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Traumax 9 mai 2008 17:50

Bon,

J’interviens d’habitude très peu sur les fils de comentaires d’agoravox (qui sont la plupart du temps assez peu intérressant, notamment à cause des guéguerres de ceux-ci contre ceux-là, mais c’est un autre sujet). Mais la j’suis grave vénère.

J’use les les touches de mon clavier parce que cet article, et un certain nombre de commentaires qui lui sont associés, montrent parfaitement la fracture qui existe entre le 20e et le 21e siècle. Ou plutot, entre les jeunes du 20e et ceux du 21e siècle.

Mr Villach, votre présentation m’indique que vous avez 63 ans, soit 20 ans en 1965. Epoque bénie ou les liaisons téléphoniques se faisaient grâce a de charmantes opératrices et ou la television se regardait par groupe de 12 autour d’un poste noir et blanc. Cette époque était aussi celle de la croissance a deux chiffres et du plein emploi. La jeunesse contemporaine, à laquelle j’appartiens pour encore peu de temps, vit une époque qui n’a plus rien à voir avec tout cela. Nous avons grandi avec (entre autre) Orange Mécanique, Bad Taste, ou les livres de Bret Easton Ellis. Nous avons vu des films avant de savoir lire. Nous avons écouté du rock (fort...) avant de connaitre Chopin. Nous dialoguons plus facilement avec des inconnus sur des forums qu’avec notre famille par courrier. Tout cela est peut-être regrettable, mais ce sont des faits.

Venons en aux idées, puisque j’interviens peu et que j’ai du temps à perdre cet après midi, je vais procéder point par point.

"la question qui se pose est de savoir comment un artiste peut s’avilir à ce point en se prêtant à une héroïsation aussi imbécile de prédateurs venus de la jungle."

La question se pose en effet. Peut être auriez vous pu tenter une réponse ?

Tout d’abord, la question de l’avillissement. La représentation de la violence et de ses auteurs en sujet principal d’une oeuvre est elle un avillissement ? Goya serait il tombé plus bas que terre en peignant son ogre ? J’en doute. La question de la représentation de l’abjection humaine devrait être dépassée depuis longtemps, mais ce n’est apparemment pas le cas pour les anciens et vénérables que vous représentez ici. Pour la génération dont je fais partie, l’art peut tout représenter, et doit tout représenter, le pire comme le meilleur. Refuser d’ésthétiser la violence est comme une négation de son existence. Face à la violence réelle, il nous faut son estéthisation pour nous rappeller l’ignominie du monde et des hommes. A force de voir des corps démembrés, des images de charnier ou de bombes, nous sommes vaccinés. L’art nous permet de voir la violence sous une autre facette, et ainsi de nous la rendre plus réelle encore.

"Si l’on s’en tient au dernier produit de ce groupe, « Stress », le bruitage qu’il fait passer pour de la musique, mélange le vrombissement d’un moteur à soupapes et le vacarme scandé de courroies et de pistons qui assourdit tous les jours les ouvriers d’une scierie des Vosges. "

Sachez , monsieur Villach, que la création musicale ne s’est pas arrétée avec la mort de Benny Goodman. La musique éléctronique est une des formes musicales les plus innovantes actuellement. et ce que vous qualifier de "bruit de scierie" n’en représente que la facette la plus conforme et grand public. Je n’aime pas spécialement Justice, mais en temps que musicien dilettante, je reconnais la valeur de leur travail. Et il est énorme. Allez donc écouter Venetian Snares, ou le très connu Aphex Twin pour vous rendre compte de ce qu’est réellement la musique éléctronique aujourd’hui. Par une ironie du sort, elle est le produit de ce que votre génération a expérimenté à l’âge ou les dogmes d’avant laissent place aux dogmes d’après.

Je passe sur le paragraphe suivant, si on se met a commenter des descriptions on n’en finit plus.

"L’unique préoccupation du cinéaste est la stimulation du réflexe de voyeurisme par l’exhibition du malheur d’autrui"

Bien, vous êtes donc dans le secret des dieux concernant la réalisation de ce clip ? Votre interprétation n’est pas la mienne. Ou vous voyez du voyeurisme, je vois de la compassion, suggérée par la bande, comme dans une partie de billard émotionnel. Lors du visionnage, j’ai souffert avec la petite mémé, j’ai eu peur avec la jeune fille, j’ai été humilié avec le policier. Le titre "Stress" est d’ailleur révélateur. Nous suivons l’agent du stress. Le but (celui que je perçois du moins) de ce film est de nous faire vivre le stress de l’agression, pas le plaisir de l’agresseur. Il m’apparait donc que vous n’avez rien compris au propos du film.

"On reconnaît en même temps ici le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée qui vise à crédibiliser l’information donnée en la faisant passer pour une information extorquée "

S’agissant d’une oeuvre de fiction, je vois mal comment on peut parler d’information. "Le droit de savoir", c’est de l’information. Cependant, j’ai, grâce à mon hobby professionel actuel, pu voir la réaction de jeunes face à ce clip. Des jeunes en tous points semblables à ceux du clip. Basanés, patibulaires (mais presque..), agés d’une quinzaine d’années. Ils étaient 5 à visionner le film. Un seul (qui à l’évidence n’a pas la lumière a tous les étages) a cru voir de l’information, ou une séance de happy slaping. Tous les autres n’y ont vu qu’une oeuvre de fiction, un clip comme un autre. Certains ont ri, mais pas tous. Et aucun d’eux ne m’a aggressé ensuite.

Par un audacieux renversement de la distribution manichéenne des rôles, le cinéaste croit-il vraiment faire prendre ces odieux prédateurs pour des victimes à plaindre et à secourir ?

Justement non. La ou Alex et ses droogies (Orange Mécanique) sont victimes autant que bourreaux, ici les méchants restent les méchants jusqu’au bout, dans une logique froide de constat sans jugement. Ni punition ni rédemption pour eux. Ils ne sont ni a plaindre, ni à secourir, ni à punir. Ils existent et il faut en prendre compte.

"on voudrait même inciter au port d’arme personnel pour se défendre contre une violence aussi gratuite, qu’aucune police ne peut évidemment prévenir, qu’on ne ferait pas un meilleur spot publicitaire. "

C’est préter un bien grand pouvoir à ce film et ses auteurs. Les médias de masse, et la télévision en particulier font bien mieux sur ce plan. L’histoire de Papy Voise en 2002 a surement bien aidé le chiffre d’affaire des armuriers cette année là.

Le dernier paragraphe de l’artcile est particulièrement idiot. Reprocherait on à David Halliday de ne pas avoir la puissance vocale de son père, ou à Paul Belmondo de ne pas réussir aussi bien les cascades que son père ? C’est tout simplement un raisonnement idiot d’un représentant de la génération qui n’inventera plus rien sur celle à qui il reste tant à créer.

"Mais qui, dans le public auquel s’adresse ce clip, sera assez futé pourra les percevoir ? "
 

Mais,Mr Villach, pour qui nous, et vous, prenez vous ? Nous ne sommes pas tous complètement demeurés, nous savons raisonner, nous sommes jeunes, certes inexpérimentés, mais pas moins futés pour autant. La conclusion de votre article se marie assez bien avec l’introduction de mon commentaire. Vous méprisez une jeunesse que vous avez perdue. Vous regrettez un âge d’or durant lequel on apprenait par coeur des scènes du Cid au nom de la culture générale. Cela ne vous donne pas le droit de mépriser ceux qui n’ont eu à apprendre que Le Corbeau et le Renard pour passer en sixième.

L’humanité est un cafard, la jeunesse est son ver blanc.


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