Depuis
fin 2021, la France a importé plus de 4,5 milliards de mètres cubes de
gaz naturel liquéfié (GNL) issu quasi exclusivement de gaz de schiste.
Ce gaz polluant et climaticide a notamment été acheté par le groupe
Engie, dont l’État français est l’actionnaire de référence.
Le black-out n’a pas eu lieu. Alors
que des coupures de courant massives étaient annoncées durant l’hiver
pour cause de crise énergétique, le système électrique national a été
sauvé par un climat exceptionnellement doux. Mais pas seulement. En
2022, la France a importé, plus que tout autre pays européen, du gaz
naturel liquéfié (GNL). C’est grâce à lui que des millions de foyers ont
pu se chauffer ou allumer leur gazinière sans encombre. Pourtant,
depuis des mois, le gouvernement français cherche à masquer l’origine de
la précieuse matière première.
D’après notre enquête, plusieurs
milliards de mètres cubes de GNL acheminés jusqu’en France depuis
novembre 2021 par le géant américain Cheniere Energy sont issus
directement de gaz de schiste. Et ce, alors que le gouvernement tente de
relativiser les quantités importées. Ce gaz acheté notamment par le
groupe français Engie est présent dans une roche sédimentaire — le
schiste, dont l’extraction par fracturation hydraulique est interdite en
France depuis 2011, en raison de ses conséquences désastreuses sur
l’environnement et le climat. Cette technique entraîne de graves risques
de pollution des nappes phréatiques, implique une consommation d’eau
colossale, et provoque d’importantes émissions de méthane, dont
l’empreinte carbone est supérieure d’au moins 20 % à celle du charbon.
Du sous-sol texan aux ports français
En juillet 2022, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a reconnu devant les sénateurs français que le pays importait « déjà du gaz de schiste
» avant la guerre en Ukraine et les réductions drastiques d’importation
de gaz russe. Mais la ministre s’est aussitôt empressée de relativiser
le problème : « Difficile de distinguer pour chaque provenance, pour
chaque gisement, molécule par molécule, quelle part du gaz est issue de
la fracturation hydraulique ». Certes, remonter l’origine du gaz
américain est une tâche ardue, celui-ci étant acheminé jusqu’aux côtes
américaines par de nombreux gazoducs, avant d’être refroidi pour être
transformé en GNL. Ardue, mais pas impossible.