Technique policière : contrôle d’un véhicule
Mardi 27 juin 2023 à 7 h 55. Deux cyclomotoristes de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine (92) poursuivent une Mercedes AMG-A de couleur jaune immatriculée en Pologne dans les rues de Nanterre. Les fonctionnaires rattrapent le véhicule à un feu tricolore. Le conducteur force le feu qui est au rouge. A 8 h 16 l'un des deux motards signale au central que le VL roule à vive allure sur la voie réservée aux bus et qu'il a mis en danger un passant et un cycliste à un passage piéton. La berline se retrouve bloquée dans la circulation à la hauteur du boulevard de la Défense. Les deux motards mettent pied à terre, le premier sur le côté, le second à l'arrière du véhicule puis sortent leur arme. Le véhicule conduit par Nahel repart (contact non coupé), volontairement ou non ? Le policier situé au niveau du pavillon de l'aile avant gauche tire. Le véhicule (boîte automatique) va s'encastrer dans du mobilier urbain place Nelson Mandela. Il est 8 h 19. Le policier qui a tiré apporte les premiers secours pendant que son collègue appelle les secours. Les sapeurs- pompiers arrivent à 8 h 21. Nahel Merzouk, un franco-algérien de 17 ans, atteint au bras et au thorax décède à 9 h 15.
Un contrôle de véhicule consiste à demander au conducteur à décliner son identité et à présenter les papiers du véhicule et le contrat de location. Cette procédure que nous avons tous connue n'est pas qu'enseignée aux policiers, gendarmes ou douaniers, mais aux militaires devant intervenir lors de missions de maintien de la paix ou de police militaire, voire à certains gardes assermentés. Ceci explique que les gestes techniques peuvent varier d'une fonction, voire d'un corps à l'autre, mais l'esprit reste le même. La sécurité des personnes alentours, des intervenants et des occupants du véhicule.
Un ancien militaire devenu policier intervenant sous stress peut voir resurgir certains réflexes. Lors de certaines « opex », l'interception d’un véhicule peut être à haut risque. Terroristes et trafiquants ont prévu cette éventualité et ont mis au point des contre-ripostes. Certains ont équipé le creux de leur portière avant gauche (circulation à droite) avec un piège à feu tirant une cartouche de chasse. Dès la porte entrouverte il suffit de diriger la tranche de la portière vers le policier qui s'approche et de déclencher le tir en activant un petit câble qui libère le percuteur (un système similaire est possible sur les poignées d'une moto).
On compte environ 25.000 refus d'obtempérer chaque année en France, et une vingtaine vire au drame pour le conducteur, le passager ou le policier (1/1000). Avant toute interception, place à l'observation : plaque couverte de boue pour dissimuler le numéro - plaque propre sur un véhicule sale (changement de plaque) - véhicule anormalement lourd, déséquilibré (marchandises ou explosifs dissimulés) - malle arrière ou portière entrouverte - plaque étrangère - nombre de personnes à bord - plaque vissée - plaque trop brillante (produit pour réfléchir l'éclair du flash-radar, ça marche !) - comportement dangereux - couleur qui semble s'en aller (peinture à l'eau et passage au lavage pour tromper un signalement) - véhicule de location, etc. Le montant de la location d'un véhicule immatriculé en Pologne, environ 1.500 € le mois, est vite remboursé par une sous-location (non déclarée), complique les recherches (plate-formes en ligne) et évite la perte de points et amendes.
Ne pas « coller » au véhicule, risque de collision si le chauffeur « pile » ou qu'il donne un « coup » de volant, et risque de ne pas voir un des occupants se débarrasser d'un « objet »... Avant d'intimer l’ordre au conducteur d'immobiliser le véhicule et de couper le contact, il est préférable d'attendre un endroit n’offrant pas de couverts proches et où la visibilité est favorable au contrôle. Toujours placer le véhicule (voiture ou deux roues) légèrement en biais et sur la gauche, cela permet aux VL arrivant d'anticiper un déboîtement en apercevant les deux voitures à l'arrêt. Ensuite, immobiliser le véhicule intervenant à une distance suffisante pour voir sous l'arrière du véhicule à contrôler. Le premier intervenant à sortir est celui placé du côté non exposé, généralement non conducteur afin de couvrir la sortie de son collègue. Selon la situation, le chauffeur peut entrouvrir sa portière et glisser légèrement sur le côté gauche de son siège en maintenant la portière ouverte avec la semelle de son pied gauche qui reste dans le véhicule, corps bien calé avec le pied droit, les mains tenant l'arme sortant entre le montant de la portière et le pavillon du pare-brise. Le ou les deux policiers qui se portent à la hauteur du VL ne doivent jamais progresser entre les deux voitures, une marche arrière du véhicule intercepté est possible.
Voyons les zones dangereuses couvertes par le conducteur. La zone cruciale, il s'agit d'une bande d’une cinquantaine de centimètres de large qui va du pare-choc arrière jusqu'au montant du pavillon avant. S'il y a un passager arrière, cette zone part du montant arrière. La zone d’atteinte correspond à la longueur d’un bras passé par la vitre (risque d'être agrippé et trainé sur la chaussée). La zone de réflexion, située sur les trois-quarts arrière, est couverte par le rétroviseur. La zone dangereuse qui facilite le tir du conducteur, s'étend de l’avant et légèrement sur l'arrière de la portière. Elle recouvre une partie des zones mentionnées.
Ne jamais quitter le véhicule ni la zone cruciale des yeux, et se méfier de toute diversion. Pour avoir une chance d'atteindre l'agent instrumentant, l’occupant du véhicule devra se livrer à une action anticipatrice qui avertira sur ses intentions et permettra de réagir. Si l'on doit plonger au sol, attention de ne pas se placer sous les roues du véhicule (avant ou arrière). Le faire dans la zone qui est cruciale pour sa sécurité. Lors du contact avec le sol, ne pas chercher à dégainer (si ne n'est déjà fait). Cela réduit la célérité du mouvement et accroît le risque d'un tir accidentel. C'est au collègue en couverture d'intervenir.
Une approche par le côté droit du véhicule peut surprendre le conducteur qui s'attend à une arrivée de son côté et à sa hauteur. Cette façon de procéder va compliquer son tir éventuel (passager à côté, vitre fermée, secteur plus limité, etc.). Lors de l'approche, on observe à distance les épaules des occupants qui peuvent trahir une action en cours de préparation. Parvenu à la hauteur de la malle arrière, on appuie dessus pour vérifier qu’elle est correctement fermée. Il est arrivé qu’une personne en sorte soudainement pour abattre l'agent qui s’approchait. Parvenu à la porte arrière, on reste en retrait pour éviter d'être renversé par l’ouverture soudaine de la portière, et on « jette » un coup d’œil à l'intérieur afin de s'assurer qu’aucun individu, chien ou marchandises n’est dissimulé au sol entre les banquettes. Rien ne doit distraire l'intervenant, pas même une fille sexy en diable.
Parvenu au niveau du montant de séparation des portes arrière et avant, on « invite » le conducteur à présenter son permis et les papiers du véhicule. On suit tous ses mouvements du coin de l’œil. Il peut disposer d'une arme dissimulée et accessible de son siège (vide poche, sous le siège, boite à gant, pare-soleil, accoudoir, repose-tête, etc.). En Russie, par exemple, des vory (mafia russophone) transforment le levier de vitesse en stylet. Toujours se placer de trois quarts, la partie gauche du corps vers le véhicule (droitier). La main gauche saisit les papiers et sert éventuellement à parer ou à dévier un geste suspect, la main droite restant libre de saisir l’arme. S'il y a un passager arrière, on reste au passage de roue arrière et on lui demande de relayer les papiers et documents du conducteur à l'agent intervenant. Si l’intervention se fait en binôme, un coéquipier peut progresser sur le côté droit, l’autre sur le côté gauche, chacun respectant la même procédure.
Chaque intervention est particulière. Ne pas mal n'interpréter le geste d’un automobiliste dégrafant sa ceinture de sécurité. Si on a toute raison de penser les suspects dangereux, on progresse de profil, l'arme à la main et dirigée au côté opposé du véhicule. Ne jamais pointer l'arme sans absolue nécessité, doigt reposant le long du pontet. Si la situation l'exige, il est demandé au conducteur de sortir en premier, les bras en l’air et tenant les clés du véhicule (comment être sûr qu'il ne s'agit pas d'un double prévu à cet effet), vient ensuite le tour du passager avant, du passager arrière gauche et du passager arrière droit. Tout se beau petit monde est invité à s’allonger sur le sol derrière leur voiture.
Au moindre doute on peut faire sortir les occupants par les portes situées d’un seul et même côté. Le conducteur sort par la portière gauche suivi de son passager, les passagers arrière sortant eux aussi par la portière arrière gauche. En procédant ainsi, l’intervenant placé à droite du véhicule est « protégé ». Lors de la sortie de chaque occupant, il peut lui être ordonné de dégager de quelques pas et de croiser ses mains sur la tête, voire de s'allonger au sol sur l’occupant le précédant de façon à former une pile !
Avant d’autoriser les occupants à regagner leur véhicule, il peut être nécessaire d’en contrôler l'intérieur (interdit dans nombre de pays). On ne procède jamais à un contrôle intérieur avec les occupants dans le véhicule. On commence par la malle arrière puisqu’il n’est pas exclu que celle-ci communique avec l’habitacle par le siège arrière. Il faut agir avec prudence et se méfier des lames de rasoir, aiguilles hypodermiques placées entre les sièges et ses replis destinées à blesser l’intervenant. Il est plus sage de porter des gants et d'y passer le corps d’un stylo. Le contrôle terminé, si le chauffeur est en appui extérieur, il est le premier à regagner le véhicule, prêt à partir sur les chapeaux de roues. Son collègue regarde le véhicule s'éloigner avant de le rejoindre.
Le véhicule peut être un van, une estafette, un camion, un pick-up ou présenter des particularités différentes : hauteur, bâchage, disposer d'issues hors de la vue de l’intervenant, avoir des vitres teintées ou embuées, etc. Les cabriolets à deux portes obligent à ce que le passager arrière rabatte le siège avant pour sortir, moment propice pour s’emparer d’une arme, voire d'une grenade. Certains malandrins, en prévision d'un méfait, ont découpé un passage dans le plancher du véhicule afin de le quitter sans être aperçus : D'autres ont court-circuité le démarreur afin de pouvoir redémarrer sans la clé ! Dans la volonté de contrecarrer ce genre de « customisation », l'intervenant reste à couvert et ordonne au conducteur de venir sur l'arrière de son véhicule avant de se diriger vers le véhicule d'intervention, où il lui est demandé de se mettre bras en appui sur le capot (comme pour une palpation), et de tendre ses papiers. Toujours veiller à ce que le contrôlé reste entre son véhicule et celui d'intervention. Si l'agent interpellateur prend la décision d’aller voir le véhicule, il se fait précéder du conducteur (bouclier). Cela n'est en aucun cas une garantie absolue. Un coup de sifflet il se couche et un tireur embusqué « strafe ».
Les deux roues posent le problème différemment. En cas de doute, on s'en approche par le côté droit et on demande au motard de quitter son engin par ce même côté. Ce geste inhabituel rend son équilibre moins stable (polygone de sustentation). Il lui est ordonné de conserver son casque sur la tête, celui-ci pouvant dissimuler une arme dans la coiffe ou être jeté pour faire une diversion, ou frapper au visage.
La nuit rend le contrôle plus dangereux (ivresse, stupéfiant, obscurité). Il faut opérer de préférence dans une zone éclairée, et éviter de venir se découper dans les phares de son propre véhicule. Si le véhicule est doté d’un projecteur puissant, le chauffeur resté à bord peut le diriger vers l’habitacle du véhicule suspect afin d'en éclairer l'intérieur, empêcher ses occupants d’utiliser le rétroviseur et d'observer la progression de l’intervenant. Cela a aussi pour effet de détruire leur accommodation visuelle nocturne. On utilise la lampe personnelle que parvenu à la hauteur du véhicule contrôlé et on demande au conducteur d’allumer le plafonnier (certains malandrins le désactivent afin de quitter leur véhicule en toute discrétion).
Le lecteur l'aura compris, mon propos n'est pas polémique, c'est un autre débat, celui des 6 P : Politique (personnalités et partis) - Police (administration et syndicats) - Parquet (juges et textes de loi) - Presse (écrite, radio, télévision, en ligne) - Population (active, attentiste, indifférente, expatriée) - Plate-formes. Deux enquêtes ont été ouvertes, l'une pour « refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique », l'autre confiée à l'IGPN pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique ». Une remarque, une correction, une amélioration, une précision ?
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