• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Société > Quel avenir pour la culture populaire face à l’influence des GAFAM (...)

Quel avenir pour la culture populaire face à l’influence des GAFAM ?

L’avenir de la culture populaire agite le landerneau politique, notamment à gauche. N’a-t-on pas vu récemment le campus 2023 des socialistes à Blois lui consacrer un atelier. A l’ère numérique, il eût été difficile de ne pas interroger l’avenir de la culture populaire au prisme des GAFAM. Ces GAFAM sont-ils une chance pour notre culture populaire ou au contraire en sont-ils la malédiction ?

JPEG - 191 ko
14 juillet au champs de mars

 

Alors que les définitions de la culture populaire foisonnent, l’emprise des GAFAM est connue. Confronter le devenir de la culture populaire à ce nouveau contexte met en exergue l’exigence à repenser les politiques culturelles.

 

Quelle Culture Populaire face à quels géants du numérique ?

De quoi parlons-nous ? Définir la culture populaire est un exercice ardu, tant il existe de définitions ; presque autant que de champs d’étude. Les études historiques apportent leur définition, selon laquelle la culture populaire est la culture du peuple. Autrement dit, la culture populaire est notre culture. Elle est celle que nous partageons toutes et tous. Elle est la culture qui permet de faire nation. Elle celle qui permet le vivre ensemble. Elle éveille notre imaginaire collectif à partir d’une affirmation individuelle. Richard Méméteau dans son ouvrage Pop culture. Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités définit la culture populaire, comme un ogre qui dévorerait tout sur son passage. Difficile d’évacuer aussi vite la définition sociologique, selon laquelle la culture populaire se déterminerait par opposition à une autre culture ; par exemple, la culture populaire contre la culture bourgeoise, la culture populaire contre la culture savante. La culture populaire serait celle du dominé à l’inverse de la culture élitiste qui serait celle du dominant. Cependant, en ce début du XXIème siècle, la rupture technologique est telle qu’aux yeux de nombreux observateurs la culture populaire se définirait avant tout, comme étant la culture geek : elle serait même devenue la nouvelle culture générale. Que signifient les mots culture générale et érudition, quand les offres de contenus en ligne se bousculent derrière l’écran de nos Smartphones et que l’intelligence artificielle met en péril la profession cinématographique.

GAFAM est comme chacun sait l’acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Or, ces firmes ont des recettes financières considérables, parfois avoisinant celles d’un Etat. Pour la capitalisation boursière, Microsoft et Apple caracolent en tête avec un montant qui varie entre le PIB de la France et celui de l’Allemagne ; puis vient Google, qui se situe entre l’Espagne et l’Italie : le tout avec un chiffre d’affaires de l’ordre du trillion et un bénéfice de 250 milliards de dollars. En décembre 2022, Facebook comptait deux milliards d’utilisateurs actifs quotidiens, sans compter WhatsApp, ni Instagram. En janvier 2023, Google engrangeait 93 % du trafic des recherches. En termes d’influence, la comparaison ne fait plus guère sens ; du moins dans nos démocraties occidentales, où la liberté d’expression est un principe fondamental. La majorité des sites d’information sont consultés à travers ces deux plateformes et la propagation des œuvres artistiques est entre leurs mains.

 

Quelles politiques culturelles face au pouvoir d’influence des GAFAM ?

Les GAFAM sont toutes des entreprises américaines, situées dans la Silicon Valley ou encore à Seattle. Dès lors, comment miser sur l’identité culturelle française, plus connue sous le nom d’exception culturelle française pour favoriser la diversité dans la création artistique ? Comment atténuer le risque de standardisation des productions culturelles ? Comment préserver la liberté dans l’accès à la culture, alors que ce sont les réseaux sociaux qui dictent l’air du temps. Qui donnent le ton. Qui donnent le la. Qui sont passés maîtres dans l’art de susciter l’intérêt. Dans la nouvelle économie de l’attention, les concepteurs de ces réseaux connaissent sur le bout de leurs doigts les modèles cognitifs et comportementaux qui guident le cerveau humain. Ils sont ainsi en mesure de placer presque immanquablement leurs produits culturels, et pas toujours sans arrière-pensées financières. Ce design de l’attention a d’ailleurs été théorisé et il est enseigné à l’université de Stanford, sous le nom de captologie persuasive. Tout n’est évidemment pas à jeter dans cette numérisation de la culture populaire. Cependant, après l’enchantement des débuts qui faisait croire à une démocratisation, la complexité du sujet a ensuite induit un certain désenchantement.

Ces plateformes numériques utilisent, en effet, des techniques connues, comme le nudge (coup de coude), qui leur permettent d’appuyer nos décisions et nos choix sur la toile. Comme le souligne Laurence Devillers, professeure en informatique appliquée aux sciences sociales, nous allons parler de plus en plus aux machines, qui vont nous répondre. Nous allons dialoguer avec des objets connectées. Pourtant, ces objets ne sont pas des êtres humains, ce sont des machines et bien avisé celui qui en aura conscience ! Une expérience conduite à l’école polytechnique sur l’interface verbale homme-machine décrit bien l’exigence à fabriquer des objets éthique dans le design, afin de respecter la déontologie. L’open source et les systèmes décentralisés : blockchain, pair à pair sont à creuser. En vérité, la réponse à cette interrogation fondamentale qui est celle de la liberté dans les choix et la création culturelle ne pourra être uniquement technologique. Elle sera à trouver, notamment dans la réflexion politique. Les politiques de droite, comme de gauche se sont saisis du sujet, qui de Bruno Lemaire et de son projet de taxe GAFAM, d’Arnaud Montebourg et de son combat pour la technologie made in France, ou encore d’Emmanuel Macron qui promettait de faire contribuer les GAFAM au financement de son pass Culture.

 

Lancer une réflexion prospective s’impose, afin de repenser les politiques culturelles. En ces temps troublés dans lesquels le multilatéralisme peine à se réinventer, promouvoir les cultures locales, ainsi que le matrimoine local pourrait avoir du sens. En ce début de siècle ensanglanté, qui pourrait prétendre régler les problèmes nationaux, sans privilégier l’intérêt global ? Nous ne pouvons plus remettre à demain la conception de nouvelles manières de se cultiver ou encore de créer sur internet. Et de faire ainsi société commune.


Moyenne des avis sur cet article :  1.73/5   (22 votes)




Réagissez à l'article

9 réactions à cet article    


  • Seth 30 novembre 2023 17:33

    La définition de la culture populaire vaut le détour : "Les études historiques apportent leur définition, selon laquelle la culture populaire est la culture du peuple. Autrement dit, la culture populaire est notre culture." Hébéhébé voilavoila... smiley

    Et ça continue à enfoncer des portes ouvertes sur cette définition pourtant primordiale alors on arrête là la lecture par peur de se faire éclater le melon devant une telle profondeur et une telle urgence de la réflexion.

    Enfin, quand on est socialisse on fait ce qu’on peut. smiley


    • Montdragon Montdragon 30 novembre 2023 17:48

      Pour l’auteure l’avenir de la culture c’est déverser des milliards aux copains.

      Ça peut en faire des économies au lieu de payer des théâtreux pourris et des lanceurs de baballes.

      "Le budget global du ministère de la Culture pour 2024 Il s’élève à 11Mds€, en augmentation de 6% par rapport à 2023 : Crédits de la mission « Culture » : 4 466Mds€ (+241M€/+6%)

      "



        • pasglop 30 novembre 2023 19:04

          @Pauline Gavrilov

          A mon avis vous prenez le problème à l’envers.
          Pour avoir conscience de l’emprise d’une entité, il faut pouvoir la considérer à distance, de l’extérieur et avec le recul suffisant pour appréhender l’ampleur de sa domination.
          Or nous n’utilisons pas les GAFAM, nous sommes immergés dans les GAFAM et ce sont les GAFAM qui se servent de nous, sans que la plupart en aient conscience.
          Taxer les GAFAM en invoquant la défense d’une spécificité culturelle ne servira à rien, sinon à permettre à quelques responsables de se défausser en montrant leurs muscles.

          La technologie made in France ou made in Europe, c’est bien gentil, mais les moyens et les niveaux d’investissement requis seraient sans commune mesure avec les capacités des GAFAM.
          On échappe pas comme ça à l’hypnose...


          • Pauline Gavrilov Pauline Gavrilov 17 décembre 2023 16:15

            @pasglop

            Merci d’avoir lu et commenté ma tribune.

            Il serait difficile de considérer les GAFAM à distance, car comme vous le dîtes avec justesse nous sommes submergés par ces derniers. Par conséquent, il n’est pas possible de changer les données de l’expérience. Dans cette submersion, l’idée de prendre un angle sociétal, en considérant par exemple des travaux de Michel Desmurget La Fabrique du crétin digital ouvrirait sans doute des pistes.   Quant à moi, j’ai essayé de montrer dans ma tribune que face la complexité du sujet, il devient urgent que les Etats s’organisent enfin efficacement et que les partis politiques, entre autres, lancent des réflexions approfondies et prospectives sur le sujet, car la numérisation de la culture ne saurait rimer avec la démocratisation de la culture, sans quelques régulations.   Enfin, je vous rejoins sur la vacuité d’envisager des alternatives européennes aux GAFAM.

          • Panoramix Panoramix 30 novembre 2023 19:41

            Il ne s’agit pas tant de culture populaire (le terme fait un peu Bidochon), que de culture nationale

            La culture véhiculée par les GAFAM (et la télé, etc.), c’est la culture anglo-saxonne. Donc il faudrait remettre en selle la loi Toubon ...et demander à notre président d’utiliser le français sur les podiums internationaux

            Désormais, même les marques françaises utilisent des noms et slogans en anglais (par exemple les chaines C News, Business FM...) , c’est ça qu’il faut taxer, ainsi que la diffusion de variétés en anglais. Ça remettrait à flot le budget du ministère de la culture.


            • https://twitter.com/marcmooz/status/1730528373552599095


              Je soutiens à 1000% nos paysans et agriculteurs

              Je déteste ces politiciens, élus et autres gouvernants qui se droguent ...

              C’est courageux de la part de cette député d’apprendre aux « Français des médias classiques » ce que nous savons tous, depuis très longtemps.

              Personne ne trouve anormal que les sportifs aient des contrôles anti-dopage, anti-drogue. Un élu représente le peuple, on devrait les tester inopinément pendant la durée de leur mandat y compris et surtout le président de la République.

              Les résultats choqueront bien plus les Français encore !

              https://www.lefigaro.fr/politique/il-y-a-des-soirees-ou-de-la-drogue-circule-la-deputee-caroline-janvier-brise-le-tabou-des-stupefiants-et-de-l-alcool-en-politique-20231130


              • Parrhesia Parrhesia 6 décembre 2023 11:18

                L’informatique, puis l’I.A. sont en train de devenir, dans l’histoire du monde, ce que sont devenues toutes les autres grandes découvertes : deux outils supplémentaires in fine au services des « zélites » qui gouvernent le genre humain.

                Mais là, quels outils ! Et surtout, quelles « zélites » !!!

                Des outils dont nos « zélites » ne sont même plus capables de gérer la puissance et les conséquences, mais qu’elles développent néanmoins dans le but ignoble de dominer l’espèce humaine, en se disant que lorsqu’elles auront le pouvoir planétaire absolu, il sera toujours temps de s’occuper du pouvoir reel de l’I.A.

                Le pire étant que faute de leur avoir botté le derrière assez vigoureusement et en temps utiles, toutes « zélites » confondues, elles sont maintenant très, très près de réussir !

                A propos de « zélites », nous adressons un satisfecit particulier à monsieur Le Maire : Son idée de taxer autoritairement les GAFAM, (qui, accessoirement, sont devenus nos patrons), va sans nul doute se montrer aussi efficace que toutes les autres sur le plan socio-économique national.

                 Bien entendu, elle risque de ne pas être tout-à-fait aussi efficace que ne l’aurait été l’idée du général de Gaulle de promouvoir une industrie informatique française avec son « Plan Calcul » malheureusement suivi de l’affaire Bull.

                Idée qui aurait été sans nul doute couronnée de succès si les prédécesseurs des GAFAM n’avaient contribué à démolir le Général et la France ( avec le concours de la C.I.A., de Mitterrand, et autres clowns tristes français et étrangers)

                 !

                Idée à ce point excellente que nous sommes surpris qu’elle ne vous ait pas effleuré, connaissant l’esprit manifestement patriotique et de progrès qui anime votre gouvernement et à laquelle vous auriez pu associer avec bonheur monsieur de Montebourg !!!


                • térébenthine térébenthine 20 décembre 2023 13:44
                  Merci pour le texte.

                  Sujet fort intéressant et complexe par ailleurs. A la question qui dicte le « la » ? Plusieurs réponses s’imposent :

                  - la data
                  - le clic
                  - les USA : musique, cinéma, série etc. et ce, bien avant les GAFAM me semble t il ?

                  Les GAFAM ne semblent pas avoir d’entreprise sur le théâtre par exemple qui reste une exception culturelle française.

                  Néanmoins, les GAFAM peuvent impacter les cultures populaires, voire les renforcer, si les politiques publiques s’adaptent. Il ne faut pas y voir que des aspects négatifs. A l’instar d’uber qui a révolutionné la vente à emporter et de nouveaux modes de consommation. Les françaises et français vont toujours au resto, donc s’attablent pour festoyer.

                  Quant à l’IHM (interopérabilite homme machine), je crains pour l’avenir avec l’IA. Tous les nouveaux entrepreneurs ne jurent que par elle. J’étais chez Google assister à une présentation d’entrepreneur hier et j’ai entendu IA à toutes les épices.

                  Il faut créer une autorité qui donne des conseils à la population sur le bien ou mal fondé de telles utilisations, applications à l’instar du gouvernement qui a décidé de stopper avec WhatsApp, Telegram, TikTok etc.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité