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Algérie : L’Etat et nous

Le meilleur gouvernement est celui qui nous apprend à nous gouverner nous-mêmes. Goethe.

Il est un lieu commun de dire que la génération qui a eu le mérite historique de faire émerger la nation algérienne de la nuit coloniale et de lui réinventer une souveraineté n’a pu par contre, réussir la construction d’un Etat de droit. Et les choses sont telles que le doute est permis quant à l’aptitude de la génération suivante à le réaliser.

C’est que l’inaccomplissement de cet objectif, inscrit dans la déclaration du 1er Novembre 1954, ne relève pas d’une simple incompétence d’une génération donnée ou de gouvernants spécialement aveugles à ce type de préoccupations. L’arrière-fond culturel du pays doit être ici convoqué pour comprendre à quel point l’Etat algérien contemporain est resté comme une œuvre inachevée, évocation à la fois douloureuse et tragique du rêve de ses fondateurs.

Dans une perspective historique, l’idée nationaliste aura été l’impulsion nécessaire pour donner vie à la nation, comprise ici comme « le vouloir vivre ensemble » à l’échelle du pays tout entier et transcendant l’inertie et les clivages sociologiques traditionnels. Malheureusement, la crise actuelle montre que prés d’un demi-siècle après l’indépendance, la nation n’est pas suffisamment consolidée dans l’esprit général ; faiblesse aggravée par une « consommation » rapide, excessive et trop souvent illégitime du capital symbolique de la révolution, essentiellement par ceux-là mêmes qui ont le devoir moral d’entretenir sa mémoire.

Sans croyances collectives il n’y a pas de nation, sans nation il n’y a pas d’Etat ; du moins au sens moderne du terme. Or l’Etat algérien contemporain s’est érigé de façon consubstantielle avec l’idée nationaliste. Croyance idéelle qui est vouée à l’apaisement et au reflux, le pays étant à l’abri d’une menace directe d’une colonisation et subissant par ailleurs avec la mondialisation, l’érosion lente mais sûre de ses vanités particularistes. A défaut d’une nouvelle croyance collective forte et consensuelle qui relayera un nationalisme vieillissant, la nation s’affaiblira et entraînera l’Etat dans son sillage. Auquel cas, nous assisterons à la résurgence des identités et des atavismes ancestraux un moment estompés par l’idée et le combat nationalistes.

C’est que l’Etat est de plus en plus perçu par la communauté nationale, comme un instrument artificiel, extérieur à elle, ayant même, par certains modes de son fonctionnement, tout simplement remplacé l’administration coloniale car « plaqué » sur la réalité au lieu d’en être l’émanation. Ne reflétant pas fidèlement la « conscience collective », l’Etat reste peu légitime. Personne alors ne supporte le poids de ses obligations citoyennes envers lui, certaines attitudes prenant même une forme de déloyauté à son encontre. Il polarise par contre les enjeux de pouvoir et exacerbe les tensions car il est, malgré tout, le lieu où l’autorité politique et économique s’exerce, le centre de distribution d’une rente sans réel contrôle social.

A cet handicap, il faut rajouter deux facteurs déterminants : la conception qu’entretient l’Algérien de son rapport avec l’autorité et l’hypertrophie du lien humain, spécifique à la famille communautaire endogame. L’une idéalise le chef charismatique, Zaïm paternaliste et tout puissant ; l’autre solidarise les individus par devers la loi, érodant ainsi les principes républicains. Cela donne un pouvoir populiste et autoritariste avec un Etat faible et laxiste. L’abus de pouvoir, le refus de la démocratie, le népotisme et la corruption poussent alors comme des herbes folles sur un humus mental, meuble et fertile.

L’avenir du pays est donc incertain. Pour le moment toutes les hypothèses sont ouvertes, y compris, qu’à Dieu ne plaise, celle du délitement de la cohésion nationale avec un retour aux multiples fractures, tribales, ethniques et régionalistes qui traversent le corps de la société. Bien qu’occultées par le discours officiel, elles sont visibles ici ou là, dès que les conditions politiques locales s’y prêtent, dès que les tensions s’exacerbent.

L’Etat a, pour l’instant, compensé sa fragilité et ses perversions par une prodigalité dans la redistribution de la rente et par la répression des libertés. Qu’en sera-t-il dans deux décennies, lorsque les réserves de pétrole seront pour l’essentiel épuisées, que l’idée nationaliste aura été liquéfiée ? Il est à craindre que, si entre-temps l’Etat de droit et la démocratie n’auront pas été mis en œuvre comme ambition nationale, seul le recours à la force brutale et multiforme pourra maintenir en place les structures et les institutions du pays. Pour combien de temps le désordre inéluctable sera t-il alors contenu ?


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8 réactions à cet article    


  • JONAS JONAS 23 avril 2009 14:06

    @ L’Auteur  :

    Tant que vous ne vous débarrasserez de la Loi Coranique, comme nous nous sommes débarrassés de la Loi Biblique, vous ne pourrez pas connaître la démocratie, qui est loin d’être une panacée…  ! Mais, elle représente le moindre par rapport au pire.

    Bien à vous.


    • noop noop 23 avril 2009 14:32

      Le respect de la loi est une culture, un état d’esprit, un conditionnement...
      Sans cela pas d’Etat possible, pas de Nation. Certe il faut la puissance, la force publique, parfois dissuasive.

      Mais sans une adhésion majoritaire (plus ou moins contrainte) aux règles communes d’un côté et sans Etat de droit de l’autre, en gros sans devoir et sans droit, pas d’Etat, pas de Nation.

      En France cela est petit à petit sapé. Par les nouveaux arrivants d’une part, par le cynisme et la démission des gouvernements successifs qui n’ont plus de républicains que le nom.


      • GHEDIA Aziz Sidi KhaledI 23 avril 2009 16:18

        Bienvenue sur Agoravox mon ami du Forum Démocratique ; pas de commentaire concernant cet article : je l’ai déjà lu sur ton site.


        • Jojo 23 avril 2009 22:42

          Tiens, certains baissent apparemment. J’avais parié qu’avec votre profil et votre amour pour votre pays, vous subiriez des attaques personnelles.

          Pensez- donc, belle plume, homme politique, ex PRA donc proche de la pensée de Malek Bennabi (que ce soit ou pas le cas d’ailleurs, on ne s’arrête pas aux détails ici).

          Bennabi. Ouh là tout un programme. Philosophie, psychologie et sociologie musulmane et puis le mot clé d’entre tous : renaissance…

          Bennabi, les grands thèmes, le phénomène coranique et puis sa fâcheuse tendance à vouloir  réconcilier l’Islam avec lui-même et avec le monde…

          Bref, vous ne pouvez être qu’un dangereux islamiste, avançant masqué pour enfumer l’occident. Mais si, mais si.

          Je vous souhaite la bienvenue mais vous aurez à faire preuve de beaucoup, mais alors beaucoup de patience…

          Ne faites pas attention à Jonas et à Thierry J. Ils font partie des meubles.


          • maharadh maharadh 24 avril 2009 00:00

            @

            Soufiane DjilaliBon article , redistribution écrivez vous mais à qui ?
             La campagne électorale pour la présidentielle en Algérie a mis en veilleuse les mouvements sociaux qui promettent toutefois de resurgir immédiatement après, avec comme principale revendication l’augmentation des « salaires de singe », les plus faibles du Maghreb.
            Dans la fonction publique qui emploie 1.600.000 personnes, des syndicats de l’enseignement et de la santé ont prévu de relancer une contestation gelée pendant la campagne électorale afin de ne pas donner prise à la récupération politique, selon eux.
            « Après la trêve électorale, la protestation reprendra », a affirmé Nouar Larbi, coordinateur du Conseil national des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Cnapset), cité par le quotidien El Watan (francophone, indépendant).
            Pays le plus riche du Maghreb grâce à ses revenus pétroliers et ses 140 milliards de dollars de réserves de change, l’Algérie offre cependant des salaires moins élevés que ses voisins.
            Lorsqu’un professeur de lycée entame sa carrière avec 637 euros au Maroc ou 575 euros en Tunisie, il doit travailler pendant 15 ans pour atteindre 300 euros en Algérie. De quoi acheter un appareil ménager de moyenne gamme ou louer un petit deux pièces au centre d’Alger.
            Le sociologue Nacer Djabi parle de « salaire de singe », adaptation de l’expression « monnaie de singe ».
            « Je suis en fin de carrière et je touche 800 euros », dit à l’AFP un professeur de Sciences politiques, soulignant que « 80% des enseignants universitaires algériens habitent des appartements de 70 m2 dans des cités de banlieue ».
            Le salaire minimum est à 120 euros en Algérie contre 178 euros en Tunisie et 164 euros au Maroc. Le récent triplement du salaire des députés passé à 300.000 dinars (3.000 euros) a suscité un sentiment d’indignation dans le pays.« C’est une injustice criante », se révolte Méziane Meriane du Cnapset dans un entretien avec l’AFP. « En Algérie les salaires sont calculés de manière anarchique, sans prise en compte du niveau de vie et de l’érosion du pouvoir d’achat », dit-il en plaidant pour un SMIG à 500 euros.
            Pour l’économiste Abdelmadjid Bouzidi, ancien conseiller à la présidence, la faiblesse des salaires découle d’un « très mauvais partage des résultats de la croissance », puisque « la part revenant aux salariés va en diminuant ».
            Contrairement à ce qui passe dans d’autres pays, le salaire minimum (Smig) « n’est pas ajusté annuellement afin d’éviter une érosion du pouvoir d’achat mais lorsque le gouvernement en a envie », relève-t-il.
            Cette façon de faire « augmente la colère des salariés » donnant lieu, selon lui, à une « régulation par le conflit » et non « par la négociation ». Au final, « ça se passe comme dans un souk et les entreprises n’ont pas de visibilité ni de lisibilité ».
            Le docteur Mohamed Yousfi du Syndicat national des praticiens de la santé publique dénonce « un système qui encourage l’incompétence » et un gouvernement « en déphasage avec les élites » de l’Algérie « méprisées malgré l’aisance financière du pays ».
            Tout en reconnaissant des « investissements importants » dans les équipements, il estime que « les salaires des médecins de l’hôpital public sont inadmissibles ».
            Un médecin généraliste débute sa carrière avec 25O euros et un spécialiste de niveau bac + 12 à 450 euros. Au Maroc, ils commencent à 727 euros et 910 euros et en Tunisie à 791 euros et 935 euros.

            Mais alors à qui profite des richesses de l’Algérie , aux généraux a certains cartels politiques corrompus ?
            http://life-in-the-dead.over-blog.com/


            • Stéphane Bouleaux 24 avril 2009 10:55

              Le probleme de tous les pays du moyen orient, c’est leur point commun : l’islam.


              • abersabil abersabil 3 mai 2009 09:52

                « Le nationalisme est mort », tel est le verdict du premeir magistrat du pays lors d’une conférence à Constantine au tout début de son premier mandat, place est faite aux rapaces opportunistes de tous bords, quant à vous Mr Djilali Sofiane, vous ne pouvez pas etre différent d’un Boukrouh, la fin justifie les moyens, j’en suis meme convaincu !


                • Soufiane Djilali Soufiane Djilali 3 mai 2009 18:35

                  Merci à tous ceux qui ont réagi à l’article. J’espère pouvoir aborder d’une façon ou d’une autre les remarques qui ont été formulées par les uns et les autres dans un esprit de dialogue.
                  Quant à abersabil, je le remercie d’abord de m’avoir lu même s’il est convaincu par ses propres préjugés négatifs sur ma personne. Le célèbre neurobiologiste et prix Nobel, Henri Laborit disait : « les certitudes définitives ne sont que l’expression de l’ignorance ». L’Emir Abdelkader, dans sa « lettre aux Français » ouvrait ainsi sa préface : « Apprenez d’abord que c’est une nécessité pour l’homme intelligent de considérer les paroles prononcées et non celui qui les a dites ».
                  L’une des dimensions problématiques de l’Algérien contemporain est l’ampleur de sa frustration et du nihilisme qui en découle. Au lieu de confronter nos idées, nous esquivons le débat pour manier l’opprobre. Pour conclure, je reprend la citation de JJ Rousseau : « Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vu, J’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent, si je ne vaux pas mieux au moins suis-je autre ».

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