en revanche un autre imaginaire que la classe ouvrière française a reçu en héritage au même titre que la bourgeoisie : l’imaginaire colonial.

Tant et si bien qu’il est facile de susciter crainte et tremblement en le réactivant - par exemple en présentant les banlieues comme des lieux inquiétants et étranges, des jungles urbaines où il ne fait pas bon s’aventurer, et qu’il faut conquérir puis civiliser.

Il faut mentionner également le rôle extrêmement pervers que joue depuis longtemps dans ce pays la notion d’intégration. Prononcer ce mot sert essentiellement à ne pas en prononcer d’autres, comme discrimination ou inégalité.

Toutes ces dérives sont inquiétantes. Car ce qu’on construit, lorsqu’on enferme une partie de la jeunesse dans des dispositifs policiers et juridiques d’exception, et lorsqu’on parle de sauvageons, de karchérisation, incapables d’entendre raison et ignorant toute idée de loi, ou lorsqu’on parle d’individus décivilisés, comparables à des loups, c’est une nouvelle figure du "sous-homme".




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