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Election d’Evo Moralès, quelles relations entre le Chili et la Bolivie ?

Après la large victoire d’Evo Moralès aux élections présidentielles boliviennes, l’une des grandes questions en suspens est la suivante : comment vont se développer les relations entre le Chili et la Bolivie ?

Il faut se souvenir que les Boliviens, dans leur ensemble, font de l’accès souverain à la mer, qu’ils ont perdu à la suite de la guerre du Pacifique, un point clé des relations bilatérales. Plusieurs fois au cours des dernières décennies, des négociations ont failli aboutir à un accord, mais il a manqué, des deux côtés, le courage politique pour faire accepter les concessions nécessaires. Quel que soit le candidat élu au Chili lors du deuxième tour le 15 janvier 2006, les relations avec la Bolivie seront l’un des points clés de sa politique extérieure. La Bolivie est en effet un pays pauvre, qui dispose de très grandes richesses, en particulier des gisements de gaz. Cette énergie fait cruellement défaut au Chili, bien trop dépendant de son voisin argentin. On peut penser que la candidate socialiste Michèle Bachelet, qui aurait l’assurance de l’appui politique du Sénat et du congrès (voir résultat des élections), aurait plus de facilité à établir des relations avec le MAS d’Evo Moralès. Mais si elle s’aventure à proposer une solution "gaz contre accès à la mer", elle devrait faire face à une opposition populiste qui n’hésiterait pas à attiser les réflexes nationalistes (et à la limite racistes) de la part des Chiliens. D’un autre côté, le candidat de la droite libérale, Sébastien Piñera, aurait lui aussi à faire face à une partie de la droite nationaliste, qui officiellement le soutient, mais il pourrait compter sur une alliance pragmatique avec le congrès élu en décembre.
Une alternative à la mondialisation ?
En tous les cas, quel que soit le candidat élu, il devra s’attendre à une période de grandes turbulences et savoir naviguer entre les deux blocs qui se font face : d’un côté, le géant américain, qui compte (peut-être pour peu de temps encore) sur son allié mexicain, les pays d’Amérique centrale, le Paraguay et la Colombie, et de l’autre, l’alliance du Vénézuela, de la Bolivie, de Cuba, du Pérou et dans une moindre mesure du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay, tous passés à gauche récemment,, et qui ont ensemble la volonté d’explorer des alternatives à la mondialisation libérale. Les autres possibilités seraient que le futur chef de l’État choisisse l’un des deux camps, ou convertisse le Chili en point de rencontre entre ces deux blocs. Jusqu’ici, il n’en a pas été question dans la campagne électorale.
Sur le même sujet :
Chili Bolivie : ça se réchauffe
Pour ceux qui lisent l’espagnol, je ne peux que vous recommander la lecture de l’excellent article de l’écrivain bolivien Edmundo Paz Soldan paru dans le journal espagnol El país et retranscrit ici sur le blog de Libardo Buitrago :
L’écrivain y explique comment les Indiens ont été maltraités, encore très récemment, dans ce pays. Dans les années quarante, les pongos étaient condamnés à la servitude la plus humiliante. Les familles des élites les offraient à leurs enfants pour qu’ils se chargent de toutes les nécessités de ces petits privilégiés. Les pongos devaient dormir à même le sol, près de la porte de la chambre, au cas où par hasard le patron se réveillerait à trois heures du matin et demanderait un verre d’eau. C’étaient les pongos qui étaient chargés d’apporter dans leurs mains les excréments de lama nécessaires pour créer un bon feu dans la cuisine (...)
Il y compare la situation insurrectionnelle de la Bolivie actuelle à la période de l’unification italienne dirigée par Garibaldi : Un secteur de la classe moyenne et de l’élite observe le processus historique en Bolivie de la même manière que le faisaient le prince Fabrice et son neveu Tancredi dans une nouvelle de Lampedusa, qui se déroule dans la Sicile de 1860. Il était clair que l’aristocratie devait céder ses positions devant l’imminente unification de l’Italie. Le triomphe de Garibaldi signifiait aussi le triomphe des classes populaires. Le prince regardait cela avec scepticisme, son neveu, admirateur de Garibaldi, essayait de tirer parti de la nouvelle situation en disant "certaines choses doivent changer pour que tout reste égal".
Il y explique aussi pourquoi une majorité de Boliviens se félicite de l’arrivée au pouvoir de Moralès. "Ceux qui, en 1993, voyaient avec terreur la possibilité qu’un Indien aymara, Víctor Hugo Cárdenas, accède à la présidence, s’appuient aujourd’hui sur les préceptes indigènes "ne pas mentir, ne pas tuer, ne pas voler", et pensent qu’avec Evo se terminera la période du pillage qui a caractérisé les vingt dernières années. Pour ceux-là, cette ascension n’est pas tant une vertu d’Evo, que le résultat de la débâcle économique des derniers dirigeants. Pour d’autres, il s’agit d’un destin historique : si les Indiens représentent 60 % des habitants du pays, il est normal qu’un jour ou l’autre ils doivent le diriger. Evo apparaît au moment adéquat, quand le pays est suffisamment mûr pour assumer l’idée d’un président indigène."


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6 réactions à cet article    


  • Esperanza (---.---.143.152) 22 décembre 2005 21:55

    En complément à votre article très intéressant voici un lien vers la chronique (d’essence impérialiste)d’Alexandre Adler consacrée à l’élection d’Evo Morales [ http://www.radiofrance.fr/listen.php?file=/chaines/france-culture/chroniques/adler/adler_20051220.ra ] avec le logiciel RealPlayer). Extraits :

    "CETTE FACON DE NE PAS PRENDRE AU SERIEUX L’AMERIQUE LATIEN EST EN TRAIN DE SE TERMINER. EN REALITE L’ELECTION D’EVO MORALES EN BOLIVIE EST UN JOUR NOIR DANS L’HISTOIRE DE L’AMERIQUE LATINE ET DANS L’HISTOIRE DU MONDE"

    ADLER reconnaît toutefois "QU’IL EST INCONTESTABLE QUE CETTE VICTOIRE A ETE OBTENUE REGULIEREMENT AVEC TOUTE LA MOBILSATION DE LA POPULATION INDIENNE« , tout en croyant judicieux de préciser que cette élection a été acquise »à l’arrachée" : alors que jamais un candidat à la présidence n’a été élu avec plus de 50% des voix en Bolivie ( si les informations dont je dispose sur ce point sont exactes) les élections se déroulant sur un tour. Précisons qu’au moment de ladite chronique Morales était donné aux alentours de 50%. Désormais, après dépouillement de 93% des bulletins de vote, on s’achemine vers un succés à plus de 54% [ http://www.ledevoir.com/2005/12/22/98221.html ] ! Avec une participation de 85% supérieure aux scrutins précédents (à noter que le vote est obligatoire) !

    La conclusion d’Alexandre Adler. "NOUS AVONS UN INCENDIE CONTINENTAL (VENEZUELA, CUBA, BOLIVIE, PEROU, MENACE SUR L’ARGETINE ET LE BRESIL) ; POUR LES AMERICAINS QUI SONT DEJA FORT OCCUPES EN IRAK, C’EST, NE NOUS LE DISSIMULONS NULLEMENT, UN SECOND FRONT QUI S’OUVRE."


    • Emile Red (---.---.77.239) 23 décembre 2005 13:18

      Il est triste de constater que des pseudo-journalistes comme Adler ont micro ouvert sur les antennes nationales.

      Ce pauvre homme a toujours roulé pour les USA et Bush en particulier.

      C’est navrant de voir cet attachement canin au pouvoir outre-atlantique, au fil de ses émissions.


    • Plutot mort qu ’objectif (---.---.28.210) 27 décembre 2005 10:01

      Un des pays possédant de gros investissements en Bolivie est :

      Le BRESIL aujourdhui gouverné par un gauchiste anti alter ....

      Il sera intéressant de voir comment il réagit aux éventuelles nationalisations !!!

      A suivre Messieurs les donneurs de leçons de bonnes gestions !!!! qui ont toujours montré dans le passé qu ils étaient incapables de réussir sauf MAO peut etre !!


      • Plutot mort que libéral (---.---.28.210) 27 décembre 2005 10:07

        Si le pétrole se stabilise :

        Le Vénézuela aura assez de fric pour aider a la révolution !

        Si il baisse :

        Tout s’écroule très vite !moins de 6 mois .

        Donc le Vénézuela et les révolutionnaires ont intéret a ce que la guerre continue en Irak !!


      • Daniel Bainville-Latour (---.---.235.151) 23 janvier 2006 22:27

        Evo Morales, à peine élu, se révèle un personnage ambigü qui résiste à la simple analyse - appelons la para-marxiste - à laquelle nous sommes habitués.

        Certes, il est communément présenté comme le représentant des pauvres qui a triomphé des riches possédants, les pauvres étant les Indiens, les riches, les descendants des colons et qui constituaient jusqu’ici l’oligarchie .

        Un fait semble négligé : la veille de son accession à la présidence, Morales est allé se placer sous la bénédiction non de Karl Marx ou de Lénine, mais des divinités pré-incaïques.

        S’agit-il d’un geste purement symbolique - folklorique , pourrait-on dire - et sans portée ou est-ce le signal d’un réveil de l’indianité qui pourrait substantiellement modifier la donne en Amérique latine ?

        Les premières intentions exprimées de rendre aux Boliviens les richesses de leur pays sont plus nationalistes que réellement socialistes. Nationaliser n’est pas - forcément - collectiviser. Et même, collectiviser peut n’être qu’une étape.

        Un autre symbole est que Morales, voulant rompre avec le protocole « colonial » du costume-cravate, n’a pas pour autant revêtu, une tenue « prolétarienne » ( tenue de mineur ou poncho de paysan ) mais un pull en alpaga représentant une production-phare du pays.

        Il parait donc difficile de conjecturer les perspectives des relations de la Bolivie avec les états voisins au travers des repères classiques, le Chili ou les autres.

        Si une plus grande hostilité à l’impérialisme « yanqui » peut rapprocher les nouveaux élus chiliens et boliviens dans un premier temps, l’émertgence de l’indianité pourrait être un facteur nouveau et inattendu, modifiant entièrement la donne issue de confrontations entre les oligarchies « européennes » des deux pays.

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