La ’bataille du gaz’ : un avertissement pour l’Union européenne
La « bataille du gaz » se terminera d’une manière ou d’une autre. Sans catastrophe : Poutine sait qu’il existe des lignes rouges à ne pas dépasser. Et l’Ukraine trouvera quelques poignées de dollars et d’euros pour payer plus cher son gaz... Nous sommes heureusement en une époque qui n’est plus celle de la « guerre froide »... Mais le vrai problème n’est pas financier. Il est politique, ou plutôt géopolitique et géo-stratégique.
Pour l’Union européenne, cette crise a valeur d’avertissement : toute dépendance, surtout énergétique, est une faiblesse qui peut coûter très cher. L’absence d’une vraie « Europe de l’énergie » ou d’une vraie politique européenne de l’énergie. François Loos, le ministre de l’industrie, le confiait à Relatio, voilà quelques mois, bien avant le début de la crise Moscou-Kiev : « L’énergie devrait être une priorité européenne, ou une vraie coopération renforcée. Le malheur, c’est que les visions françaises et allemandes dans ce secteur ne sont guère convergentes... Or, cette politique là ne peut que reposer sur le moteur franco-allemand ».
La crise actuelle peut provoquer de saines réflexions. Mais celles-ci ne doivent pas être que « techniques ». C’est d’impulsions politiques fortes que l’Europe a besoin. Cette « bataille du gaz » met également en relief cinq données d’importance :
1) Moscou n’hésite pas à recourir au chantage comme arme économique et politique.
2) Le Kremlin a voulu faire une démonstration de force en Ukraine, dans son « étranger proche », dans ce pays où il n’a toujours pas digéré la « Révolution orange » et où il ne désespère pas de renforcer les rapports de force lors des prochaines consultations électorales.
3) L’Union face à Moscou est divisée en deux camps très nettement séparés. Les anciens membres sont plutôt indulgents envers Poutine. On tait les critiques sur les Droits de l’Homme. On censure les critiques sur les atteintes aux libertés d’expression et aux valeurs démocratiques. On « comprend » les impératifs du « maintien de l’ordre » en Tchétchénie. On est plutôt silencieux sur les agissements des mafias russes. On se veut « compréhensifs » envers les prises de positions diplomatiques du Kremlin, sur l’Iran par exemple. Les anciens pays de l’Est qui ont rejoint l’Union restent méfiants envers ceux qui restent les héritiers du KGB, de l’Armée rouge, du pacte de Varsovie, de la puissance impériale, des « souverainetés limitées », du COMECON. Et du Goulag... Souvenirs, souvenirs : les deux Europe d’hier n’ont toujours pas de mémoire commune... et cela se manifeste tous les jours, en freinant la mise au point de positions communes.
4) Coincée entre sa sympathie pour le régime actuel de l’Ukraine et son réalisme face à Poutine, l’Union, qui reste un nain politique, est condamnée à jouer dans le registre des exhortations généreuses, des appels à la bonne volonté. C’est terrible de sentir ainsi un sentiment d’impuissance. Les 25 pleurent, prient et espèrent... C’est tout ce qu’ils peuvent faire en l’état.
5) Cette « bataille du gaz » était annoncée, donc prévisible. Or, les 25 ont été pris de court. Individuellement et collectivement. Qui disait que « gouverner, c’est prévoir » ? Un homme du passé sans doute… Pourtant il paraît que la prospective fait prospérer bien des instituts, des cabinets et des fondations… Et la France, discrètement, vient de réformer et de débaptiser son Commissariat au plan qui était un bel enfant de Jean Monnet et du général de Gaulle.
Pas très réjouissants, ces constats en ce début d’année… Il paraît que pour l’Europe, 2006 sera « l’année de l’introspection ». SOS psychanalyse : c’est l’année Freud, et les Autrichiens sont à la barre...
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