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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Rébétiko, une musique populaire avant tout

Rébétiko, une musique populaire avant tout

De la taverne enfumée, au coeur du quartier d’Omonia (Athènes), s’échappe une musique plaintive. A l’extérieur, sur une table bancale, un couple d’amoureux noie de la guimauve rose dans le raki.

Une rébétadika, un samedi en fin de journée sous une douce température, rien de mieux pour le vagabondage des sens.

Le rébétiko, musique populaire aux accents orientaux, s’est répandue dans les années 20 dans les quartiers défavorisés d’Athènes, sur le port du Pirée, et plus généralement partout où les Grecs chassés d’Asie mineure avaient pu reconstruire leur vie.

Née du côté de Smyrne, jouée clandestinement et chantée dans les tékés stambouliotes (fumeries clandestines de haschich) vers la fin du XIXe siècle, le rébétiko est une musique qui vous prend et ne vous laisse jamais insensible.

En traditionnel, ce sont des chansons sociales tristes, voire protestataires, accompagnées au bouzouki, ou au blaglama, instrument à cordes plus petit et plus rudimentaire, époque où cette musique était interdite.

Comme le blues ou le jazz, le rébétiko est une musique évolutive que le contexte social ou politique inspire et marque, en y laissant son empreinte.

A l’époque de Smyrne, les mélodies étaient plutôt lascives avec des sonorités arabo-turques. Violons et luths rivalisaient au côté d’autres instruments d’inspiration orientale.

Dans la première moitié du XXe siècle, le rébétiko prend sa tonalité rugueuse et austère et le bouzouki devient l’instrument par excellence.

Plus tard, la guitare s’électrise et le bouzouki n’échappe pas à la modernité. Pour les puristes et les radicaux, c’en est trop.

Le rébétiko traditionnel entre alors en résistance, voire en sommeil où il devient une alternative rebelle au Sirtaki, danse inepte inventée à Hollywood, où l’on casse des assiettes pour épater le touriste.

Censée exprimer le tourment, les sentiments, plus souvent plaintive qu’enjouée, cette musique, assimilée à la pauvreté, aux fumeurs de narguilé et à la délinquance des bas fonds est aujourd’hui prisée par la bourgeoisie, où elle passe maintenant pour être synonyme de culture musicale raffinée.

L’engouement pour la danse orientale aidant, les jeunes filles redécouvrent les danses associées au rébétiko, comme le tsiftétéli, très proche de la danse orientale. Renvoyant les puristes à la célébration morbide de la période austère, la jeunesse plaide pour un rébétiko plus lascif, plus festif, plus moderne.

Tandis qu’au comptoir, ces messieurs s’adonnent aux plaisirs du mezze (tapas grecs), de jolies filles gracieuses ne se font pas prier pour exécuter un petit programme court de tsiftétéli improvisé, face aux joueurs de bouzouki.

Tour à tour elles se lancent sur la piste de danse, yeux mi-clos, hanches ondoyantes, arabesques des mains, plaisir solitaire dans un lieu pourtant très fréquenté.

On comprend mieux pourquoi les réfugiés d’Asie mineure ont pris soin de ramener cette musique en Grèce avec eux.

Dans le rébétiko traditionnel, hommes et femmes dansent les yeux tournés vers le sol. Mais, aujourd’hui, il semble que les danseuses préfèrent vérifier discrètement si leur charme opère.

Comme toute musique dont les racines plongent dans l’histoire tourmentée des peuples, le rébétiko est appelé à renaître sans cesse. Composer avec les époques, s’adapter est probablement le plus sûr moyen de résister à l’usure du temps et à l’oubli.

Succomber à ses mystères et se laisser envoûter sont tout ce qu’il vous reste à faire maintenant.

Dans l’histoire : http://fr.youtube.com/watch?v=2HZeLiZ1Nac

Le film :

http://fr.youtube.com/watch?v=QR4avmuBDhY

Bouzouki évolutif et festif :

http://fr.youtube.com/watch?v=J1iL4zPImpM&feature=related


Moyenne des avis sur cet article :  4.6/5   (10 votes)




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24 réactions à cet article    


  • haddock 6 mars 2008 11:42

    Atmosphère , elle a une gueule d’ atmosphère cette musique .


    • jako jako 6 mars 2008 12:28

      Très agréable à lire merci


      • Argo Argo 6 mars 2008 13:49

        Envoûtant, merci.

        Visiblement, en grèce ils ont encore le droit de fumer dans les caboulots. La vie, la musique, l’amour... J’en sauterais presque sur mon bouzouki.


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 6 mars 2008 16:53

          Je n’ai absolument rien à dire, sauf que j’aime cette musique, la Grece, l’ouzo, le tzatziki, le café ethniki metrios et que je m’ennuie du temps ou Plaka était Plaka, où la retsina goutait encore la térebenthine et où draguer a la Place Kolonaki était une journée de bonheur... Gya sas !

           

          Pierre JC Allard


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 6 mars 2008 16:58

             @ Yohan : Je viens de voir votre profil en sortant. Quand vous aurez une minute, je vous invite à lire et à me dire ce que vous pensez de ce texte sur la main-d’oeuvre 

             

             Pierre JC Allard


          • Yohan Yohan 6 mars 2008 17:41

            La place Kolonaki est toujours aussi joliment fréquentée, je vous rassure. Et, les filles ont la pêche de Zoe (voir la video)


          • Yohan Yohan 6 mars 2008 18:02

            merci,

            Je vais lire ça à tête reposée ce soir et je vous dirai ce que je pense. J’ai parcouru le début. Ce qui se passe au Québec est en gros ce qui se passe en France. L’avenir se bouche et personne n’anticipe la manière de contrer la disparition des emplois industriels, d’autant que les emplois de service, dont on nous vante les mérites, en dépendent quelque part aussi à terme.

            Concernant la dette québecoise, j’avais cru lire que votre gouvernement y avait remédié efficacement. Qu’en est-il réellement ?

            Dans un bouquin que j’ai écrit sur les métiers, j’ai fait un reportage sur une petite PME de la plasturgie dans le 93, qui tourne encore comme une horloge, mais qui se trouve déjà devant un problème de taille : celui de la reprise de l’entreprise où le patron fondateur a plus de 72 ans. Personne à l’horizon. Voilà l’un des premiers écueils de taille : la reprise des petites PME, des petits commerces et des petits ateliers d’artisan. Car, les emplois d’aujourd’hui sont là et ils risquent de disparaitre faute de repreneur. Nos gouvernants se sont attelés à la tâche bien trop tardivement, comme souvent. Défaut d’anticipation qui coutera très cher en emploi et en richesses.

            Si mon livre vous intéresse, je veux bien vous l’envoyer (me laisser un mail ou autre)

            A +

             


          • Gazi BORAT 6 mars 2008 18:30

            @ Yohan

            Evkalisto !

            Merci pour le choix d’un tel sujet...

            Le rebetiko est indissociable d’une culture d’Istanbul qui s’éteignit dans les années cinquante, même si cette musique continue d’y être appréciée. Elle reste là bas le symbole d’un certain cosmopolitisme que la ville a perdu lors du dernier départ massif qui frappa la communauté grecque de la ville dans les années soixante.

            Ma chanteuse préférée, Roza Eshkenazi (ou rozita skinazi, selon les graphies), pouvait ainsi mêler, dans la même chanson : roumdja (grec d’Asie Mineure), turc, arabe, judeo-espagnol et... français ! A l’image des pégriots qui composaient son public et d’une Billie Holiday dont elle avait la stature, elle fut frappée des calamités de son milieu :la drogue :

            "Aksam’dan sabaha, heroini hep hayatimdir... " (Du soir jusqu’au matin, l’heroïne est toute ma vie - déclara-t-elle dans une chanson) et les amants brutaux...

            Sur les liens entre drogue et rebetiko, un lien :

            http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.cannaclopedia.be/Rebetiko_bestanden/image008.jpg&imgrefurl=http://www.cannaclopedia.be/Rebetiko.htm&h=503&w=300&sz=24&hl=fr&start=6&tbnid=DN1OVHUUrnWY6M :&tbnh=130&tbnw=78&prev=/images%3Fq%3Drebetiko%26gbv%3D2%26hl%3Dfr

            Un sous-produit du rebetiko est aussi intéressant et l’une de ses compositions a connu il y a peu un succès mondial grâce au film "Pulp Fiction" de Tarantino :

            "Misirlou"

            A l’origine une chanson des années vingt, en grec et en arabe, que popularisa Rita Abatzi,

            http://www.mlahanas.de/Greece/Portraits/ThRitaAbatzi.jpg

            Elle fut transformée en instrumental rock lorsque des musiciens grecs, lors de la vague d’émigration de la Turquie vers les côtes californiennes, s’ingénièrent à adapter des standards du rebetiko dans le goût des instrumentaux "twist" et "surf"... Misirlou est aujourd’hui bien connu mais il en existe d’autres tel un "Istanbul twist" assez Kitsch...

            A défaut d’illustrations sonores, quelques images d’un Istanbul disparu, où les Amanes Kahve permettaient alors d’oublier la dureté de la ville :

            http://www.alaturkart.com/Kampus/ser06alt.jpg

            http://www.fotografya.gen.tr/cnd/phpwcms_tmp/thumb_preview/1_2088_Sfrqkjv3x X.jpg

            http://img143.imageshack.us/img143/5131/03187c6aafd6.jpg

            http://www.fotokart.com/gg/02082004/images/araguler_3.jpg

            http://passouline.blog.lemonde.fr/files/2007/07/istanbul64.1183754860.jpg

            http://ilef.ankara.edu.tr/fotograf/galeri/data/media/43/AraGler_025.jpg

            http://www.karalahana.net/fotograf/albums/userpics/10001/ara_guler_beyoglu_ balik_pazari_1954.jpg

            http://www.rejansrestaurant.com/content/images/guncel/votka4.jpg

            La majorité de ces photos sont tirées de l’oeuvre d’Ara Güler, photographe arménien, qui continue encore aujourd’hui d’immortaliser la ville..

            gAZi bORAt


            • masuyer masuyer 6 mars 2008 20:07

              Iyi akşamlar Gazi,

              quand j’ai vu qu’il y avait un article sur le rebetiko, j’ai cru que c’était le tien. Mais j’espère que ce n’est que partie remise. L’aspecet sex,drug and rebetiko serait peut-être intéressant à approfondir, ou celui des liens entre Turquie et Grèce à travers le rebetiko.

              En tout cas merci pour les photos elles sont très belles.

              Yohan,

              merci pour cet article sur une musique que j’apprécie beaucoup, comme la plupart des musiques populaires de l’ancien empire ottoman, qui, de gré ou de force, a provoqué un fantsatique brassage de culture, qui est l’aspect moins médiatisé et pourtant bien réel et positif de cette trop fameuse "balkanisation" qui fait souvent figure exclusive d’épouvantail.


            • Gazi BORAT 7 mars 2008 06:33

              @ Masuyer

              Les liens entre Turquie et Grêce à travers le rebetiko sont effectivement intéressants à approfondir..

              A istanbul, au début des années quatre vingt dix, on ne pouvait quasiment trouver des cassettes de rebetiko que dans un quartier, celui de Kadiköy, fief étudiant d’extrème gauche, dans les petits kiosques près de l’embarcadère des vapeurs et du théatre..

              La maison d’édition qui diffusait alors une collection "rebetiko", faisait aussi figurer dans son catalogue une cassette de chants en hommage à Che Guevara (avec une version de "Commandante Che Guevara" par la chanteuse grecque Maria Santouri, ma préférée..) et des chants révolutionnaires de tous pays, y compris certains émanant du défunt PCMLF maoïste en français qui relève de l’archéologie).

              Pourquoi ce lien entre rebetiko et extrème gauche turque ?

              Le fait d’écouter, entre amis, de la musique festive, dans la langue de l’ennemi héréditaire (le Grec), constituait en soi un pied de nez aux nationalistes locaux...

              Je ne retrouve plus trace aujourd’hui de rebetiko dans le catalogue "Kalan Müzik" mais je recommande celui-ci (Istanbul 1925), où tu trouveras des sonorités proches...

              http://www.kalan.com/english/scripts/album/dispalbum.asp?id=196

              Iyi günler...

              gAZi bORAt

               


            • Gazi BORAT 7 mars 2008 06:48

              @ Masuyer

              Sur le site Kalan cité en lien plus haut, et sur l’album "Istanbul 1925", une perle à écouter en "sample" :

              "Cikar yücelerden" :

              il fut enregistré (en turc aussi), par la chanteuse de rebetikop Rita Abatzi, sous le titre "Bir Coban Kizi"

              gAZi bORAt

               


            • Gazi BORAT 7 mars 2008 08:25

              @ Masuyer

              ERRATUM :

              Sur le post plus haut, en place de "Maria Santouri", comprendre "Maria Farantouri"..

              http://fr.wikipedia.org/wiki/Maria_Farantouri

              gAZi bORAt


            • masuyer masuyer 7 mars 2008 20:47

              Teşekkür ederim Gazi.

              Tiens d’ailleurs il y aurait peut-être un créneau avec l’élection de Christofias à Chypre, non ?


            • Yohan Yohan 6 mars 2008 19:58

              @Gazi Borat

              Merci pour tous ces compléments. Je sais (depuis l’article sur les "guêpes" ) que votre culture en musique méditeranéenne et moyen orientale est ô combien pointue.

              bonne soirée


              • masuyer masuyer 6 mars 2008 21:32

                Au fait Yohan,

                j’aimerais beaucoup me procurer le film Rembetiko, mais je n’ai pas réussi à la trouver, vous avez peut-être des infos ?

                J’aime beaucoup cette scène :

                http://fr.youtube.com/watch?v=8f0HPwGqMKU&feature=related


              • Yohan Yohan 6 mars 2008 21:41

                Pas vu et pas trouvé non plus. Peut-être en scrutant les programmes des cinémathèques. Peu de chance a priori de voir ce fim à la TV.


              • Savinien 6 mars 2008 21:07

                Je suis amateur de ce genre musicale et j’espère que les guitares électriques ne viendront pas le polluer ! Si le rébétiko doit se renouveller, c’est uniquement au contact de musique tels que le tango ou le fado. Certains artistes n’hésitent pas à faire de fructueuses incursions dans ces genres cousins. Pour ce qui est de rendre "festif" le rébétiko, autant dire tout de suite qu’on veut le tuer ! Car c’est une musique fondamentalement nostalgique et pessimiste, d’où sa parenté profonde avec le tango et le fado. Une musique complétement à rebour de l’optimisme bétasse et survitaminé si cher aux américains et aussi, ne nous voilons pas la face, à des pans entiers de la jeunesse occidentale. Le rébétiko a plus à voir avec le poète Persan Omar Khayam qu’avec l’occident actuel, même si trés probablement aucune filiation n’existe entre les deux. Mais il n’est que de lire Khayam pour entendre leur parenté profonde, au-delà des formes et des contextes particuliers. Il m’arrive de réver qu’un jeune musicien perse découvre à son tour le rébétiko et se décide à mettre en musique les vers de Khayam...


                • Yohan Yohan 6 mars 2008 21:33

                  Les hybridations musicales ne sont pas systématiquement mauvaises, car souvent elles permettent à des générations de découvrir des musiques moins en vue. Ce qui compte avant tout c’est de se faire plaisir. Moi, J’aime bien les mélanges et je ne suis pas persuadé qu’en mettant sous cloche le rébétiko, on serve mieux sa cause. Personnellement, j’ai découvert le jazz des années 30 grâce au free jazz très en vogue dans les années 70.


                • Gazi BORAT 7 mars 2008 06:06

                  @ Savinien

                  "Si le rébétiko doit se renouveller, c’est uniquement au contact de musique tels que le tango ou le fado."

                  Ce n’est pas absurde...

                  On trouve des traces très nettes d’influence du tango dans certains rebetiko enregistrés en Turquie dans les années trente ou aux Etats Unis dans les années quarante.. Le "mixage" tango/rebetiko s’est déjà produit...

                  Le tango fut une musique qui se répandit internationalement en ces années... Il exsite des rééditions en CD de tangos turcs et grecs assez exceptionnels... mais hélas difficiles à trouver en France..

                  Par contre, à Londres, un disquaire chypriote a consacré sa boutique à ces musiques et son catalogue est remarquablement fourni.. Je recherche son adresse mais il me semble qu’il a un site sur le net..

                  gAZi bORAt


                • Gazi BORAT 7 mars 2008 06:40

                  @ Savinien (bis)

                  Votre lien entre le Rebetiko et l’hédonisme d’Omar Khayyam n’est pas absurde non plus.. On trouve dans l’argot des "rebets" (voyous grecs) et dans les textes des chansons des références curieuses au soufisme... Les fumeries d’opium et de haschish étaient nommées "tekke", du nom des couvents soufis.. Les "manges" (amateurs de drogue) étaient aussi nommés "darwish".. 

                  gAZi bORAt


                • tinga 7 mars 2008 01:01

                  Magnifique musique, les rares enregistrements du débuts du siècles sont sublimissimes, d’accord avec masuyer pour le coté un peu trasch des musiciens rebetiko (rebets ?), souvent un peu trafiquant d’opium et de haschich, la musique s’en ressent parfois dans le "groove" , mais la manière de jouer cette musique est perdue à jamais avec un mode de vie qui s’est évanoui.


                  • haddock 7 mars 2008 07:41

                    Trop bien ce fil .

                     

                    Merci à tous .


                    • Sandro Ferretti SANDRO 7 mars 2008 09:58

                      Camarade Yohan,

                      Alors je pars deux jours gloser devant un parterre d’étudiants avachis et endormis, et ca tire dans tous les coins. Argo qui se fait allumer par une donzelle que méme pas on la connait, Johan qui y va d’un article sur les Grecs alors que je suis allé voir les prussiens, un article sur le porno, on sait plus où donner de la .. Téte.

                      Bon je reviendrai quand j’aurai tout assimilé.

                       


                      • Yohan Yohan 8 mars 2008 22:53

                        @ Lavaddi

                        voilà de quoi vous envoûter encore

                        http://fr.youtube.com/watch?v=VYBH0OsNz5E&feature=related

                         

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