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Commentaire de muncerus

sur Manuel Valls : « Changer la gauche pour la faire gagner »


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muncerus 6 mai 2008 11:35

 

Je lis toutes les réactions à cet article qui n’était au fond qu’un questionnement sur fond d’angoisse. La formule de Manuel Valls était, sans plus, le triste stimulus de ce retour sur parole.

Que dites-vous, amis de l’Agora, qui puisse me rassurer, pas me consoler, non, mais me donner la certitude que nous pouvons encore contrer ce reflux malsain, cet étrange mascaret au sein même de la gauche qui lui remonte de la mer libérale ?

Je reste un peu sur ma soif. Vos lectures, dont vous semblez parfois abuser aux dépens de la réflexion, certes m’intéressent et je voudrais en savoir plus que le nom d’un auteur ou le titre d’un ouvrage. Mais quelle idée vous faites-vous, vous-mêmes, de ce qui aujourd’hui vous touche, vous malmène ? Comment voyez-vous la suite autrement que dans des formules à l’emporte-pièce genre Valls ?

Vous pourrez à juste titre opposer que je ne fais moi-même aucune proposition concrète. Sans doute est-ce que, pour en revenir à mon propos liminaire, je suis précisément dans une phase de questionnement, d’observation. Mais vous, qui semblez très au fait de l’évolution des choses, qui avez un avis souvent tranché, qui connaissez l’histoire, la philosophie, le droit (tiens, on dirait le docteur Faust s’interrogeant sur l’utilité de son érudition !), que pensez-vous qu’il faille faire, ici et maintenant ???

*

 Vos remarques font souvent référence au blairisme et certains voient dans la démarche de Tony Blair une décisive avancée. En voilà un qui, dès le départ, a voulu changer cadre, structure et fondements de ce qui l’avait porté au pouvoir.

Effectivement Tony Blair a changé la gauche britannique et il a gagné, lui-même, personnellement, il. En une décennie il a fondamentalement modifié ce que les travaillistes tenaient pour un engagement profondément ancré dans l’histoire, leur histoire, celle du pays, celle du monde du travail là et ailleurs. 

Cette mutation s’est réalisée avec un telle ampleur que son successeur, Gordon Brown, lui-même copromoteur du "blairisme", aura éprouvé les plus grandes difficultés à rétablir un semblant de pont entre ledit blairisme et ceux des travaillistes qui ont trop tard compris vers quel délitement les conduisait la nouvelle et très composite idéologie. Ne parlons pas des électeurs traditionnellement fidèles au "Labour" qui, tous repères ayant disparu, ne savaient plus où situer le cadre de leur désespérance ; ceux-là ont décidé de changer de cap et il leur fallait par conséquent de nouvelles balises.

Le résultat des dernières élections apporte donc un douloureux éclairage à la comédie post-thatchérienne. Les travaillistes ont été laminés par des conservateurs qui n’en demandaient pas tant et les londoniens viennent de propulser à la mairie de la capitale une sorte d’arlequin dont l’apparition nous rappelle que la Commedia dell’arte était empreinte d’un grand respect des règles de continuité.

C’est, semble-t-il, la continuité des rites qui s’installent progressivement en Europe. L’arrière de la scène nous laisse entrevoir un ballet traduisant le mélange des genres tandis que les feux de la rampe illuminent le clou du spectacle jailli d’un creuset où tout un chacun sera venu cracher son doute. 

La Suède avait inauguré le genre dans les années où le social-démocrate Göran Persson, premier ministre, suivait à la lettre les recommandations de l’OCDE et produisait un plan calqué sur celui d’Alain Juppé ; on n’allait pas tarder à voir émerger Fredrik Reinfeldt, figure un peu terne de la scène politique mais pur tenant du libéralisme anglo-saxon, les suédois préférant en fin de compte opter pour la clarté.

 L’Allemagne de Schröder lui emboîtait le pas avec la mise en place du trop fameux "Harz" et le discours parfaitement libéral de Franz Müntefering. Et ce fut la claque électorale puis la constitution d’une "grande coalition" consacrant l’établissement d’un libéralisme enfin officiellement partagé avec les sociaux-démocrates et que domine le remarquable jeu d’Angela Merkel.

Passons sur la France. Elle a donné le plus affligeant des spectacles au cours de ces dix dernières années et, plus encore, tout au long de la dernière campagne présidentielle qui, somme toute, ne pouvait guère aboutir à autre chose qu’à ce que nous voyons chaque jour se dérouler sous nos yeux de spectateurs médusés.

 Dans les moments les plus tragiques de leur histoire, les italiens, préférant la dérision à l’expression tragique du désespoir, ont souvent choisi de mettre le grotesque sur le devant de la scène. Ils viennent d’en donner la démonstration à Rome, précédant ainsi de peu nos amis londoniens dans la manifestation de leur humour grinçant. Rome et la gauche engloutie, meurtre dans la cathédrale en quelque sorte, et c’est Gianni Alemano, il nuovo buffone della commedia, qui entre en scène.

Oui ! La gauche a bel et bien changé et voici que maintenant elle gagne ! elle gagne l’autre rive, celle que nous aurons si longtemps regardée avec dégoût, évitée avec toute la force de notre révolte, oubliée en négligeant la duplicité des passeurs !

                          *

Alors, amis de l’Agora, que faire ? ici en France, et maintenant en 2008 ???

 Muncerus


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