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Accueil du site > Tribune Libre > Rosalia Fridzon, héroïne de la Résistance française …

Rosalia Fridzon, héroïne de la Résistance française …

…et arrière-grand-mère de Katya Kopylova

Dans les années 1920 et 1930, Fridzon était membre du Komsomol et du parti au Belarus. Avant la guerre, elle a travaillé comme chef du département de la santé du district de Dzerzhinsky et a été membre du conseil d'administration du commissariat populaire à la santé de la République socialiste soviétique de Biélorussie. Pendant les premiers jours de la guerre, elle a escorté son mari, qui est devenu instructeur politique d'une compagnie de fusiliers, jusqu'au front, a organisé l'évacuation des blessés amenés à l'hôpital du district, puis a tenté de partir elle-même.

Mais il était trop tard. Les Allemands étaient partout. Rosalia a obtenu de faux papiers - un passeport au nom d'Ekaterina Dmitrievna Semenova. Elle se faisait appeler “tante Katya”. Elle travaillait comme infirmière dans le troisième hôpital soviétique (maladies infectieuses).

“Tante Katya” devient agent de liaison pour le maquis de Minsk. Ayant contracté une éruption cutanée, elle est transférée dans un détachement de partisans. C'est là, dans la forêt de Nalibokskaya, qu'elle prête serment, puis retourne à Minsk.

En 1965, le commandant de l'unité de partisans de la région de Baranovichi, héros de l'Union soviétique, le major-général Vasily Chernyshev a donné à son ancienne subordonnée la “caractéristique du lieu de travail” suivante : “Camarade Fridzon qui travaillait dans le groupe des missions spéciales, a exécuté diverses tâches du centre clandestin, notamment la reconnaissance des garnisons allemandes, des unités de l'armée et des points d'appui de l'ennemi, la révélation des traîtres, la livraison de médicaments, l'envoi, par un groupe spécial, de personnes à la brigade de partisans portant le nom de Ponomarenko, et d'autres encore. Elle a permis d'obtenir de précieuses informations”.

En décembre 1943, après l'échec du contact, “Semenova” a été arrêtée par la Gestapo dans une planque. Elle a été battue, torturée par des chiens, on lui a cassé les dents, mais elle n'a dénoncé personne”. Jusqu'à la fin de sa vie, cette femme courageuse a porté les marques des morsures de chiens de berger de la Gestapo... N'ayant rien obtenu d’elle, les nazis l'ont jetée dans un camp de concentration de la rue Shirokaya, puis l'ont transférée dans une prison de la SD.

Au début de l'année 1944, les occupants ont pris un groupe de prisonniers de la prison de Minsk, les plus aptes physiquement, pour les soumettre au travail forcé. Certains d'entre eux se retrouvent en France. Le 27 février, un train emmène les prisonnières au camp de concentration d'Errouville, en Lorraine, près de la ville de Thiel, à proximité de l'ancienne ligne Maginot. Les nazis tentent de mettre en place la production de fusées V-1 dans les mines locales, qui servaient à l'extraction du minerai avant la guerre. Avec des missiles balistiques à longue portée, les Allemands espèrent renverser le cours de la guerre. Ils ont utilisé les prisonniers des camps de concentration pour faire le gros du travail.

Parmi les déportés se trouvaient d'anciennes communicatrices clandestines et partisanes de Minsk, dont Rosalia Fridzon. Chaque jour, à l'aube, elles étaient emmenées en train à la mine pour y effectuer des travaux pénibles et, au crépuscule, elles étaient ramenées au camp. Sous terre, les femmes devaient construire des hangars pour les avions.

“Nous avons senti le soutien constant de nos amis français”, se souvient Rosalia Fridzon. - Les ouvriers partageaient leur déjeuner avec nous. S'ils remarquaient que les pieds des femmes étaient usés par les coussins de bois, ils nous apportaient aussi des chaussures. Et le plus important, c'était le soutien moral, les nouvelles sur les victoires des troupes soviétiques”.

Un comité clandestin, composé de Nadezhda Lisovets, Rosalia Fridzon et Anna Mikhailova, se forme vite. Par l'intermédiaire de volontaires français et italiens, elles prennent contact avec la direction des détachements de partisans soviétiques de la ville de Nancy. Les femmes sont chargées de mener des actions de sabotage sur les lieux de travail, de distribuer des tracts et des journaux aux prisonniers et d'aider à organiser des évasions.

Les Allemands avaient l'intention d'inonder les mines avec les prisonniers à l'approche des troupes alliées. Mais dans la nuit du 8 mai 1944, 37 femmes et 27 hommes s'évadent du camp de concentration d'Erouville. L'évasion, organisée avec l'aide de la Résistance française, avait été minutieusement préparée, dans les moindres détails. Les femmes, épuisées, ont dû marcher plus de 70 kilomètres en deux nuits pour rejoindre les guérilleros dans les forêts d'Argonne, entre St Mihiel et Bar-le-Duc.

“Je me souviens d'une soirée de fin mai”, se rappellera plus tard Nadezhda Lisovets. - L'obscurité était impénétrable. Au point de rassemblement dans la forêt, 11 maquisards nous attendaient déjà. Selon le plan, nous devions rejoindre un détachement de partisans russes. Mais les punisseurs arrivés la veille nous ont barré la route. Nous avons dû repartir dans l'autre sens, vers les partisans français”.

Cependant, les Français n'accueillent dans leur unité que les fugitifs masculins et décident de cacher les femmes pour qu’elles attendent tranquillement la fin de la guerre. Les femmes qui s'étaient échappées ne le voyaient pas de cet œil : elles ont décidé d’organiser leur propre unité de partisans féminins. Elles l'ont baptisée “Mère patrie”. Rosalia Fridzon en est devenue l’une des commandantes.

Les partisans français les aidaient en leur fournissant de la nourriture et des vêtements, mais les femmes ont dû trouver elles-mêmes des armes. Lors d'une des batailles, les femmes réussirent à capturer trois camions chargés de nourriture et d'armes. Les anciennes prisonnières d'Erouville ont combattu les nazis pendant sept mois aux côtés des partisans français.

L'existence d'un détachement féminin de partisans soviétiques, notamment sur le sol français, est un cas unique dans l'histoire de la Résistance. Le serment prêté par l'ensemble du personnel du détachement stipulait : “En accomplissant mon devoir envers ma patrie, je m'engage à servir avec honnêteté et désintéressement les intérêts du peuple français, sur le sol duquel je défends les intérêts de ma patrie. Je soutiendrai de toutes mes forces mes frères français dans la lutte contre l'ennemi commun, l'occupant allemand”

Lorsque les nazis ont été chassés de Lorraine, le détachement de la “Mère Patrie” a été invité à Verdun, où les partisans soviétiques ont été accueillis avec des salutations et des fleurs. L'ordre du commandement français de nommer Rosalia Fridzon (Ekaterina Semenova) et Nadezhda Lisovets lieutenantes dans les Forces Françaises de l'Intérieur est lu devant les troupes.

Après la libération de la France, Fridzon a travaillé comme secrétaire à la section consulaire de l'ambassade soviétique à Paris. En septembre 1945, elle retourne en Biélorussie.

En 1966, le président français Charles de Gaulle, en visite en URSS, a demandé qu'on lui organise une rencontre avec les héroïnes biélorusses. Les femmes sont arrivées à Moscou, l'illustre général les a saluées et leur a serré la main.

À la même époque, le roman “Madame Amour” de Mikola Sadkovitch est publié et Fridzon devient le prototype du personnage principal.

L'année précédente, elle avait reçu la médaille de la bravoure. Elle a ensuite été décorée de l'Ordre de la guerre patriotique.

Rosalia Fridzon est décédée en 1976. En 1997, elle reçoit à titre posthume la Croix d'honneur “Combattant volontaire” avec une étoile rouge.

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Nota 1 : ce texte a été intégralement écrit par Katya Kopylova, je n’y ai apporté aucune modification et ai eu son accord pour le diffuser ! La photo est celle de Rosalia...

Nota 2 : à ma connaissance la seule étrangère connue et dont on parle encore un peu comme membre de la résistance est Olga Bancic, roumaine/moldave, juive et communiste, membre des FTP-MOI, décapitée à la hache par les nazis à Stuttgart le 10 mai 1944, il y a 79 ans …

 


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16 réactions à cet article    


  • sophie 9 mai 2023 16:32

    Une sacrée vie tout de même, merci de cet hommage.


    • Attila Attila 9 mai 2023 17:42

      Et merci aussi à Katya Kopylova.

      On peut la suivre sur son compte Telegram où elle parle des événements avec beaucoup d’humour en général.

      .


      • Gérard Luçon Gérard Luçon 9 mai 2023 18:45

        @Attila
        exact, et elle a un sacré niveau en français ! C’est sur Telegram qu’elle a mis son texte mais en plusieurs morceaux ...


      • Attila Attila 9 mai 2023 19:15

        @Gérard Luçon
        Il y a aussi son entretien sur la chaîne « Livre Noir » où elle démontre une énorme culture.


      •  C BARRATIER C BARRATIER 9 mai 2023 18:38

        Bel hommage

        Les Résistants partagent la même philosophie, ils et elles ont un fonctionnement semblable.

        Les fascistes de même mais à l’opposé

        La différence est l’humanisme.

        Notre héroïne fait penser à notre Jean Moulin


        • Gérard Luçon Gérard Luçon 10 mai 2023 05:06

          @C BARRATIER
          elle m’a surtout fait penser à Olga Bancic, et aujourd’hui nous sommes le 10 mai !
          Sinon effectivement, en Roumanie a existé un mouvement de résistance anti-communiste.


        • alinea alinea 9 mai 2023 18:39

          Ça me rend triste ! je me souviens qu’elle en a parlé dans sa dernière entrevue avec Noir. Je me souviens de l’expression qu’elle avait, cette force du passé encore présente chez eux, et cette tristesse du gâchis actuel. Je ressens la même.

          Nous on a perdu la mémoire, la lucidité, l’honnêteté, le courage et puis t’imagine là, nos greluches, tellement femmes qui le valent bien, tellement libérées !! Une misère ; non pas qu’il faille partir en guerre tous les quatre matins pour être héros, mais en arriver à avoir perdu toute valeur humaine, ça me fait mal.

          Merci pour ce texte


          • Gérard Luçon Gérard Luçon 10 mai 2023 05:25

            @alinea
            en même temps devenir résistant de nos jours ...
            avec les téléphones portables, les GPS, les caméras thermiques (et les drones à Moussa, à Lyon une jeune femme a failli se faire embarquer lors de la visite du « fugitif », repérée par un drone 2 poulets lui sont tombés dessus ... on ne va pas à la boulangerie quand « l’autre » est de passage)
            ... tu es à peine rentré en forêt que tu te retrouves encerclé !

            Sinon vaste débat que celui de « ce que nous avons perdu »


          • alinea alinea 10 mai 2023 14:51

            @Gérard Luçon
            Je ne suis pas sûre que j’aimerais participer à un débat sur, non pas « ce que nous avons perdu », mais sur « ce qu’on s’est laissé ôter », car ce qu’on s’est laissé ôter c’est tout simplement le nécessaire à la vie ensemble, à l’épanouissement ; nous n’en sommes plus aux seigneurs saigneurs, qui dans leur dénuement laissaient les gens vivre ce qu’ils voulaient, nous nous sommes laissé prendre, en plus d’être dépouillés , ce qui nous permettait de vivre comme on le voulait ! Certes il y avait des frontières au vouloir mais pas toutes dues aux pouvoirs en place, parce que tout vivant a des limites et les limites de la morale étaient plus acceptables que les limites de la force des dictateurs !


          • chapoutier 9 mai 2023 19:24

            merci Gérard pour ce texte.

            de grands combattants ( hommes ou femmes ) dans une époque terrible.

            ceux qui ont terrassé le nazisme ont payé un prix exorbitant, et aujourd’hui, au lieu de remercier ces hommes et femmes pour leurs sacrifices, les gouvernements occidentaux otaniens interdisent de commémorer la victoire soviétique contre le nazisme.

            je crois, comme beaucoup d’autres, que la principale raison de la haine contre la Russie d’aujourd’hui est leur victoire contre le nazisme.


            • Gérard Luçon Gérard Luçon 10 mai 2023 05:16

              @chapoutier
              tous les jours on célèbre quelque chose au plan international, la journée de la Terre, celle des trans, celle des vélos à 3 roues, ça occupe le bigorneau collé à sa TV ... « O tempora, o mores » !


            • AmonBra AmonBra 10 mai 2023 10:01

              Merci infiniment @ l’auteur pour le partage.

              Émouvant et édifiant témoignage, il y a du lourd dans l’ascendance de la merveilleuse Katya Copylova et cela ne m’étonne nullement, car bon sang ne saurait mentir. . .


              • eau-mission eau-mission 10 mai 2023 10:53

                Merci pour le partage.

                L’épisode de sa capture interroge : qu’est-ce qui a retenu ses bourreaux de la tuer ?

                Dans une série disponible sur Arte en ce moment, on voit les jeunes d’un groupe de résistants communistes partir au peloton d’exécution, sauf un : celui qui a moins de 16 ans, qui ne peut être condamné à mort selon la loi allemande. Si bien qu’il part en camp et qu’on exécute à sa place des membres de la famille. Un rapport superstitieux à la loi de la part des nazis ?

                Concernant R.Fridzon, ils comptaient peut-être la récupérer comme force de travail ? Ils ont eu la réponse de la force mentale qui l’accompagnait.


                • I.A. 10 mai 2023 17:08

                  Bel hommage et petit rappel historique bienvenu. Bravo.


                  • Adèle Coupechoux 11 mai 2023 18:20

                    Merci pour ce partage de notre histoire à tous.

                    Les jours sombres sont de retour.

                    Les JO se profilent plus menaçants que jamais entre flicage des populations pour mieux réprimer tout mouvement et réquisitions de logements.

                    « Les logements des étudiants boursiers en Ile-de-France vont être réquisitionnés pendant l’été 2024 pour accueillir des athlètes, délégations ou partenaires pendant les Jeux olympiques de Paris. L’annonce a fait vivement réagir du côté des syndicats étudiants, le Crous s’est défendu.  »

                    https://www.ouest-france.fr/jeux-olympiques/jo-de-paris-2024-des-logements-crous-requisitionnes-pendant-les-jeux-la-polemique-enfle-f0dfcfaa-efe4-11ed-bc4b-ac1b06b7bf07

                    Hallucinant, virer les étudiants de leur logement, la plupart reste à Paris pour travailler et aussi faute de moyen pour prendre des vacances.


                    • Gérard Luçon Gérard Luçon 11 mai 2023 18:37

                      @Adèle Coupechoux
                      s’ils ont lieu ... c’est avec ce genre de conneries (déclarations du gouvernement en 1967 concernant les places en Cité U et l’accès en faculté) qu’étudiants et lycéens se sont mobilisés ....

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