@baliste
Ce
que l’on raconte sur le cannibalisme, c’est souvent des histoires de
Croyants qui projettent leurs phantasmes sur les peuples nouveaux
qu’ils découvrent.
Je
me souviens, gamin, en Afrique Équatoriale, du missionnaire qui
évoquait des êtres mi-hommes mi-bêtes qui faisaient des banquets
pour manger leurs semblables. Je savais aussi que les autorités
coloniales avaient des difficultésavec ces corps de défunts
enterrés chrétiennement, puis déterrés de nuit pour être destiné
à des rituels macabres...
La
clef, je l’ai eu lors de vacances de chasse. On passait la nuit dans
des villages en y laissant le gibier aux locaux. Et j’ai demandé aux
sages du village, qui m’ont expliqué que, bien sûr, le Dieu du
missionnaire doit être honoré. Mais pas au prix de l’abandon des
Esprits (un genre d’âme) des défunts. Car la croyance de base était
animiste. Si le corps est laissé à pourrir, l’esprit du défunt
sera emporté par le vent et il errera seul, abandonné au gré du
vent. Et c’est là que le rituel est important : les grands
muscles sont découpés en fines lamelles, qui sont mises à sécher
au-dessus du feu, au milieu de tous les rituels, chants et danses.
Puis
chaque membre du village mangera une lamelle. De la sorte, l’esprit
du défunt restera à jamais au village parmi les siens. Et le fait
de consommer ce morceau de corps n’est pas neutre : la croyance
est que chacun héritera d’une partie des qualités ET des défauts
du défunt. C’est donc aussi un acte de confiance et de générosité
vis-a-vis du défunt. Un acte de solidarité, qui crée des liens
dans la communauté.