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Accueil du site > Tribune Libre > Qui veut gagner des milliards ?

Qui veut gagner des milliards ?

La France est constamment en train de jongler avec son cash. Les caisses se vident toujours tellement plus vitre qu'elles ne se remplissent. Alors la collecte d'impôts de toutes sorte est une question de survie. De fait tout y est passé ; création de nouvelles taxes ; accélération des collectes, déclaration et paiement (forcés) en ligne, désastre organisationnel complaisamment toléré (le RSI) favorisant les "erreurs" dans les calculs et les procédures de remboursement complexes... Et voici sans doute une nouvelle affaire : la taxe foncière des entreprises.

Après les Panama papers, les Bercy secrets ?

 

Les paradis (y compris fiscaux) n’existent que parce qu’il y aussi des enfers. Et si les Français ont pu avoir, depuis de longues années, l’impression d’une véritable descente aux enfers fiscaux, ils ne mesurent sans doute pas encore à quel point les diables de Bercy sont capables de malice. Et pourtant, les citoyens en ont vu…

 

Il y a eu les pauses fiscales où les rois de la com(mission) ont savamment joué des taux et des tranches tout en coupant partout les plafonds d’exemption, les demi parts, les exonérations. La politique dite des miches fiscales, pour aller chercher le gras partout où il en reste un peu.

 Il y a eu le mistigri des impôts locaux, où les élus ne se sont pas privés d’accuser le méchant Etat qui baisse les dotations pour expliquer à madame Michu que, du coup, à cause des technocrates qui ignorent ses besoins, il allait falloir hélas faire un nouvel effort, pour payer d’abord plus, et contribuer également aux économies par la baisse des aides.

 Il y a eu la créativité fiscale, celle qui a inventé la taxe cabane (de jardin), étendu la cotisation foncière des entreprises (CFE) aux particuliers qui louent, même s’ils ne sont pas des professionnels et n’ont pas d’entreprise, et trouvé tant d’autres petits prétextes à faire les fonds de poche.

Tout doucement, comme la grenouille qui meurt sans s’en apercevoir parce qu’on a fait bouillir lentement l’eau fraîche où on l’avait d’abord plongée, les citoyens sont doucement asphyxiés par des experts en mort lente armés de calculettes.

 

Mais il y a encore tant de tiroirs secrets dans l’énorme tirelire que Bercy s’active perpétuellement à remplir. Et un de ces tiroirs commence à dégager un fumet nauséabond : celui de la taxe foncière des entreprises.

 

Car les entreprises, comme les particuliers qui possèdent des terrains ou immeubles, payent aux collectivités locales cette taxe multiple. Les versions « sur le bâti », « sur le non bâti », ancêtres respectables, et des cousines plus jeunes, comme la fameuse CFE. Quel est donc le montant total de ces contributions ?

 

 Bonne question, et premier indice sur le jeu du « qui veut gagner des milliards ». Les chiffres précis sont introuvables, et seuls quelques rares experts ont pu donner des estimations. En 2014 30 milliards d’euros pour la taxe foncière totale, dont sans doute une dizaine venant des entreprises, et 7 milliards pour la CFE, soit 17 milliards en tout pour les taxes locales foncières des entreprises (environ 1/3 de l’impôt sur le revenu, tout de même pas rien).

 

 Et le bruit dans tout cela ? Oh presque rien, madame la marquise, une rumeur, ô quelle surprise, d’énormes surfacturations… Il y aurait en effet au moins 30% de cas où le montant demandé est surestimé, selon plusieurs professionnels privés contrôlant les taxes de leurs clients. Un chiffre que le fisc ne semble pas contester. Les montants ainsi surfacturés sont très variables d’un cas à l’autre mais, au total, ce serait entre 10% et 20% du montant total, soit 1,5 à 3 milliards d’euros par an, qui seraient surfacturés.

 

 Comment cela se peut-il ? N’aurions nous pas, comme sur tant de domaines, les meilleurs services fiscaux du monde ? Le pêché originel : des erreurs sur le calcul, toujours très compliqué comme tout chez nous, des bases de la taxe. Des bases qui dépendent de la localisation du bien (avec un système savant d’immeubles de référence, sorte d’exemple local de l’immeuble fiscalement idéal), de son usage (bureau, entrepôt, fabrication), de ses surfaces (de pièces, de couloirs, terrasses, …), de la méthode chiffrée appliquée pour les calculs (avec une méthode dite comptable en général redoutablement douloureuse pour le contribuable. Un exemple de jackpot : la qualification en espace de fabrication d’un local servant en fait de simple entrepôt. Cela peut multiplier l’assiette dans des proportions considérables ! Alors, simples et regrettables erreurs, ou pratique indigne du « pas vu pas pris ? »

 

Les écarts sont parfois si énormes que des entrepreneurs ont créé des activités, et même des emplois (bravo M. Hollande, peut être une vraie piste pour faire baisser le chômage ?), pour aider les entreprises à y voir plus clair et à se faire rembourser l’éventuel trop perçu. Je vous propose même de venir explorer si cela peut vous toucher sur ertf.com (examiner et réviser sa taxe foncière.com). Car cela finit par marcher, mais souvent après des parcours laborieux :

  • d’abord pour obtenir les documents ayant servi aux bases de calcul par les impôts. Certains services, en toute illégalité, ont tenté de s’opposer aux demandes, ou de les faire traîner. Second indice au « qui veut gagner des milliards »
  • ensuite pour faire valider puis prendre en compte les demandes de remboursement. Des procédures qui tendent à se rallonger encore si l’entreprise demande non seulement une correction des montants de l’année, mais également un réexamen des années précédentes. Hum hum… Troisième indice ???

 

Clairement, le soupçon commence à naître. Ces erreurs ne seraient pas toutes d’étourderie, mais parfois bien conscientes, et à tout le moins contestées même contre l’évidence par les services fiscaux, confiants dans leurs pouvoirs plus encore que dans leurs calculs.

Et des faits troublants, survenus dans le douloureux accouchement de la réforme, à nouveau morte née, de la réforme des bases fiscales de la taxe foncière. Ce serpent de mer de presque cinquante ans est issu des origines du système. Dans les années50 la taxe foncière se base sur des valeurs locatives de l’époque, et elles sont depuis restées peu ou prou le socle sur lequel s’appuient les bases fiscales aujourd’hui.

Ni en absolu, ni en relatif les unes par rapport aux autres ces bases n’ont plus rien à voir avec la réalité d’aujourd’hui. Mais la remise à plat serait trop brutale, pour les entreprises que les particuliers. Presque autant de gros perdants que de grands gagnants. Des big bangs comme on ne les aime pas dans l’enfer de Bercy, où on préfère les hausses feutrées et les mouvements en douceur. Alors les ministres et gouvernements successifs ont tenté de multiples approches pour avancer sur ce qui semblerait être un vrai « plus de justice fiscale ». Recadrage progressif et partiel, expérimentations, (annonces de) concertations… Tout y est passé. Et, pour l’instant, réforme repoussée après 2017, c’est à dire abandonnée.

Mais les discussions sur les voies de réforme sont révélatrices de tentations qui sentent le soufre. D’abord Bercy cache la copie. Les forces locales, y compris de très officielles équipes publiques de calcul des impôts locaux, travaillant pour les collectivités, sont souvent invitées à participer sans disposer des documents et données de travail sérieux. Ensuite de subtiles dispositions ont été explorées, aussi discrètement que possible, pour tenter de donner au fisc des moyens de décourager très fortement les demandes de dégrèvement. Par exemple, le fisc aurait tout pouvoir pour fixer avec le rationnel qu’il souhaite les usages retenus pour la fiscalité des biens. Un recours serait possible mais avec des forces de contrôle elles-mêmes venues de l’administration fiscale, après quoi il faudrait engager des recours au tribunal administratif. Un repoussoir absolu et un circuit organisé entre membres de l’ « association de protection du pouvoir public », un système de conflit d’intérêts très répandu (les recours ne sont possible qu’auprès d’intervenants nourris par le système qu’ils sont supposés contrôler) qui couvre par le silence et l’inertie tant de violations ou de non applications de la loi.

 

Alors, État de droit ou État prédateur ? MM les (trois !!) ministres en charge de ces sujets, à un an de quitter vos fauteuils, dans quel camp jouerez-vous : les gendarmes ou les voleurs ?

 

 En attendant une éventuelle réponse par les actes, il ne reste qu’à chanter « Aux larmes entreprises ! Lisez déclarations ! Comptons, comptons… Qu’un air plus pur, nous restitue nos fonds ! » 


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9 réactions à cet article    


  • Robert GIL Robert GIL 4 mai 2016 11:17

    tant que l’on continuera a derverser des flots d’argent aux entreprises sans contrepartie et a flatter les plus riches ... pas les 20% de français qui pensent faire partie des 1% des plus riches ... ont ne fera qu’agraver les problemes !
    .
    voir : LES MULTINATIONALES … la face obscure du néolibéralisme et du commerce mondial


    • rhea 1481971 4 mai 2016 12:13

       Un flash sur le site de l’express, pour l’ancien numéro 2 du groupe, EDF serait dans la même situation financière que le fleuron de l’industrie nucléaire AREVA. Bercy va phosphorer dur pour pouvoir combler les trous dans les caisses avec nos impôts, il va falloir sauver ces entreprises, la France en panne d’électricité c’est un roman pas très récent, je ne me rappelle plus le nom de l’auteur


      • F-H-R F-H-R 4 mai 2016 13:27

        Bercy, c’est 80% d’énarques grassement payés pour saigner le peuple au profit exclusif de l’Etat, c’est-à-dire de la dictature de l’administration (à noter que les hauts fonctionnaires de tous les ministères sont des énarques, flanqués d’une palanquée d’agents à leur service)... une véritable mafia qui gangrène la France et qu’il va bien falloir éradiquer un jour.

         

        La production de Bercy, c’est plus de 250 impôts et taxes différents.

        A cela s’ajoute la corruption, les malversations (faux, usage de faux, courriers antidatés, déni de droit, etc…) pour coincer à coup sûr les contribuables contestataires. Ce ministère bénéficie, bien sûr, d’une surprotection de « l’Etat » et… la garantie de l’impunité, car la justice administrative est également tenue par les énarques ; d’où le rejet quasi-systématique des requêtes en matière fiscale (la connivence entre Bercy et les tribunaux administratifs est criante).


        • Breizh Atao 4 mai 2016 17:37

          La France est un jardin fertile. Plantez des socialistes, il pousse des impôts.


          • fatallah 4 mai 2016 23:46

            @Breizh Atao
            Je ne devrais pas ... alimenter votre troll.
            Ce n’est pas une question de parti politique. Tous les budgets des dernières années (comptez large) sont déficitaires, non pas de 3% du PIB mais de 25% des recettes. Toutes couleurs politiques confondues. Oui, pour calculer votre déficit, faites le rapport des depenses/ recettesl, pas par rapport à la richesse (recettes) des habitants de votre rue.
            Et sous la présidence Sarkozy, ayez l’amabilité de constater l’évolution de la dette de la France. Merci.


          • Breizh Atao 5 mai 2016 14:02

            @fatallah
            Pourquoi troll ? Un peu d’humour ne fait jamais de mal. Vous n’aimez pas qu’on rie des socialistes ? Ca vous regarde.

            Sinon vous pointez justement que les déficits de l’Etat devraient être annoncés par rapport aux recettes de ce même Etat et non par rapport au PIB.

            Mais accordez quand même aux socialistes une inventivité en matière d’impôts que n’ont jamais eu les différents gouvernements de droite.

            Ceci dit les uns comme les autres ne savent apparemment pas que pour équilibrer un budget on peut aussi diminuer les dépenses.

            Le dernier (last but not least) chef d’œuvre de nos élus : une imposition des revenus de ventes sur leboncoin, des recettes sur Drivy et autres sites de particulier à particulier. Génial non ?


          • Spartacus Lequidam Spartacus 4 mai 2016 22:13

            ²Donner les impôts à garder à des Énarques, c’est comme donner des sandwichs à garder à des cannibales...

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