Les élites françaises ont honte de la France
Dimanche 19 Janvier 2014 à 09:00 | Lu 93050 commentaire(s)
Propos recueillis par Bertrand Rothé
L’ancienne directrice de l’ENA, députée de l’Aisne apparentée au
groupe socialiste, livre ici un regard très critique sur le rapport des
classes dirigeantes françaises à notre nation. De sa fréquentation des
politiques à celle des élèves des grandes écoles, Marie-Françoise
Bechtel a rapporté de nombreuses anecdotes édifiantes.
Marie-Françoise Bechtel - BALTEL/SIPA
Marianne : Vous venez d’affirmer
dans un entretien publié dans l’Expansion que « la spécificité française
tient surtout à la détestation des élites envers la nation ». Pouvez-vous
préciser cette pensée et la justifier par quelques exemples ?
Marie-Françoise Bechtel :
C’est une idée qui me poursuit depuis assez longtemps. Je me souviens
l’avoir soutenue pour la première fois dans un entretien accordé à
Joseph Macé-Scaron dans le Figaro fin 2000. Je lui avais dit que j’étais
très frappée de voir à quel point les élites britanniques étaient
fières de leur nation. Aujourd’hui, pour moi, c’est plus que jamais un
constat absolu et évident. Les élites françaises ont honte de la France,
ce qui n’empêche qu’elles peuvent avoir un comportement extrêmement
arrogant, même si cela peut paraître paradoxal. Je cite souvent
l’exemple de Jean-Marie Messier. Ce pur produit des élites françaises
avait qualifié les Etats-Unis de « vraie patrie des hommes d’affaires »,
et ce, juste avant de s’y installer. Ici, le propos est chimiquement
pur. Toutes les élites ne sont pas aussi claires, mais beaucoup n’en
pensent pas moins.
Ça ne fait qu’un exemple !
M.-F.B. :
Je peux vous en trouver des dizaines. Prenons celui des grands patrons
dont les groupes investissent à l’étranger et qui se soustraient au
versement de leurs impôts en France. Vous ne pouvez pas dire que ce sont
des comportements patriotiques... Total ne paie quasiment pas d’impôts
en France. Bien sûr, à l’étranger, nombreux sont les groupes qui ont les
mêmes comportements, mais ils savent être présents quand leur pays a
besoin d’eux. Regardez aussi la façon dont on traite les commémorations
de la guerre de 1914-1918 : les élites, dont le PS, incriminent les
nations. On oublie que les peuples ne voulaient pas la guerre, et que
c’est le déni de la nation qui nous entraîne aujourd’hui dans une Europe
qui ne cesse de faire monter l’extrême droite. Autre exemple qui m’a
été raconté de première main et qui illustre ce mélange de déni et
d’arrogance. Dans les négociations européennes de 1997 à 1999, en vue de
la conclusion du traité de Nice, Pierre Moscovici, alors ministre
délégué aux Affaires européennes, avait traité les petits pays avec une
morgue incroyable, coupant la parole aux uns, leur demandant d’abréger
leur discours, exigeant que le représentant de la Belgique se taise.
C’est ce même Pierre Moscovici, toute son action le démontre, qui est
persuadé que la nation française a disparu, que nous sommes devenus une
région de la grande nébuleuse libérale et atlantisée.
Extrait de Marianne que je viens de découvrir à l’instant sur le web, mais tout un chacun a déjà fait le même constat !