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Une journée à la forest-school

La météo n’était pas très bonne ce 18 décembre et de la pluie était annoncée, mais ce n’est pas un problème ici dans le sud Bretagne où la règle des pays scandinaves « Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais équipements » est bien connue. En nous équipant, justement, j’ai pensé aux sorties spéléo qu’on faisait dans les années 80 en camp de vacances avec les jeunes de Ris Orangis. Un pantalon imperméable par-dessus l’autre, avec une veste tout aussi imperméable, des bottes, un bonnet à la place du casque et nous voilà pratiquement à l’abri de tout.

Parents et enfants ensemble

Les bruyants vols de choucas se succèdent dans le ciel nuageux et à partir de 10h les activités commencent. Le matin est consacré aux enfants de zéro à six ans. Dire « zéro » n’est pas exagéré, il y a effectivement un papa qui se baladera toute la matinée avec son bébé dans un porte bébé sur son ventre. Pour cette gamme d’âges, les parents vivent les expériences proposées ou celles qui se présentent avec leurs enfants. L’action pédagogique s’adresse autant aux parents qu’aux enfants et il faudrait ajouter les stagiaires du lycée agricole d’à côté. Noémie à fait plus d’une heure de route, elle vient du coté de Brest avec sa fille, une habitué et sa nièce qui n’a pas encore 2 ans, d’autres parents ont fait 40 minutes de voiture ou davantage.

Multiples ateliers

Toutes et tous réunis en cercle assis sur des troncs autour du feu, nous avons commencé par une histoire qu’a lue Julie dans un livre illustré. L’histoire avait comme personnage principal une petite fée, Il y était aussi question d’un pic vert qui se servait de son bec comme d’un marteau piqueur pour percer la glace et comme ça arrangeait bien les autres animaux de la forêt. Puis les activités en ateliers ont commencé. Celle qui a réuni le plus de monde consistait à créer des petites fées, comme celle de l’histoire, à partir de laine brute ou colorée, qui pouvait à l’aide d’aiguilles, être feutrée. En fin d’activité les petites fées seront accrochées aux branches du chêne à coté. Ici un enfant seul et très concentré perfore une feuille morte avec des emportes pièces aux formes de cœur, lune, empreinte, lapin… là on s’amuse à remplir des récipients à la rivière pour transvaser l’eau ensuite d’une tasse à une soupière puis le contraire ; là encore le sujet principal c’est de marcher dans une mare dont on ne voit pas le fond… Dans cette proximité permanente de l’eau, du feu, du froid, de la boue… à aucun moment, je n’ai vu de parent sur le qui-vive, à aucun moment je n’ai vu d’enfant avoir froid et encore moins se plaindre du froid. Je n’ai vu qu’enthousiasme et concentration à des activités dans une bonne entente… comme ils ont du bien dormir après ça !

On y entend 5 langues

Francine une néerlandaise habite Crozon à 40 minutes, elle vient depuis plus d’un an avec sa fille. Elle est arrivée récemment en Bretagne et cherchait dans sa campagne une activité pour son enfant comme il y en a tant dans son pays, elle a trouvé la forest-school « Autour du feu  » là où nous sommes, par le canal d’un groupe Facebook sur l’instruction en famille. Il y a aussi une mexicaine et une chinoise et exceptionnellement ce jour-la, l’américaine n’est pas venue. J’ai donc entendu parler quatre langues ce matin-la dans le fin fond de la Bretagne et j’aurais pu en entendre une cinquième. Bien plus riche qu’on croit ce pays. Elle se fait là aussi la mondialisation. Celle-ci n’est ni virtuelle, ni commerciale, ni belliqueuse, elle n’est qu’ouverture, joie de se rencontrer et d’échanger autour des enfants qui s’affairent librement. Elle est sociale. C’est aussi la France de demain qui se construit ici, un bénéfice collatéral que j’étais bien loin d’imaginer en arrivant.

Les pépites

Le temps est passé si vite. Il n’y pas eu de pause dans les activités et déjà c’est midi et l’heure de bientôt se quitter. On se retrouve en cercle sur nos troncs et on se dit à tour de rôle notre pépite de la matinée, c’est ce qu’on a le plus aimé, puis nous chantons une petite chanson bien connue des enfants. Des liens se sont créés ou renforcés entre les un.e.s et les autres. Il y a de l’amitié ici quand ce n’est pas une tendre complicité entre les participant.e.s, c’est palpable. Gâteau au chocolat, biscuits de Noël, bâtonnets de carottes, jus de pomme…les mamans et certains papas peut-être, ont apporté de quoi faire un formidable goûter. Comme ils sont arrivés, les groupes parentaux s’en vont chacun à leur rythme, nous embarquons le matériel, la prairie retrouve son calme facilement, il a été à peine perturbé.

Des enfants chez eux

La deuxième partie de la journée a été consacrée aux 6-13 ans. Là il n’y a pas les parents. Je n’oublierai pas cette première image de l’après midi, de cet enfant haut comme trois pommes courant seul dans la prairie, sous le ciel gris pour rejoindre le point de rendez-vous dans le bois. Les enfants sont chez eux ici, ils sont heureux de retrouver Julie et les parents peuvent en toute confiance les laisser aller seul rejoindre le groupe depuis le parking et retourner à leurs occupations. La confiance règne.

Voir des chevreuils ?

Après un rituel d’ouverture semblable à celui du matin nous avons constitué deux groupes. Il y a eu le groupe « aventure » le plus nombreux et le groupe « rennes ». Pour le premier il s’agissait de partir dans la campagne environnante sans but précis et pour l’autre de créer des rennes, nous sommes en pleine période de Noël, avec bois, scies et perceuse. En cercle, pieds contre pieds après s’être écarté un peu, le groupe aventure s’est remis en tête les principales règles à appliquer, pour ne pas se perdre, ne pas se mettre en danger, ne pas effrayer les bêtes ou dégrader la nature. Julie a même dit que si nous voulions voir des chevreuils, il fallait être silencieux… et moi de par vers moi qui pensais « à une douzaine que nous sommes avec ces lascars en plus, aucune chance »…

En traversant « la mer de ronce »

La suite prouva que j’avais tord. Julie nous a proposé de rentrer dans la « mer de ronces », le mot n’est pas trop fort, nous avons fait fit des chemins, les enfants se réjouissaient de découvrir des « clairières » où enfin nos jambes n’étaient plus empêtrées, ils ont découvert des cabanes naturelles formées sous des arbres couverts de mousse… Nous n’étions pas partis depuis dix minutes que j’attendais crier « chevreuil ». Presque tous l’ont vu. Après il y a eu la découverte d’un arbre chargé de lierre et tombé récemment près du bouillonnant ruisseau, il y a eu Julie qui nous a appris à faire un bateau avec un jonc, il y a eu l’épisode mange bottes (quand la boue retient la botte prisonnière), des observations de mousse, de champignons…

Un héroïque stagiaire

Et puis il y a eu Lucas le stagiaire, 15 ans, qui a trouvé une vielle tente pourrie sur son chemin dans le bois et sans que personne ne lui demande rien l’a trimballée pendant plus d’une heure pour en débarrasser l’environnement. Pour 16h nous étions de retour heureux de retrouver les autres et déçus de n’avoir pas eu le temps de pousser plus loin l’aventure. On a admiré les rennes, les parents ont commencés à apparaitre, on s’est régalé de chamallows rôtis au feu au bout d’une pique en bois… après le rituel de fin, la prairie s’est à nouveau vidée et avec les stagiaires, nous avons ramassé le matériel dans les brouettes.

Jamais froid

La pluie ? Oui il y en a eu, mais je crois que parmi nous personne n’y a pensé. Je n’ai pas eu froid, je n’ai jamais eu la sensation de n’être pas à ma place alors que l’ambiance était au vent et aux averses et c’est clair, il en était de même pour les enfants les jeunes et les adultes qui ont vécu ça. Quel doux usage des jours !

Un vrai sujet de société

Vivre ce que j’ai vécu ce 18 décembre est une expérience exceptionnelle, comment ne pas vouloir que tous les enfants, tous les parents, y aient accès. C’est là le plus sûrement que nous les humains, nous qui formons le corps social tous âges réunis, nous tissons ce sentiment d’accord indispensable que nous avons à créer en nous, avec nous-mêmes, avec les autres, avec la nature. Les acteurs de l’éducation à l’environnement de Bourgogne Franche-Comté ont créé une excellente vidéo qui donne la parole aux enseignantes du public qui vivent avec les élèves des expériences de nature en forêt toutes les semaines. « J’essaie de ne pas leur enseigner » dit une enseignante finlandaise, elle qui a compris tout l’intérêt du jeu libre, et s’exprime aussi dans le tout nouveau et très intéressant film de Claire Boulch qui nous éclaire sur l’expérience des forests-chools, qui là-bas est déjà ancienne et institutionnalisée. J’ai eu la chance de participer le lendemain à une soirée ciné-débat à Plozévet dans la baie d’Audierne. Soixante dix personnes dont deux maires sont venus voir le film de Claire dans la salle municipale et discuter de cette action concrète pour le bien des enfants et de nous tous. Le débat a duré… donner droit à tous à ces expériences, c’est aujourd’hui un vrai sujet de société.

Documents joints à cet article

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10 réactions à cet article    


  • ZenZoe ZenZoe 2 janvier 2020 15:46

    « Celle qui a réuni le plus de monde consistait à créer des petites fées, comme celle de l’histoire, à partir de laine brute ou colorée, qui pouvait à l’aide d’aiguilles, être feutrée. En fin d’activité les petites fées seront accrochées aux branches du chêne à coté. … »

    Mon dieu mon dieu, c’est quoi ces activités pour débiles ? C’est quoi l’idée, déranger encore plus les hôtes légitimes des forêts avec des ateliers à la c... ? Elles ne sont pas déjà assez polluées comme ça les forêts, et ne peut-on envisager de se faire aussi peu nuisibles que possible, par exemple en observant et en respirant, juste ça, observer et respirer ?

    Vous avez enlevé vos ’’petites fées’’ des chênes au moins en partant ? Non ? Bouffons va, lisez plutôt le magnifique livre de Peter Wohlleben, La Vie secrète des arbres. Sublime !


    • JC_Lavau JC_Lavau 2 janvier 2020 19:46

      « la forest-school ». Ah ! L’amour de la langue française !


      • Old Dan 3 janvier 2020 04:44

        Un souvenir de gosses en Décembre probablement inoubliable...

        .

        [ ... bien plus qu’une image d’écran ! ]


        • nono le simplet 3 janvier 2020 07:06

          joli reportage


          • Roland Gérard Roland Gérard 5 janvier 2020 16:26

            @nono le simplet merci à vous.


          • Désintox Désintox 3 janvier 2020 12:12

            Merci pour cet article.


            • Roland Gérard Roland Gérard 5 janvier 2020 16:25

              @Désintox merci à vous... on a du chemin...


            • le-sauvage 5 janvier 2020 00:59

              Merci Roland pour cet article bien illustré qui nous permet de nous projeter dans l’action avec ces personnes.

              J’approuverais si on me le demandais, que soit développé dans ma ville ce type d’expérience. J’y vois une occasion unique de reconnecter l’humain avec sa matrice. Rien que pour ça c’est essentiel de sortir en foret. Plus on s’éloignera du réel, et plus on s’éloignera de l’humain en nous. La nature est un bain de réel...Il devient de plus en plus délicat de s’immerger dans cet environnement qui nous parait désormais hostile. Nos sociétés vivent dans une bulle artificielle où la nature n’a pas sa place et c’est pour cela que nous la détruisons ou plutot, que nous l’« aménageons » pour la « civiliser ». Le risque c’est que lorsque la bulle explosera (elle se fissure déjà), nous ayons trop perdu d’humanité pour nous relever. Voilà pourquoi, les forest school sont une chance de maintenir un lien minimum avec la nature hors de la bulle. Le simple fait de sortir de l’école, de la maison ou des écrans, est déjà un énorme effort. Il faudra du temps pour que cela devienne un plaisir, voir...un besoin. 


              • JC_Lavau JC_Lavau 5 janvier 2020 22:20

                @le-sauvage : « les forest school sont une chance de maintenir un lien minimum avec la »... langue française ?
                 smiley
                « voir...un besoin »
                 smiley


              • Roland Gérard Roland Gérard 5 janvier 2020 16:25

                merci pour votre précieux soutien.

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