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Le nouveau pari de la Chine sur l’Ukraine

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Il est clair que la Chine fait le pari d’une participation active à la médiation de la crise ukrainienne. Après l’annonce de son plan pour aplanir la crise, Pékin a renforcé son engagement en envoyant un émissaire spécial en Ukraine, en Russie et dans divers pays européens, tels que la Pologne, la France et l’Allemagne, afin de faciliter le dialogue entre les parties impliquées.

L’année dernière, en avril, le président chinois Xi Jinping a fait un grand pas en avant en s’entretenant par téléphone avec Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, qui a déclaré  : «  J’ai eu une longue et profonde conversation téléphonique avec le président chinois Xi Jinping  » et a ajouté  : «  Je pense que cette conversation, ainsi que la désignation d’un ambassadeur ukrainien en Chine, donneront une solide impulsion à la progression de nos relations mutuelles ».

Cela indique que Pékin, qui entretient des relations solides et en plein essor avec la Russie, ainsi que les liens étroits entre les présidents Xi et Poutine, qui se sont officiellement croisés une quarantaine de fois, a établi une ligne directe avec l’autre acteur pris dans la crise.

Le président chinois cherche peut-être à renforcer sa réputation de solutionneur de problèmes à l’échelle mondiale, mais je pense que sa principale priorité est d’accroître l’implication de son pays en continuant à jouer son rôle d’intermédiaire fiable et concret au niveau mondial. Le statut de la Chine dans le nouvel ordre mondial dépendra en grande partie de sa capacité à promouvoir la sécurité et la stabilité et à apporter une contribution constructive aux grandes crises internationales, comme celle de l’Ukraine.

Bien que les États-Unis ne souhaitent pas que la Chine marque des points stratégiques dans la crise ukrainienne, ils pourraient considérer l’implication de la Chine comme une planche de salut potentielle pour mettre fin à ce problème chronique, si l’Occident se rend compte de l’incapacité de l’Ukraine à obtenir le triomphe militaire qu’ils recherchent face à la Russie. Ce point est particulièrement important si l’on considère les signes indiquant une escalade militaire potentielle qui pourrait devenir incontrôlable.

L’alliance dirigée par la Grande-Bretagne vise à fournir à l’Ukraine des missiles de croisière d’une portée allant jusqu’à 300 kilomètres, une distance similaire à celle que les États-Unis ont jusqu’à présent refusé de fournir à l’Ukraine, compte tenu de l’éventuelle réaction de la Russie. Ces missiles ont la capacité d’atteindre la péninsule de Crimée, officiellement annexée par la Russie.

La Chine est désormais la seule puissance mondiale à s’être abstenue de s’impliquer dans le conflit ukrainien et à s’efforcer de trouver un terrain d’entente. C’est donc elle qui a la capacité de freiner l’escalade vers le précipice, notamment après la confirmation par le ministre britannique de la défense, Ben Wallace, que les missiles Storm Shadow, d’une portée de plus de 250 kilomètres, ont fait leur chemin jusqu’en Ukraine. Il a également indiqué que la détermination britannique avait été validée avec l’accord des États-Unis, ce qui suscite la curiosité puisque Washington a lui-même refusé de fournir à l’Ukraine des missiles américains à longue portée. Ces missiles seraient mis en œuvre par l’Ukraine dans le cadre d’une frappe de représailles qui pourrait provoquer une réaction russe en élargissant l’éventail des manœuvres militaires, tant par leur ampleur que par leur nature.

La Chine, qui a entamé ses efforts de médiation dans la crise ukrainienne, s’efforce également de rétablir ses relations avec l’Europe. Tout récemment, Han Zheng, le vice-président chinois, s’est rendu aux Pays-Bas dans le cadre d’une tournée européenne incluant la Grande-Bretagne et le Portugal. Cette visite a eu lieu malgré la détérioration des relations entre les Pays-Bas et la Chine, les Néerlandais ayant qualifié la Chine de «  plus grande menace pour la sécurité  » dans un rapport publié par les services de renseignement néerlandais. Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a alors reproché aux Pays-Bas d’entretenir une «  mentalité de guerre froide ».

Dans un délai très court, le ministre chinois des affaires étrangères, Qin Gang, s’est rendu en France et en Norvège, avec pour objectif principal de faire pression pour mettre un terme aux sanctions européennes visant les entreprises chinoises qui aideraient la Russie dans le conflit ukrainien.

En fin de compte, la Chine sait que l’Europe a besoin d’elle, en particulier dans le domaine du commerce et de l’économie. Le ministre allemand des finances, Christian Lindner, l’a exprimé en soutenant ceux qui adoptent une position pacifique à l’égard de la Chine et en prônant une approche réaliste et de l’assurance dans les relations avec Pékin. Il a souligné l’importance de trouver un équilibre entre les principes et les intérêts économiques, illustrant ainsi une approche pratique que le gouvernement allemand souhaite intégrer dans une nouvelle stratégie d’engagement avec la Chine.

De l’autre côté, la stratégie de la Chine va au-delà du triomphe de son rôle de médiateur. Des objectifs tout aussi cruciaux incluent la résolution des tensions dans les liens entre Pékin et certaines capitales européennes. Ces tensions ont incité l’Italie à déclarer son intention de se retirer de l’initiative chinoise Belt and Road, dans laquelle l’Italie est le seul membre du G7. Cette démarche s’aligne sur l’approche adoptée par le gouvernement du Premier ministre Giorgia Meloni, qui soutient fermement l’Ukraine dans son conflit contre la Russie.

Le résultat global des efforts de la Chine concernant l’Europe s’inscrit dans le cadre de la neutralisation de la position européenne, dans la mesure du possible, dans la lutte pour le conflit et l’emprise sur le leadership mondial. Pékin est parfaitement conscient que toute décision commune de Bruxelles visant à pénaliser la Chine pour sa position sur l’Ukraine doit être approuvée à l’unanimité par les 27 États membres de l’Union européenne.

Cette question représente une tâche extrêmement ardue étant donné les positions contrastées des pays européens à l’égard de Pékin, motivées par des calculs d’intérêts stratégiques.

En outre, il existe un véritable intérêt européen à maintenir des canaux de communication avec la Chine, compte tenu du fait que la Chine est le seul acteur capable de faire pression sur le président Poutine pour qu’il mette fin à la guerre. À un certain moment, la Chine pourrait être amenée à jouer son rôle pour éviter un affrontement militaire direct entre la Russie et les alliés de l’OTAN.

Ce rôle répond également aux intérêts de Pékin, qui considère que cette guerre n’est pas conforme à ses intérêts stratégiques puisqu’elle renforce l’alliance de l’OTAN et les liens entre Washington et ses homologues asiatiques, ce qui va à l’encontre de l’aspiration de Pékin à réduire l’influence mondiale des États-Unis.


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6 réactions à cet article    


  • Samy Levrai samy Levrai 2 juin 2023 09:38

    L’OTAN qui se prend après l’Afghanistan et ses gardiens de chèvres, une nouvelle branlée mémorable en Ukraine, serait renforcée...

    Surement comme l’Allemagne qui se sort renforcée de la destruction des Nord Stream.

    C’est quand même beau la novlang, c’est beau mais c’est con.


    • Nowhere Man 2 juin 2023 10:24

      Régis de Castelnau a publié hier une interview de l’ambassadeur chinois, celui qui fut insulté récemment par l’ensemble de notre système politico-médiatique. Quelle maîtrise de la langue ! Les hystériques de plateaux ne possèdent pas 10% de sa culture géopolitique.

      https://www.youtube.com/watch?v=3_MNl987Ex0&t=178s

      Une vidéo d’Asselineau sur les tarés du G7. A partir de 22:40 les embrassades de Méloni...

      https://www.youtube.com/watch?v=SrG3699ZstQ&t=1254s


      • SilentArrow 2 juin 2023 14:34

        @Nowhere Man

        Merci pour ces liens.


      • Durand Durand 2 juin 2023 17:45

        @Nowhere Man

        L’interview de l’Ambassadeur de Chine en France est très intéressante..., merci !

        Mais alors qu’il s’agit du principal danger qui menace l’hégémonie américaine, je note que le thème de la dédollarisation des échanges internationaux, initiée par les pays du ”Sud Global” sous l’impulsion chinoise, n’est pas abordé et l’article ci-dessus n’y fait pas référence non-plus. C’est à mon sens la raison majeure de la fadeur embrouillée des trois ou quatre derniers paragraphes conclusifs et de l’article dans son ensemble. La guerre monétaire est pourtant centrale dans la stratégie de la Chine et il y a bien une dizaine d’années qu’elle s’y prépare.

        Peu de mots, beaucoup de sens et une très longue expérience, Charles Gave explique cette guerre économique et finalement monétaire ”oubliée”, à la foi par l’Ambassadeur – parce qu’elle est sans doute l’arme principale de ce ”Sud Global”– mais également oublié dans cet article pour des raisons qui posent question...

        https://www.businessbourse.com/2023/06/01/charles-gave-si-le-taux-dinteret-est-au-dessus-du-taux-de-croissance-de-leconomie-a-ce-moment-la-la-dette-de-letat-se-capitalise-plus-vite-que-la-richesse-qui-est-cree-par-la-nation-et-vous/

        ...Et c’est également ce qu’avait diagnostiqué Régis Chamagne dans son dernier article :

        https://www.regischamagne.fr/la-vraie-guerre-devoilee/

        ..


        • yakafokon 3 juin 2023 06:47

          La modération et la patience de Xi Jinping ont beau être légendaires, elles n’arriveront jamais à obliger Volodymyr Zelenssky à venir à la table des négociations, et ce pour une raison très simple : Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne le lui interdisent formellement !

          Il faut absolument que l’Ukraine continue la guerre, pour entrainer la Russie à commettre l’erreur fatale de s’attaquer à un pays de l’ O.T.A.N.

          Mais la plus grosse erreur, ce sont les nazis de ces deux pays qui la commettent, en intervenant ouvertement dans un pays qui ne fait pas partie de l’Union Européenne ni de l’ O.T.A.N. , alors que la Russie ne fait qu’empêcher cette organisation criminelle de s’étendre vers l’Est ( comme promis devant les ministres des affaires étrangères de plusieurs pays en 1990 et 1991, et confirmés par des documents américains déclassés ).

          Le non-respect de cette promesse a été pour Moscou la ligne rouge à ne pas franchir, d’où l’opération spéciale visant à faire respecter par la force la parole donnée.

          En outre, il fallait protéger les civils russophones du Donbass et de Crimée, qui avaient obtenu un passeport russe ( en faisant des russes de jure ), et qui vivaient sous les bombes des nazillons de Kiev ( d’ailleurs, ça continue ).

          A elle seule, la Russie a plus d’ogives nucléaires que les Etats-Unis, la France, et la Grande-Bretagne réunis, d’une puissance supérieure, et en outre elle peut les livrer à la vitesse hypersonique sur simple demande ( ce ne sont pas les vecteurs qui lui manquent, y compris sous-marins comme le drone Poséidon ).

          Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne peuvent être rayés de la carte en quelques minutes, et retourner à l’âge de pierre ( l’ont-ils quitté d’ailleurs ? ).

          Je suis certain que tous les sous-marins russes sont pré-positionnés au cas où...

          Il ne faut pas jouer à « celui qui pisse le plus loin », avec la première puissance nucléaire mondiale, sinon ça va très mal se terminer.

          Mais allez faire comprendre ça à des autistes !

          Franchement, ça vous gênerait de voir New-York ou Londres disparaitre ?

          Moi non ! J’ai les nazis en horreur !


          • Durand Durand 3 juin 2023 08:32

            @yakafokon

            « Franchement, ça vous gênerait de voir New-York ou Londres disparaitre ? »

            On fait partir les gosses, d’abord, ou bien la vitrification de millions d’entre-eux ne vous dérangerait pas non-plus ?

            ..

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