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Sport : le K-O en boxe professionnelle

Dimanche 12 mai 2024, le boxeur anglais Sherif Lawaf dispute son premier combat professionnel au Harrow Leisure Center of London dans la catégorie des poids moyens. Ce combat est le premier de la soirée. Au quatrième round Sherif Lawal s'écroule après avoir reçu un coup de son adversaire portugais Malam Valera. Le jeune boxeur âgé de 29 ans est mort sur le coup. L'année précédente, Kenneth Egano, un boxeur professionnel Philippin, poids-plume, est décédé quatre jours victime d'une hémorragie cérébrale après avoir remporté le combat de huit rounds contre Jason Facularin. Le boxeur âgé de 22 ans s'était évanoui juste avant la proclamation de sa victoire. En 2022, Simiso Bethelezi était décédé dans des circonstances similaires. Six-cent-cinquante neuf boxeurs sont décédés entre 1918 et 1997.

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Le cerveau règle et coordonne tous les mouvements volontaires et involontaires. Le cervelet maintient l'équilibre et coordonne les activités musculaires. Il reçoit les informations provenant des tendons musculaires et des canaux semi-circulaires de l'oreille interne par ses connexions avec le tronc cérébral. Les mouvements peuvent être commandés volontairement, mais les fonctions vitales : respiration, tension artérielle, rythme cardiaque s'effectuent inconsciemment par le biais du système nerveux végétatif ou autonome.

L'encéphale (cerveau, cervelet, tronc cérébral) est protégé par la boîte crânienne et le liquide céphalo-rachidien (LCR). Les crochets ou uppercuts, principalement, provoquent une violente rotation de la tête, le cerveau vient heurter la face interne du crâne ; les muscles et tendons de la nuque et du cou limitent le mouvement et s'opposent brusquement au mouvement de la tête, le cerveau entre en résonance comme une « cloche » (le LCR est incomprésible). Les différentes parties de l'encéphale étant de masse et densité différentes, il en résulte un effet de cisaillement ou de déchirement qui peuvent être à l'origine d'altérations microscopiques (syndrome du bébé secoué). Les centres d'équilibre : œil, oreille interne et faisceaux cérébro-vasculaires du cou ne transmettent plus d'informations aux centres nerveux contrôlant le tonus des muscles et la coordination des mouvements. C'est le knock-out. Les lobes frontaux et temporaux sont particulièrement vulnérables.

Le corps humain ne peut se soustraire à la biomécanique (mécanismes qui mobilisent la force musculaire et l'amplitude articulaire). C'est au XVII° siècle que Giovanni Alfonso Boselli démontre que les os agissent comme des leviers contrôlés par les muscles. Le rachis cervical permet 4 types de mouvements : flexion avec amplitude de 47 à 70° et extension 53 à 80° - inclinaison latérale, amplitude 30 à 35° de chaque côté - rotation axiale 35 à 50° de chaque côté - rotation combinée : rotation et inclinaison, rotation opposée à l'inclinaison.

« La commotion est définie comme une altération transitoire et réversible. Les lésions cérébrales et sequelles neurologiques graves ne font pas partie de la commotion cérébrale » (handicap temporaire). Si moins de 20 % des boxeurs perdent connaissance par K-O, la majorité de ceux qui n'ont pas subi de KO vont présenter, selon la région atteinte, des symptômes de durée variable  : confusion, amnésie, vertiges, céphalées, sensation d'avoir été « sonné », vision trouble, sensibilité à la lumière et aux bruits, troubles de l'équilibre, vomissements, nausées, acouphènes, perte d'odorat, perte de lucidité, difficultés de concentration, somnolence, difficultés d'endormissement, fatigue, irritabilité, sautes d'humeur, douleurs cervicales, et souvent un œdème cérébral mineur... « Les signes disparaissent dans 80 % des cas, mais peuvent persister de 15 minutes à toute une vie. (...) On ne connaît pas le caractère de gravité à long terme de ce type d’évènements  » Pr Chermann.

La plupart des sportifs finissent par se rétablir d'une commotion cérébrale, mais environ 3 % ayant présenté des commotions multiples (même transitoires) développent une encéphalopathie traumatique chronique (démence pugilistique). Les symptômes et séquelles sont très liés à la susceptibilité individuelle. En clair, nous ne somme pas tous égaux face aux coups de poing. L'encéphalopathie traumatique chronique provoque un dysfonctionnement cérébral évolutif conduisant généralement à la mort dans les 10 à 15 ans de la présentation initiale.

Le K-O cérébral n’est pas le seul ; le K-O neurovégétatif : « quand un choc provoque un impact sur les nerfs et le système nerveux, ce qui les stimule suffisamment pour entraîner un malaise vagal » (coup au foie ou au plexus solaire) ; le KO vasculaire fait suite à un choc sur une artère comme la carotide dans le cou et qui empêche le sang de circuler jusqu’au cerveau. Le sang arrive au cerveau par les deux carotides et les deux artères vertébrales reliées entre elles à la base du cerveau. Si une voie présente un déficit, les trois autres le compensent. Il existe deux types d'AVC, l'hémorragie cérébrale, rupture d'un vaisseau sanguin, et l'ischémie cérébrale, un vaisseau sanguin se bouche. Si l'artère méningée est touchée, une hémorragie massive peut provoquer une compression de l'encéphale. « Toute augmentation de volume due à un œdème ou à un hématome intracrânien n'a aucune place pour se développer augmente donc la pression intracrânienne. (...) Les ecchymoses après un traumatisme fermé peuvent affecter de nombreuses fonctions cérébrales, selon la taille de la contusion et sa topographie ».

Les sportifs ayant présenté des symptômes ou des signes d'une commotion cérébrale doivent s'abstenir de poursuivre la rencontre et suspendre : la conduite, l'alcool, jeux vidéo (stimulation cérébrale) et l'effort physique. « Les sportifs sont particulièrement vulnérables si la blessure de répétition se produit avant qu'ils aient complètement récupéré d'une commotion cérébrale précédente. Les sportifs qui ont souffert d'une commotion cérébrale sont 2 à 4 fois plus susceptibles de souffrir d'une autre commotion. Dans le syndrome du second choc, une complication rare mais grave, un gonflement aigu et souvent mortel du cerveau se produit lorsqu'une deuxième commotion cérébrale survient avant la guérison complète d'une commotion cérébrale antérieure. On suppose que la congestion vasculaire entraîne une augmentation rapide de la pression intracrânienne difficile ou impossible à contrôler. La mortalité est proche de 50 % ».

Les professionnels de la boxe anglaise sont classés en 18 catégories, de paille, moins de 47,128 kg (105 livres), à lourds plus de 90,718 kg (200 livres). Il est de coutume de dire que les lourds portent une vingtaine de coups par round, et que les légers sont plus techniques, plus mobiles et plus rapides. Ce n'est pas toujours la réalité. Cassius Clay, très mobile, pouvait enchaîner une vingtaine de coups sur un court laps de temps ! L'importance du choc « encaissé » dépend de : la surface frappante (dureté, aire, masse, protections), l'endroit atteint, la vitesse, la distance, durée de l'impact (environ 10 ms), les directions (adversaire qui avance, recul ou esquive), l'allonge, expiration à l'impact, appuis et adhérence au sol, rigidité des segments (épaule, coude, poignet), centre de gravité, rotation des hanches et épaules pour venir amplifier le mouvement.

Des chercheurs ont placé un dynamomètre tri-axial à quatre capteurs sur un mannequin simulant le tronc et la tête d'un boxeur pour évaluer la force de frappe de 23 boxeurs de même catégorie, mais de niveaux différents (haut niveau, intermédiaires et débutants) délivrant des directs du droit et du gauche. Les forces de frappe : boxeurs de haut niveau 4800 N, intermédiaires 3722 N, débutant 2381 N pour le bras arrière, et 2847 N, 2283 N, et 1604 N pour le bras avant (Samir Chadi 2007).

Selon le poids du boxeur et les segments mobilisés pour porter un coup, on peut estimer la masse frappante. Coefficient de Winter : membre de avant-bras, segments coude / poignet 0,016 - bras, épaule / coude 0,028 - membre supérieur épaule /poignet 0,05. L'avant-bras d'un boxeur de 70 kg, par exemple, a une masse de 1,12 kg (70 x 0,016). Cela permet d'avoir une idée de la puissance d'un crochet, d'n uppercut pour frapper la pointe du menton (KO), d'un swing pour frapper la tempe (KO) ou du direct pour frapper le nez ou éclater les arcades sourcilières. Sachant que l'énergie cinétique est égale à 1/2 m.V2 et que la vitesse d'un coup de poing peut atteindre 14 m/sec, imaginez la puissance de frappe d'un poids-lourd... Pour être tout à fait exact, il faut prendre en compte le recul de la zone frappée (amortissement, décélération). La « tolérance » d'un choc avant-arrière pour le cou est de 2500 N (la flexion maximale entre l'occipital et C1 est de 15 °), et entre 1500 et 2500 N pour la tête.

Renforcer les muscles et la mobilité du cou permettent d'absorber les chocs et de réduire le risque de commotions. L’ensemble de ces muscles s’articule autour de la colonne cervicale formée des 7 vertèbres cervicales séparées par des disques cartilagineux, et reliées entre elles par des ligaments et des tendons. Particulièrement concernés : les trapèzes qui recouvrent la nuque et les épaules (mouvements d’élévation, de rétraction et de rotation de la tête) - Les splénius (inclinaison latérale) - Les semi-épineux (extension et inclinaison) - Le sterno-cléido-mastoïdien le plus visible sur les côtés du cou (inclinaison et la rotation).

Au début des années soixante-dix, les neurochirurgiens de Glasgow ont mis au point un score pour évaluer la profondeur d'un coma (état de conscience plus ou moins profond, momentané ou définitif. La victime perd conscience, sensibilité et mobilité, mais ses fonctions vitales sont maintenues).

1 à 4 points selon qu'il y ait ou pas ouverture des yeux ;

1 à 5 le langage absence de réponse à réponse orientée ;

1 à 6 le mouvement absence d'obéissance de réponse à un ordre oral.

Somme de 9 à 12, lésion modérée, 3 à 8 lésion sévère. « La seule réouverture des yeux ne signifie pas que le sportif soit sorti du coma. Il faut pour cela qu'il soit capable de prononcer des mots ou exécuter des consignes simples ». Tous les scénarios existent, le sportif peut s'en sortir sans séquelles, avec de petits déficits, connaître de gros troubles neurologiques (Michael Shumacher accident de ski) ou ne pas y survivre.

Entre 1890 et 2011, pas moins de 1 604 boxeurs ont perdu la vie des suites de blessures subies sur le ring. Le taux de blessés est passé à 20 % dans les années quatre-vingts avec 90 % blessures à la tête. Le risque de commotions cérébrales concerne tous les sports de contact, rugby, hockey, etc. On estime que 19 % des participants à un sport de contact auront une commotion au cours d'une saison. Une étude de 2023 portant sur les footballeurs a établi que faire « des têtes de manière répétée amène à une redistribution des matières grise et blanche d'où une perturbation de la transmission neuronale », confirmant une publication de la Fédération de football dans Scandinavian Journal of Medecine and Science in Sports : « 6.100 anciens joueurs professionnels étudiés ont développé davantage de cas de démence, comparé à la population générale ».

Lors de rencontres sportives des médecins sont présents, ce qui est rarement le cas lors d'entraînements. Les personnels encadrant entraîneurs, coachs et arbitres doivent être en mesure de reconnaître les symptômes d'une commotion cérébrale. Des outils diagnostiques (Sports Concussion Assessment Tool 5) peuvent être téléchargés sur un téléphone cellulaire et ainsi les aider au dépistage sur place. Cela n'est qu'un pis aller. Dans 90 % des cas, le commotionné ne perd pas connaissance. Un sportif qui subit une commotion cérébrale mineure doit être informé des risques de continuer à participer. La récidive est fréquente et peut être tardive... « Les commotions mêmes transitoires exigent une prise en charge adaptée par un neurologue ou un neurochirurgien formé. Après ce type d’atteinte, c'est au moins un mois sans boxe, et 48 h de repos physique et psychologique » Pr Chermann. Une correction, une précision, une remarque ?

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6 réactions à cet article    


  • jymb 30 mai 12:55

    Aucun empathie pour ces abrutis ( au sens brute du terme ) qui se massacrent entre eux 

    Quand aux pitoyables spectateurs qui vocifèrent et réclament des coups et du sang...même commentaire 


    • Areole Areole 31 mai 22:05

      @jymb
      votre courageux mépris pour les boxeurs est facile bien assis sur votre chaise...
      J’ai connu plusieurs bons camarades (abrutis) auprès desquels vous auriez pu, pleinement et en face à face, développer vos thèses.
      Peut-être vous auraient-il amené à modérer quelque peu vos propos.
      C’est possible...Voire hautement probable...
      Pour ma part j’ai toujours eu un grand respect pour mes camarades des sports de combats, la rectitude de mon appendice nasal peut en témoigner.


    • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 31 mai 09:35

      ’’Somme de 9 à 12, lésion modérée, 3 à 8 lésion sévère.’’

        >

      C’est l’inverse, non ?

       

      D’accord avec le com précédent : les spectateurs et les télés qui retransmettent les combats de boxe ne sont pas respectables.

       

      Peut-on condamner les matchs de foot et leurs inévitables ’’têtes’’ ? Ce soir il y a la rencontre des bleues contre les Anglaise dans le cadre des éliminatoires de l’Euro-féminin 2025. Vu que c’est le même ballon, les femmes pourraient bien être plus ou affectées que les hommes.


      • Desmaretz Gérard Desmaretz Gérard 31 mai 15:28

        @Francis, agnotologue

        Bonjour, non, un chiffre bas est de mauvais pronostique. Cordialement


      • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 31 mai 19:07

        @Desmaretz Gérard,

        bonjour,

        Oui, j’ai lu trop vite. Merci de la précision, qui était dans le texte.

        Cordialement.


      • rogal 31 mai 11:32

        Dans la mesure où le sport est une préparation à la guerre, faut-il s’offusquer de ce que la mort y pointe son nez ?

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