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Accueil du site > Tribune Libre > Espéranto, Jean Piaget et l’assimilation généralisatrice

Espéranto, Jean Piaget et l’assimilation généralisatrice

Jean Piaget (1896-1980) est un psychologue suisse qui a beaucoup travaillé sur l'apprentissage des enfants. Et théorisé, entre autres, cette notion d'assimilation généralisatrice.

Malgré « l'absconcité » du terme, c'est très simple : les enfants qui ont compris un mécanisme de leur langue l'étendent spontanément et logiquement à tout leur savoir, fiers d'avoir pigé le truc !

On peut faire et défaire ses affaires (!). Donc, si on gare une voiture, on peut la « dégarer » !

C'est du moins ce que ces âmes naïves croient jusqu'à ce qu'on leur apprenne que « ça ne se dit pas ». Et pourquoi ? Parce que « c'est comme ça »...

Eh oui, non seulement c'est comme ça, mais c'est comme ça dans toutes les langues ! Au cours des siècles, elles ont accumulé irrégularités et blocages divers, différents selon les langues mais présents en toutes.

En français, on peut faire du sport, mais on ne peut pas « sporter ». Dommage, car on pourrait alors le conjuguer : "Comment vous sportez-vous aujourd'hui ?"

En espéranto, oui : sporti (infinitif en « i »)

En français, il peut pleuvoir, venter, neiger, nuager... Euh... non, il ne peut pas nuager, terme vieilli qu'on entend surtout à la météo sous forme dérivée et adjectivale : « Demain, le ciel sera ennuagé ».

En espéranto, le principe est absolu, donc pas seulement à l'infinitif mais à tous les temps de conjugaison : pluvas (il pleut, présent en « as »), ventas, neĝas, nubas (il pleut, il vente, il neige, « il nuage », etc.)

L'espéranto nous permet, nous oblige même à retrouver notre âme d'enfant, qui trouve sa langue amusante et veut de la logique. Mais cette extrême souplesse s'adresse à des adultes qui trouvent naturels les particularismes et exceptions de leur propre langue tant ils en ont appris, tellement on leur a répété que leur langue est la plus belle... ou la plus expressive, la plus... etc. Cet aspect novateur, quasi-révolutionnaire de l'espéranto, s'oppose presque de front aux langues nationales ou maternelles - pire : s'oppose à nos habitudes de pensée ! – une des raisons des réticences envers l'espéranto.

J'espère que cette leçon de linguistique express vous a intéressés, tant il est vrai que cette matière a un point commun avec certaines spécialités françaises, comme le cassoulet ou la fondue : c'est bon mais indigeste en grande quantité !

L'autre mécanisme linguistique universel qui est généralisé en espéranto, c'est la dérivation des mots à partir des racines, mais ce sera pour une prochaine fois. Chi va piano va sano ! Et en plus lontano.


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22 réactions à cet article    


  • JC_Lavau JC_Lavau 18 novembre 2019 14:23

    Maman ! Déproche moi !


    Mamie ! Ma pâte à modeler est trop moulle ! Tu peux me la démollir ?


    • rogal 18 novembre 2019 14:30

      Conclusion : cassouler en évitant de cassaoûler.


      • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 18 novembre 2019 16:29

        Faites-nous un poème en espéranto, un jeu de mot, quel surnom donnez-vous aux Arabes ? On en a de très beaux en français.


        • skirlet 18 novembre 2019 17:19

          @Daniel PIGNARD
          C’est pas la peine d’en faire exprès, il y en a déjà beaucoup. Juste deux exemples. Voici une originale de William Auld :

          Nin regas fine apetitoj,
          instinktoj kaj similaj pestoj,
          ĉar ni finfine estas bestoj —
          eĉ pli malbone : parazitoj.

          Ho, tio estas simple mitoj,
          kio stimulas al protestoj :
          « Nin regas, fi ! ne apetitoj,
          instinktoj kaj similaj pestoj ! »

          Ni babilaĉas pri spiritoj,
          ni pozas kun patosaj — gestoj,
          kaj pave baŭmas niaj krestoj ;
          sed malgraŭ tiaj hipokritoj

          nin regas fine apetitoj.

          Voici une traduite, il s’agit de « If » e Kipling (traduction très fidèle à l’original) :

          Se vi konservas kapon en lucido,
          dum la popolon regas jam panik’,
          se vi ne donas kaŭzon por malfido,
          eĉ kiam ne plu kredas vin amik’ ;
          Se, malgraŭ laco, povas vi atendi,
          rezisti al mensogo kaj malam’,
          ne cedi al despero, ne pretendi
          je plaĉaspekto kaj saĝula fam’ ;
           
          Se vin obeas revoj — sed ne male,
          se regas vi la pensojn en konsci’,
          se al Triumfo kaj Fiask’ egale
          rilatas vi sen troa emoci’ ;
          Se vian vorton oni hipokrite
          transformas je kaptilo por stultul’,
          sed post frakas’ de viaj faroj, spite,
          obstine rekomencas vi de nul’ ;
           
          Se povas meti vi sur unu karton
          la tutan havon, riske je bankrot’,
          kaj ĉion perdi, kaj reprovi starton,
          sen diri vorton pri perdita lot’ ;
          Se via kor’ kaj nervoj, malgraŭ trivo,
          plu servas eĉ en stato de ruin’,
          kiam nenio restas por la vivo,
          krom Volo, kiu diras : “Tenu vin !” ;
           
          Se, parolante, vi kondutas inde,
          kun Reĝoj ne forgesas pri popol’,
          Kipling in ’La Ondo de Esperanto’
          kaj se vin oni fidas, sed ne blinde,
          kaj ĉiuj sekvas vin — laŭ propra vol’ ;
          Se ĉiu hor’ de via vivo plenas
          per la impeta kuro sen humil’,
          al vi la tuta Tero apartenas,
          kaj pli — vi estas Homo, mia fil’ !



        • skirlet 18 novembre 2019 17:33

          @Daniel PIGNARD
          Quand aux jeux de mots, je doute que vous puissiez les apprécier, pour ça il faut connaître l’espéranto ne serait-ce qu’un peu. Mais bon, je donnerai quelques exemples : langvora lang-vora, ventregulo vent-regulo, domaĉeto - domaĉ-et-o... gramatikli, edzperanto...

          Kial via komputilo odoraĉas la vinon ?
          Ĉar ĝi enhavas Vin-dozon.

          Quant aux mots ethno-péjoratifs, il y en a, mais je n’ai pas envie de les mettre ici, même si pour vous ils semblent être la beauté principale de la langue française.


        • L'Astronome L’Astronome 18 novembre 2019 17:19

           

          « En espéranto, le principe est absolu, donc pas seulement à l’infinitif mais à tous les temps de conjugaison : pluvas (il pleut, présent en « as »), ventas, neĝas, nubas (il pleut, il vente, il neige, « il nuage », etc.) »

           

          Dans ce cas-là, prenez et apprenez donc le chinois : il y LE caractère, absolu, immuable, inscriptible dans un carré, et qui peut être : nom, pronom, adjectif, verbe, masculin, féminin, singulier, pluriel... tout ce que vous voulez. Grammaire réduite au minimum.

           

          王 王 臣 臣 (si le) roi (agit en) roi (alors le) sujet (agira en) sujet

          父 父 子子 (si le) père (agit en) père (alors le) fils (agira en) fils

           

          (maxime attribuée à Confucius)

           


          • skirlet 18 novembre 2019 17:43

            Quelques précisions sur le chinois, et quelques similitudes entre les langues asiatiques et l’espéranto.


          • Krokodilo Krokodilo 18 novembre 2019 19:40

            @L’Astronome Oui, mais souvent quand ça a l’air simple, il y a une (grosse) complication quelque part ! Les tons du chinois, c’est balèze, ça ne me paraît pas adapté à une langue de communication équitable et simple (mais pas simpliste), de même que l’anglais est plombé par sa phonétique irrationnelle et sa dialectisation.
            (Il y a qq années sur AVox, j’ai fait un article sur les difficultés relatives des langues. La comparaison comme on pèse des légumes est impossible, par contre identifier les critères qui entraînent des difficultés est facile ; les tons, phonétique irrationnelle (angl), les temps verbaux (Fr), les déclinaisons (russe), les sons particuliers, etc.


          • L'Astronome L’Astronome 19 novembre 2019 09:09

             
            @Krokodilo
             
            Je reste persuadé que, pour être un « honnête homme » du XXIe siècle, il faut outre le français sinon maîtriser du moins connaître une langue asiatique (chinois ou japonais, p.e.), une langue slave (russe, p.e.) et une langue romane (espagnol ou italien, p.e.). On peut faire l’économie de l’anglais, langue stupide et imprononçable.
             
            Outre l’agrément de pouvoir se faire comprendre sur tous les continents, c’est une bonne gymnastique mentale et ça stimule le cerveau.
             


          • Krokodilo Krokodilo 19 novembre 2019 09:24

            @L’Astronome Pour le coup, oui, il me semble qu’on est dans l’utopie. Ca me rappelle les recommandations officielles de l’UE au travers de ses rapports sur le « multilinguisme » : il faut apprendre une langue « internationale » (aka l’anglais), la langue de ses voisins (politesse), éventuellement l’allemand (premier partenaire commercial), la langue régionale (politesse et politiquement correct), pourquoi pas une autre langue internationale (aka le chinois qui monte en puissance) ... Ils ne disent rien sur le violon, le jardinage, l’informatique ! Totalement irréaliste, profonde hypocrisie pour cacher que le multilinguisme est un échec, et que l’anglais est de fait la langue de l’UE, alors même que la GB quitte le navire... C’est un sujet tabou.


          • skirlet 19 novembre 2019 14:40

            @L’Astronome
            Excusez mon indiscrétion, êtes-vous un « honnête homme » ?.. Ou au moins, avez-vous essayé de le devenir ? Car votre programme représente un très gros boulot.


          • L'Astronome L’Astronome 19 novembre 2019 18:25

             
            @Krokodilo
             
            Si vous faites l’effort d’apprendre une langue étrangère, vous pouvez en apprendre un deuxième et même, après cela, une troisième. C’est l’effet « boule de neige ». Le cerveau s’adapte à une nouvelle langue (= une nouvelle façon de penser) avec une relative aisance.
             
            N’apprendre que le globish vous enferme dans des schémas réducteurs.
             


          • Krokodilo Krokodilo 19 novembre 2019 20:10

            @L’Astronome c’est un dialogue de sourds parce qu’on ne sait pas de quoi on parle en disant « apprendre une langue. » A quel niveau ? Ce flou arrange beaucoup de monde, la preuve : il n’existe aucune étude sur le niveau en langue de tel ou tel groupe (hormis les tests d’admission type TOEFL, population bien spécifique), alors même qu’on dispose depuis quelques années d’un outil (plus ou moins fiable selon qu’il est manié honnêtement ou pas), le CECRL (cadre commun). Si on le faisait, çà on verrait que la plupart des gens qui croient parler anglais sont à un niveau très faible (comme moi), alors « apprendre » une 2e ou 3e langue... On est pas tous destinés à passer les concours de fonctionnaires de Bruxelles, ou d’interprètes.


          • L'Astronome L’Astronome 20 novembre 2019 16:45

             
            @skirlet
             
            J’étais inscrit dans un collège où l’on apprenait le latin et le grec ; en langues vivantes étrangères, on avait le choix entre l’anglais, l’espagnol ou l’allemand. Beaucoup choisissaient — dont moi — l’espagnol, en raison de la proximité de l’Espagne. En deuxième langue beaucoup optaient pour l’anglais, mais il n’était pas rare que certains optassent pour l’allemand. Et, en troisiième langue (si, si, ça existait) nous pouvions apprendre le russe. Cela ne faisait pas de nous des linguistes distingués, mais nous avions à notre disposition une jolie palette de langues.
             
            Mais il est vrai qu’« en ce temps-là » (in illo tempore), nous faisions ce qu’on appelait les « humanités ». En tout ça, en trente trente-cinq heures de cours par semaine. Comme c’est loin tout ça ! Comme la distance entre Paris et sa banlieue...
             


          • skirlet 21 novembre 2019 02:31

            @L’Astronome
            Eh oui, l’herbe était plus verte, et c’était mieux avant...
            Je rappelle pour mémoire qu’un linguiste n’est pas un didacticien, ni prof, ni traducteur, ni interprète, ni même un polyglotte : c’est une personne qui étudie les caractéristiques de langues.
            Bon, un exemple. J’ai deux langues presque à égalité (le russe et l’ukrainien), je connais (cela signifie des niveaux très variables) le français, le polonais et l’italien, encore moins l’espagnol et encore moins l’anglais, je comprends le biélorusse sans l’avoir jamais appris (intercompréhension passive), j’ai fait le latin pendant un an à l’université et j’arrive à comprendre à peu près à 30-50% les textes écrits en portugais et en catalan. Mais seules quelques langues me permettent d’avoir une communication suffisante, faute de niveau. Ceux qui disent qu’apprendre les langues est facile, sont soit les super-hyper-doués (pour l’instant, je n’en ai pas rencontré), soit ils friment en occultant sciemment les efforts qu’il ont dû consentir.
            L’espéranto, je l’ai appris par hasard, en voyant les leçons publiés dans un magazine. Quelques mois de cours par correspondance, sans locuteurs à proximité, sans radio ni Internet (y avait pô à l’époque), sans dictionnaires (j’allais les consulter sur place dans la bibliothèque régionale), avec très peu de livres... Ensuite je suis allée à une rencontre et j’étais étonnée de constater que je comprenais tout, et en deux jours je me suis mise à parler sans trop de problèmes. De plus, quelque temps après j’ai constaté que l’espéranto m’a énormément amélioré mon français que je ne pratiquais plus après l’école. C’est une langue magnifique, souple et précieuse, amusante à étudier, satisfaisante à cause de la rapidité des progrès, elle aide à étudier d’autres langues et ne prétend pas se substituer aux langues maternelles... D’ailleurs, toutes les langues, sauf les deux premières et le français scolaire, je les ai étudiés à cause de l’espéranto qui incite à s’intéresser aux autres cultures, j’avais des correspondants espérantistes de diverses origines, et j’ai voulu étudier leurs langues (pas toutes, je ne suis pas un prodige linguistique).
            Au fait, quel est votre niveau du russe ? Вы можете со мной свободно « разговаривать » без гуглопереводчика ?


          • Désintox Désintox 18 novembre 2019 20:16

            Si on avait une vraie Union Européenne, on aurait cherché une langue commune, l’espéranto étant tout indiqué.

            En s’y mettant, je me demande combien de temps il faudrait pour que toute l’Europe parle espéranto.

            Au lieu de ça, on nous impose l’anglais, alors que le RU sort de l’UE.


            • skirlet 18 novembre 2019 21:05

              @Désintox
              Si l’espéranto était présent dans les écoles à égalité avec les autres langues, ça irait très vite, car l’être humain est fait ainsi : si une chose est plus facile que l’autre, elle aura sa préférence. Quelques mois d’espéranto équivalent à quelques années d’anglais, et si à la fin du primaire ou en sixième les élèves faisaient une seule année d’espéranto en tout, il se serait vite imposé comme langue principale de communication entre les locuteurs de langues différentes.


            • Désintox Désintox 20 novembre 2019 14:55

              @skirlet

              Encore faut-il des enseignants.


            • skirlet 21 novembre 2019 02:02

              @Désintox
              C’est pas un problème. Il suffit de former les enseignants de langues pendant quelques semaines, et ils seront tout à fait aptes à enseigner les bases, la régularité de l’espéranto aidant. D’autant plus que les critères CECRL ont déjà été élaborés pour l’espéranto et agrées par l’UE.


            • pepin2pomme 19 novembre 2019 10:20

              Ĉu vi vere pensas ke esperanto havas estonecon ?


              • skirlet 19 novembre 2019 14:35

                @pepin2pomme
                Mi ne scias pri estonecon, kaj mi ne estas sinjorino Soleil por aŭguri la estontecon. « Esperanto » signifas « espero » (espoir), la espero antaŭenigis la lingvon ekde ĝia apero. Dum ekzistas esperantistoj, ekzistas espero, kaj la lingvo progresas.


              • Espero68 27 novembre 2019 15:19

                @pepin2pomme

                Esperanto jam havas historion 132 jaraĝan kaj ĝi ankoraŭ havas estantecon.

                Ankaŭ ĝi estas la “leader” el la almenaŭ 500 konstruitaj lingvoj.

                Nu, la esperanto-parolantoj ne estas kredantoj, sed esperantoj. Ni ne kredas, ni esperas je mondo kun malpli da nacia kaj imperiisma ŝovinismo, homa malsano pro kio jam Dr Zamenhof suferis.

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