L’Abbé Pierre avait raison
En contemplant le biopic sur l'Abbé Pierre, une source profonde d'inspiration a émergé en moi, ravivant ma conviction en la bonté intrinsèque de l'humanité. Il est indéniable que nous, en tant qu'êtres humains, pouvons parfois être enclins à l'hypocrisie. La plupart d'entre nous déclarent se soucier constamment des plus malheureux et des plus démunis. Cependant, le poète Breton évoquait les "hasards objectifs", et récemment, une amie m'a partagé une vérité poignante : "Les sans-abris sont exclus de la société, tout comme ceux que l'on considère comme fous. On ne demande jamais aux rejetés comment ils vont."
Notre époque est marquée par une nouvelle addiction, celle des écrans, des réseaux sociaux, des sites complotistes, et du consumérisme effréné. En ces moments, je ressens un besoin impérieux de m'exprimer. Où est passée notre humanité ? Pourquoi étiquetons-nous comme hystériques ou fous ceux qui souffrent de traumatismes profonds, plongés dans la dépression ou au bord du désespoir ? Je pensais naïvement que cette stigmatisation découlait de la peur de l'inconnu, mais la dépression peut toucher chacun d'entre nous.
Permettez-moi de vous parler de Marcel. Autrefois un éminent médecin, des aléas amoureux l'ont précipité dans la précarité, le forçant à mendier pour survivre. Si vous l'aviez croisé lors de soirées mondaines, vous n'auriez jamais soupçonné que cet homme deviendrait une ombre invisible, vous obligeant à détourner le regard en plein centre-ville.
La complexité de la santé mentale réside dans le fait que chacun se considère comme "normal". Pourtant, qui a défini la normalité ? À une époque où l'on prétend que les asiles sont fermés et que les troubles psychiatriques sont mieux pris en charge, la réalité est sombre : on assourdit les patients de benzodiazépines, les transformant en zombies, et on s'attaque aux symptômes plutôt qu'à la racine du mal. Si notre époque était imprégnée de l'esprit révolutionnaire, je lancerais un appel avec des pancartes proclamant : "La santé mentale n'est pas taboue. Ensemble, nous surmonterons cette épreuve." Hélas, je crains que l'indifférence, l'égocentrisme et un malaise psychique généralisé ne détournent le regard des politiques loin du peuple.
Le sans-abrisme et la santé mentale sont intrinsèquement liés. Dormir à la belle étoile sur des pavés ne peut que nourrir la dépression. Comment oublier cette souffrance ? Par le recours à l'anxiolytique universel qu'est l'alcool.
Ayant touché le fond d'une douleur psychique insoutenable, je ne peux plus détourner les yeux devant un sans-abri sans ressentir une profonde empathie. L'Abbé Pierre avait raison : nous ne pouvons pas laisser d'autres êtres humains grelotter de froid, souffrir de faim et croupir dans la misère.
À travers lectures et conférences, des penseurs tels que Rutger Bregman ont tenté de me convaincre que, selon les mots de Rousseau, "l'homme est bon, c'est la société qui le corrompt." Mes doutes persistent, mais je reste convaincue que le pouvoir de la bienveillance peut transcender les barrières que la société érige.
Aurore Van Opstal
Autrice et journaliste
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