Une vie de chien !
De deux choses l'une, soit on aime les chiens soit on ne les aime pas.
Je laisse tomber la catégorie qui s'en fout, ayant très peu à dire sur elle.
La première catégorie sera vite traitée :
1. Soit vous êtes un con armé et vous flinguez le chien du voisin au bout de trois fois qu'il vous a cassé les oreilles.
2. Soit vous êtes un con sans arme à feu et vous vous débrouillez pour l'empoisonner
3. Soit vous êtes un con désarmé et vous allez chez les flics
4. Soit vous êtes un sacré con dénué de toute violence et vous faites une dépression
Mais si on les aime, tout se complique.
Soit vous êtes un être responsable et vous savez qu'habitant un studio au quinzième étage, étant absent toute la journée, vous devez vous en passer.
Soit vous êtes irresponsable et vous en adoptez un.
Pipi le matin, caca le soir, ou l'inverse, petite balade le week-end.
Mais il a des yeux si tendres, il vous fait une telle fête quand vous rentrez que votre coeur bondit devant tant d'amour, et cela vous console de bien des soucis.
À condition que rien ne se passe pendant les dix ou quinze de sa longévité.
Mais si quelque chose se passe : une intruse ( ou un intrus), un chômage, un déménagement forcé, un divorce, une maladie...et c'est la cata ; pour le chien.
Ou bien vos conditions de vie vous permettent, soit :
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D'avoir un grand parc où le chien court tout seul tout le jour pour se défouler
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D'avoir un petit jardin clos où il court aussi et aboie après tout ce qui passe – ce qui fait que celui qui n'aime pas les chiens...cf. premier paragraphe.
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De l'avoir avec vous, au jardin, à l'atelier, aux champs, sur le remorque, dans la voiture ; partout, partout.
C'est dans cette dernière hypothèse que gisent les variantes les plus nombreuses !
Il y a ceux qui aiment « par la bouche » ; en général ils (elles plutôt) n'ont pas ou plus d'enfant, leurs filles leur interdisent de le faire avec leurs petits, il ne reste que le chien.
Les chats aussi, ou les canaris, mais c'est plus rare.
Mais cet amour là ne va pas jusqu'à concocter des petits plats ; on préfère nettement le tout prêt, sous forme de pâtées qui sont offertes en bouchées, emballages maximum garantis, tous les parfums : porc, poulet, boeuf, poisson, canard, d'origine aussi toxique que les croquettes ou les pâtées pour pauvres, mais, à ouvrir le sachet ou la barquette, on en mangerait !
Le pauvre chien est, certes, toujours en compagnie, ce qui nous change de ceux ci-dessus évoqués, mais ils n'ont aucune chance de courir ou de s'aventurer ; ils deviennent obèses, ils marchent lentement, au rythme de mamé, n'ont même plus envie de renifler les odeurs sur les réverbères de la résidence, soufflent à la moindre côte et meurent prématurément de diabète ou de toute autre complication pulmonaire !
Il y a ceux qui pensent que l'amour, c'est d'abord l'amour de soi.
Ils achètent des bêtes hors de prix, les parent de vêtements ou de colliers précieux et les portent en sac ou en bijou.
Ils peuvent les tenir en laisse aussi, comme faire-valoir.
Le lévrier afghan a été très prisé à une époque pour cet usage.
Mais l'Afghanistan n'étant plus ce qu'il était, on en a trouvé beaucoup à la SPA ; et l'on se porte aujourd'hui plus volontiers sur le Barzoï.
Lévrier également. Chiens des Princes, chiens des Rois ; ça vous pose !
Néanmoins le lévrier étant un chien extrêmement complexe et sensible, je vous conseille de vous y reprendre à deux fois avant de céder à son immense aura !
Pour plaire et contenter le client, l'éleveur avisé s'est mis en quatre : d'abord, nanifier une race ; on en garde les caractères mais c'est moins encombrant.
Mais un nain peut être lourd à porter, ainsi, pour ne plus peser sur les bras de nos belle dames, on a réduit encore : on a fait le « toy ».
Tout est dit.
Il y a ceux qui, non contents d'aimer les chiens, veulent faire une bonne action ; il s'en vont donc à la SPA, hésitent et finissent par choisir le plus moche parce que, c'est sûr, tout l'amour du monde, dont ils ont tant besoin, est niché dans ce coeur au corps laid.
Il arrive que ce soit vrai.
Mais il arrive bien plus souvent que cette pauvre bête, abandonnée, a été battue, maltraitée, rendue peureuse, et alors là, la vie devient un enfer !
C'est pour cela que la SPA euthanasie tout un tas de jeunes ( ou moins jeunes d'ailleurs) bêtes, trop traumatisées pour espérer trouver une vie normale.
À la Société Protectrice des Animaux, ainsi que dans toutes les associations annexes ou indépendantes, on castre et stérilise tout ce qui bouge à la porte.
On en comprend bien l'idée mais si toutes les femelles peuvent mettre bas, huit ou neuf mâles sur dix n'honoreront pas les chiennes. Ils stimulent néanmoins, par leur concurrence, la virilité du mâle dominant.
Le nombre croissant d'abandon, de maltraitances à rendu les hommes qui les accueillent peu enclins à la douceur : ils suspectent tous les deux pattes d'être des tortionnaires en puissance, aussi, leurs conditions pour l'adoption relèvent du plus pur questionnaire d'inquisition policière.
Il y a ceux enfin, qui ont besoin d'un inférieur, d'un défouloir ; ce ne sont pas les plus nombreux mais bien les plus nocifs.
Donc, pour le plaisir des vieux, des veuves, des esseulés, des snobs, des cinglés, ça fait beaucoup de malheur chez les bêtes !
C'est insensé de voir autant de toutous, de loulous ou de loups, aussi mal connus.
L'ignorance crasse est cause d'une bonne partie de la souffrance de cet animal. Les prédateurs sont éduqués comme cela par leur mère : une correction ferme – sans violence ni colère- dès qu'il se montre peureux ! Il ne sert à rien de lui faire des grands discours ni de le consoler ni de l'embrasser, sauf à le rendre fou !( d'insécurité). Mais pour que le chien soit sécure, il faut surtout que son maître le soit ! Un « non » profondément nécessaire sera dit doucement et sera compris.
Ne pas connaître ses besoins spécifiques, qui ne sont pas les nôtres, cette incapacité à (re)connaître la différence, à la respecter, ne s'applique pas qu'aux chiens d'ailleurs !
Le malheur du chien c'est le malheur de l'homme et sa bêtise.
Le malheur du chien c'est d'être pris pour ce qu'il n'est pas : que l'on ait pitié de lui ou qu'on l'admire !
Il y a même des chiens heureux
...mais complètement chiens : non ! Pour qu'ils vivent avec nous, on le frustre de beaucoup de ses désirs légitimes :
voler le rôti sur la table, courir après un chat qui fuit devant lui, ou une poule, se rouler dans une charogne, errer la nuit dans les rues et éventrer les poubelles, lever la patte sur un étal de marché, poser sa crotte quand elle vient, n'importe où, se coucher sur les salades dans le jardin, un endroit pourtant doux et frais, courir sur la plage et aller dire bonjour à tout le monde, voler le gâteau qu'un enfant lui tend, saillir sa belle amoureuse racée s'il est un bâtard, se balader tout seul alors qu'il n'erre pas, foncer sur un troupeau de moutons, les mordre aux cuisses ou même pire, aboyer de joie ou d'inquiétude, hurler à la mort de tristesse et d'abandon, sauter, les deux pattes crottées, sur le pantalon blanc de quelqu'un qui lui avait paru sympathique, se vautrer sur la canapé alors qu'on attend de la visite, faire sa toilette intime devant tout le monde à grand renforts de bruits mouillés...
Il n'y a rien de plus frustré qu'un chien !
Mais le chien a besoin d'un chef de meute pour être équilibré ; il doit se contenter de l'homme mais si celui-ci s'acquitte bien de sa tâche, quel bonheur pour notre ami poilu ! Il a besoin d'être structuré, mais toujours dans la douceur et la fermeté ; alors, il est tout à l'écoute et il comprend tout.
Le territoire d'un chien se doit d'être privé. Pourtant il est le seul à connaître aussi bien sa campagne, le chemin du hameau au village, les ruelles ; il sait tout des odeurs, des passages des uns ou des autres, mais, s'il est seul, il erre et s'il erre on l'enferme !
Notre position vis à vis d'un chien, ce n'est pas du pouvoir mais de la dominance. Pourtant la plupart des hommes n'en sait pas la différence !
La seule chose qui est pénible chez le chien, c'est son maître.
Je voudrais pour finir, vous faire lire un extrait d'un texte que j'ai écrit il y a quelques temps, sur ma chienne, une schnauzer géante :
« Qui était-elle ? Montana ?
Montana, ma mondaine, ne doutait jamais de pouvoir se faire l'amie d'un deux-pattes mais elle continuait son chemin sans rancune si elle venait à rencontrer un boudeur ; indifférente aux jugements que l'on portait sur elle, elle séduisait ceux qui se laissaient séduire ; sa beauté, sa gentillesse, son grand calme et l'expression irrésistible de ses sourcils, de sa moustache et de sa barbichette étaient les atouts dont elle usait. Elle ne savait pas mentir et n'empruntait aucun détour dans ses demandes ; son charme résidait tout entier dans la grande sagesse avec laquelle elle acceptait la réponse ; quelque fut la réponse.
Son absence de rancune devant un rejet ou un refus, son évidente bonne humeur toujours prête,son état de chienne, animale, tellement animal, truffe noire, pattes velues, quelque chose comme le diable avec une innocence et une générosité qui me livrent un secret : je n'ai de diable que l'apparence que l'on a bien voulu donner au diable mais je ne suis que vie, je ne suis qu'amour...et ce message chaque jour transmis par ma chienne m'était aussi donné par mes taureaux à cornes noires et sabots...
Montana était animale par son immense énergie, par sa jeunesse éternelle et par cette intuition, ou fruit d'une consciencieuse observation qui lui faisait toujours comprendre ce que je faisais, si j'allais sortir sans elle, ou avec elle, si nous allions recevoir du monde et même quand je la croyais endormie dans la voiture, qui la faisait se relever et aboyer quelques secondes avant le chemin de terre où j'avais l'habitude de la faire courir ; même de retour d'un long voyage, même la nuit.
Et je la traitais en égale, la sentant supérieure en bien des points et jamais Montana n'abusait de ses prérogatives.
Bien sûr elle trouvait désopilant de me voler mes gants et de les enterrer, bien sûr elle provoquait des colères, bien sûr elle adorait dormir toute crottée sur mon lit mais un seul jeu de poil au dessus de ses yeux invisibles m'imposait le pardon.
Si j'avais passé l'heure de sa soupe depuis un temps trop long pour elle, elle s'appuyait sur mes genoux et, la gueule ouverte au dessus de moi, elle riait, elle riait en aboyant. Je l'étreignais alors avec toute la fougue et tout l'amour qu'elle me proposait.
Quand Lune me faisait l'honneur de dormir à la maison, elle s'installait sur le fauteuil de Montana ; celle-ci la regardait un moment en silence puis se couchait en soupirant, par terre, à ses pieds.
Ses désirs étaient des ordres et il n' avait pas que moi pour les subir. Une boule blanche de poils ébouriffés menait son monde à la baguette mais ses coups étaient une caresse.
Quand Prune s'oubliait à s'allonger sur ce trône, Montana la regardait un instant, hésitante puis posait une patte, puis deux avant de s'affaisser sur elle, la faisant déguerpir ! Bien coincée sur ce fauteuil trop juste, elle laissait dépasser tout un fatras de pattes, d'oreilles et de museau... »
Le jour où l'homme estimera le chien pour toutes ses qualités et n'en montrera pas que des clichés de servilité, de fidélité injustifiée, d'abnégation, d'amour dévot, des images de chien triste et quémandeur, le jour où tous les hommes verront cela, l'homme et le chien pourront être très heureux ensemble.
Sinon ce n'est qu'une chienne de vie par temps de chien.
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