Pour une révolution qui réussisse
Rien ne va plus. Le monde part en déliquessence, 80% des espèces ont disparu, l'air, les eaux et les sols sont pollués, et le réchauffement climatique nous emmène dans un monde invivable dans plusieurs régions du monde nous laissant craindre le pire pour la survie de l'espèce humaine. On sait qu'elle est la cause de ce saccage : notre système capitaliste aggravé par la mondialisation. Alors on se dit qu'il suffit de changer de système. Mais les résistances sont fortes et viennent principalement de ceux qui font tourner le monde. Alors on rêve du Grand soir et pourtant on ne voit rien venir. Pourquoi une telle apathie et comment le peuple peut-il investir totalement sa souveraineté ?
Anthropologie politique
L’être humain est un animal faible mais intelligent (si tant est qu’il veuille bien se servir de son intelligence avec intelligence). Individuellement, l’humain est un être fragile au milieu de la nature. De tout temps, il a fallu à l’animal humain survivre avec des bébés qui ne savent pas marcher dès la naissance dans un environnement hostile pour son physique : animaux bien plus forts, climat sans fourrure, etc. Selon Aristote, l’humain a ceci de particulier qu’il a conscience de lui-même, qu’il est doué de raison et qu’il est un animal social. Il a aussi une faculté qui relève presque de la magie, c’est qu’il peut réfléchir avec ses congénères, partager son savoir et le faire fructifier dans une intelligence collective. Ensemble, et sans assistance technologique, l’humain est capable d’une intelligence augmentée.
Et pourtant, l'idéologie néolibérale qui est majoritaire en ce monde en a décidé autrement. Selon elle, l'être humain est inadapté aux besoins du marché et le peuple est incapable d'assumer la démocratie. Il faut alors l'éduquer en douceur, c'est-à-dire en le manipulant de telle manière qu'il soit idéalement adapté et employable, qu'il joue le jeu de la concurrence à travers ses liens sociaux et qu'une fois parfaitement individualisé, le peuple soit atomisé et réduit en une masse incapable de souveraineté.
Démocratie représentative contre démocratie
Les pères de la démocratie représentative française ne cachaient pas leur peur de la démocratie. Tocqueville disait aux aristocrates de son époque que l’avenir ne pouvait échapper à la démocratie. Mais il la croyait impossible parce qu’une réelle égalité est impossible et que la démocratie ne peut que rapetisser la nature humaine. Emmanuel-Joseph Sieyès disait : « La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction ni assez de loisirs, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. [...] Les citoyens qui désignent des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » Quant à Voltaire, il disait : « Les Français ne sont pas faits pour la liberté : ils en abuseraient ». Aujourd’hui, force est de constater que cette démocratie représentative tend à renforcer le pouvoir de ses élus plutôt qu’à le partager plus au gré des événements.
Le capitalisme libéral contre le monde du vivant et les peuples
Or, deux choses sont en train de changer de manière irréversible : Le monde vivant ne peut plus supporter notre façon de vivre prédatrice du monde vivant.
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Les peuples ne veulent plus se laisser manipuler par de prétendues élites qui ne servent que leurs propres intérêts.
Les peuples se rendent compte du saccage de la terre-habitat et de la destruction du monde vivant alors qu’ils aspirent à un monde apaisé, sécurisant et suffisant tout en refusant les idéologies autoritaires ou manipulatrices qui ont toutes la particularité de créer des pouvoirs au service des supposées « élites », qui sont en fait les grandes fortunes parmi lesquelles beaucoup de corrompus et leurs représentants que sont les gouvernants. Les systèmes économiques connus (capitalismes libéral ou keynésien) et communismes soviétique ou chinois) et tous les régimes étatistes connus (démocratie représentative ou dictature) ont fait la preuve que leur fonctionnement était néfaste à cause de l’accumulation des richesses par certains, la dilapidation des ressources naturelles, la destruction du monde vivant et la souveraineté du peuple confisquée au profits de ces élites. Les pays pauvres accusent le monde occidental tandis que les Occidentaux accusent leurs élites quel que soit leur régime politique. Et le monde ne peut plus le supporter physiquement.
Il faut changer ! Oui, mais dans quel ordre ?
On pourrait penser que la première des choses à faire est de changer le système économique capitaliste néolibéral ou ultralibéral selon les pays. Il n’en est rien car il dépend de choix politiques. Or, on l’a vu, nos élites qui choisissent le régime politique qui leur convient travaillent pour leurs propres intérêts. Aujourd’hui, l’avenir est donc à la démocratie directe, réelle ou intégrale, celle qui ne permet plus à des pouvoirs de négliger le peuple ; celle qui s’organise d’abord localement entre citoyens (avec représentants mandatés) et compose avec l’environnement naturel et ses ressources propres.
Sieyès avait tort
Lui qui était abbé et croyait à l’Esprit saint aurait dû avoir toutes les raisons de croire que « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 15-20) et que cela veut dire que l’humain est capable d’une intelligence collective tenant de Dieu ou tenant simplement de sa condition humaine. Mais Sieyès était plus homme de pouvoir qu’homme d’Église (et combien d’autres encore ?).
Un détour par les règles de la théorie de l’évolution
Darwin disait de la survie qu’elle ne reposait pas uniquement sur la compétition ou la sélection naturelle des êtres les plus adaptés à leur environnement mais aussi à la coopération. L’humain n’échappe pas à ces trois règles de la théorie de l’évolution. En oublier une, c’est bâtir un monde non résilient car ces règles s’autorégulent entre elles. La compétition aboutit à la règle du plus fort. La sélection naturelle entraîne un monde inégalitaire. La coopération, si elle se passe des deux autres règles, oublie que cette survie ne peut être qu’un combat pour la vie. Or, le monde libéral détourne cette capacité de coopération au profit des détenteurs du capital.
Faire confiance à l’intelligence collective des peuples
Les peuples doivent donc choisir la voie de la hiérarchie horizontale de manière à ce que chacun soit investi d’une pleine responsabilité dans l’organisation de la société à laquelle il appartient et puisse reprendre pleinement ses pleins droits et devoirs de citoyen. Ainsi, au lieu d’être gouvernés par des pouvoirs qui éteignent l’intelligence collective de l’espèce humaine, les citoyens retrouveront naturellement leurs facultés de coopération, de transmission et d’imagination sans être entravés par des intérêts égoïstes. La seule manière d’y parvenir, c’est le régime de démocratie réelle seul capable de changer de système économique de tel manière qu’il soit parfaitement adapté à l’humain et surtout à la nature et au monde vivant. Tous les économistes alternatifs (sans conflit d’intérêts avec les pouvoirs en place) proposent des manières d’opérer une transition économique sociale, solidaire et démocratique qui repose sur une gestion des communs. N’oublions pas, au contraire de ce qu’on essaye de nous faire croire, que l’économie est une science molle. Cela veut dire qu’il n’y a pas de vérité absolue et que l’économie dépend entièrement des choix politiques. Le « There is no alternative » de Margaret Thatcher est un mensonge criminel dont profitent nos élites et leurs représentants-gouvernants.
De Günther Anders et de l’obsolescence de l’homme (1956)
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau et la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste... que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissant, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. »
« On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s’interroger, penser, réfléchir. »
« On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. »
Comment se débarrasser des nuisibles qui dirigent le monde ?
Ceux qui dirigent le monde ont bien compris que leurs ennemis étaient les peuples. Pour cela, ils ont pris tous les moyens pour les contrôler (régime dictatorial) ou, mieux encore, les abêtir de telle sorte que les citoyens ne soient plus en capacité de penser et d’agir (régime néolibéral).
Pour se débarrasser des nuisibles qui dirigent le monde, la première pensée est d’espérer le grand soir, la révolution. Mais il faut se rendre à l’évidence que les peuples occidentaux sont apathiques et regardent le monde se dégrader et aller vers son anéantissement sans réaction ou très sporadique détournée par une crise opportune, le temps de se faire matter. Or, les peuples occidentaux ne sont pas capables de se lever pour une révolution, leurs esprits étant empêchés de s’interroger, penser, réfléchir, tout accaparés par ce qui est futile et ludique, la publicité, la multiplication des faux besoins, le bavardage et une musique incessante, le travail et les loisirs…
La première chose à faire est de restaurer le citoyen qui sommeille en chacun seule condition pour restaurer le peuple. Pour cela, la seule solution est que ceux qui sont encore éveillés ou non anesthésiés organisent des collectifs de résistance, d’entraide et de libération de la pensée là où ils sont. Ces collectifs auront pour conséquence immédiate de créer ou fortifier le lien social (comme l’ont fait les gilets jaunes), de parer aux crises qui ne vont faire que se multiplier et s’amplifier désormais, de pouvoir décrypter les discours mensongers et manipulatoires de ceux qui nous dirigent. Jusqu’au jour où par la force des choses, les nuisibles devront se sauver et laisser la place. Mais avant cela, d’abord créer des collectifs de résistance aux attaques incessantes de ceux qui nous gouvernent et ne représentent que ceux qui les ont placés au pouvoir.
« On ne peut pas dire d’une manière générale que le plus grand danger de nos jours soit […] l’anarchie ou le despotisme. L’un et l’autre est également à craindre, et peut sortir aussi aisément d’une seule et même cause qui est l’apathie générale, fruit de l’individualisme [...] Ce qu’il est important de combattre, c’est donc bien moins l’anarchie ou le despotisme que l’apathie qui peut créer presque indifféremment l’un ou autre. » En cela, Alexis de Tocqueville était un visionnaire.
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Travail en cours...
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