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Accueil du site > Tribune Libre > Peut-on colmater la fuite des cerveaux avec des demi-mesures (...)

Peut-on colmater la fuite des cerveaux avec des demi-mesures ?

Le Figaro a publié le 16 octobre 2008 un entretien avec Valérie Pécresse qui nous dit vouloir « mettre fin à la fuite des cerveaux ». La ministre de la recherche se fait ainsi l’écho des propositions que Jacques Lesourne, coauteur d’un livre sur la recherche, a livrées au même Figaro le 2 octobre dernier, et qui prône "une plus grande différenciation des rémunérations en fonction de la qualité des travaux réalisés pour que les meilleurs puissent rester en France. Ceci permettrait d’augmenter les salaires afin que la France offre des rémunérations équivalentes à celles pratiquées à l’international".

La traduction politique des idées de monsieur Lesourne est de faire un effort budgétaire important pour les jeunes.

C’est bien. Mais cela appelle quelques questions.

Le plan est de distinguer "les 130 jeunes enseignants-chercheurs les plus prometteurs". Sur les quelques 62000 enseignants-chercheurs de nos universités françaises, on en choisira deux pour mille : pourquoi 130, et pas 75 ou 321 ?

Je ne sais pas exactement combien de jeunes enseignants-chercheurs sont recrutés chaque année en France, mais j’imagine bien qu’ils sont plus de 130. Ainsi, on admet recruter à l’université nombre de jeunes qui ne méritent pas de prime ni de capital pour leurs recherches, et qui donc ne répondent pas aux critères d’excellence sur lesquels on prétend refonder la recherche publique dans notre pays. Pourquoi ?
Pourquoi la ministre ne s’intéresse-t-elle qu’aux enseignants-chercheurs, et pas aux chercheurs des organismes tels que le CNRS ? Serait-ce parce que ces derniers ne sont pas prévus participer à l’avenir de la recherche ? Ou bien parce qu’ils gagnent bien suffisamment pour le travail qu’ils font ? !

Est-ce qu’un système de primes est la bonne réponse à un problème autrement plus vaste que celui du salaire : celui de la reconnaissance de l’utilité intrinsèque de la recherche, et donc du métier de chercheur ?

Rien ne nous est dit sur la manière dont sera évaluée la soit-disant excellence des 130 élus. L’évaluation est devenue une telle "tarte à la crème" dans le langage des politiques, notamment quand il s’agit des scientifiques et de la recherche, qu’on en oublie presque de s’interroger sur le sens et la qualité de l’évaluation. Dans bien des cas, il s’agit d’arriver à cataloguer un projet, un laboratoire ou même une personne avec une lettre, A, B ou C, éventuellement agrémentée d’un + ou d’un -. Mais qui définit les critères pour en arriver à une telle réduction ?

Ces 130 "meilleurs" seront, d’ailleurs, plus ou moins meilleurs puisqu’on prévoit de leur offrir une prime annuelle variant de 6 à 15 000 €. Pour les presque meilleurs des meilleurs, cette prime représentera environ 1000 € par mois. Elle permettra donc au jeune maître de conférence débutant d’obtenir un salaire du même niveau, voire supérieur, à celui du moins jeune professeur qui aura eu la malchance d’avoir été recruté trop tôt. Est-ce raisonnable ?

Une fois de plus, on s’attaque à un vrai problème en escamotant la complexité des questions qu’il pose. En revalorisant les débuts de carrières des maîtres de conférence, on risque de créer beaucoup de frustration, et pas forcément chez les plus mauvais chercheurs, au risque de les inciter à aller chercher l’argent là où il est, par exemple dans le business.

Mais c’est peut-être le but recherché. On évitera ainsi les chercheurs à vie qui font tant peur à monsieur Lesourne, puisqu’il pense "qu’il y a environ 10 % de chercheurs en trop dans le public. Par ailleurs, l’idée que l’on est chercheur à vie est néfaste". Evidemment, ce n’est pas avec un chercheur, bon ou mauvais, qu’on fera, à coup sûr, un bon homme d’affaire. Et ce n’est pas en se privant des chercheurs seniors qu’on améliorera le niveau de la recherche en France.

Alors, pour éviter la fuite des cerveaux, il faut peut-être appeler à la rescousse "Joe le plombier" qui s’est invité dans la campagne présidentielle américaine. D’autant qu’il semble que lui, gagne $ 250 000 annuellement. Il pourrait donner des idées à nos chercheurs pour revaloriser leur standing.


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15 réactions à cet article    


  • Frederic Michon Frederic Michon 18 octobre 2008 13:04

    Article interessant.
    Etant post-doc francais travaillant en Finlande, j’avais lu avec interet les mesures annoncées par la ministre de la recherche.
    J’avais aussi ete etonné par cet empressement de vouloir faire en sorte que ces 130 "elus" se sentent bien... Mais quid des autres ?
    Je suis aussi etonné de voir qu’au coeur de la crise financiere on trouve les moyens de mettre l’accent sur la recherche... Rien sur l’origine de cet argent, est-ce une coupe sur un autre poste du budget de la recherche ?
    Enfin, lorsqu’on parle de "chercheur à vie", je serai pour un controle tout au long de la carriere du chercheur pour ne plus laisser les quelques "moutons noirs" laisser croire que l’on peut etre chercheur et ne pas s’y donner à fond, comme dans n’importe quel autre metier.


    • mat 18 octobre 2008 13:52

      Concernant le budget, en regardant les précédentes mesures, cela se fera à budget constant. Depuis les premières réformes, je vois la situation de mon labo se dégrader. Il faut bien financer les gagnants des projets ANR par quelquechose. 
      Il suffit d’aller compter le nombre d’heureux élus sur le site de l’ANR et de s’ interroger sur la situation des non elus et sur leur nombre pour se rendre compte que vous posez une bonne question !

      Vous parlez ensuite de "laisser croire", mais cette vision du chercheur est colportée volontairement par le gouvernement et les médias. Comme cela ne repose sur rien, vous pourrez y mettre tous les contrôles que vous voulez, cela ne changera rien au discours (déjà utilisé pour culpabiliser les chômeurs, les malades etc.).

      J’ajouterais que les chercheurs sont déjà controlés, et même contrôlés de plus en plus ces derniers années.
      On ne s’en sort plus des contrôles et audit. Audit d’UFR, audit AERES avec des critères comme le taux de publications. Avec la LRU, division du budget récurrent par le nombre de chercheurs "non publiant".
      Avec le montage des dossiers ANR (qui coûte cher en temps pour peu d’élus), les déplacements en conf, les audits et l’enseignement, dégager du temps pour la recherche elle même devient de plus en plus difficile.
      Ceci joue sur le taux de publication des non élus ANR/AERES. C’est un vrai cercle vicieux.
      La politique est bien ficelée : au prochain quadriennal, on viendra expliquer à ces même gens qui se battent dans ce système qu’il ne publient pas assez, diminuant encore leur budget.

      Pendant ce temps, les crédits impôts recherche ne sont soumis à aucun contrôle.



    • mat 18 octobre 2008 13:35

      Il ya plusieurs sous-entendus dans les décisions du ministère de la recherche qui entrainent des décisions
      qui "semblent" aller à contre courant du discours de "soutien à la recherche".
      Vous le soulignez dans votre texte : les décisions en matière de recherche relèvent bien de la politique. Autrement dit, quelle place veut on accorder à la progression de la connaissance, de savoir et du bien commun dans notre société ?
      Face à la vision court termiste et individualiste de notre gouvernement, ces mots sonnent comme des aberrations qu’il faut éliminer ! Tout est quasiment résumé dans cette phrase.
      Ajoutez à cela une haine absolue du fonctionnariat, qui prend pourtant toute sa dimension dans la recherche : c’est un moyen pour le chercheur de prendre des risques !

      Premier exemple, les "hausses de budget", qui partent finalement dans les crédits impots recherche des entreprises, qui, elles n’ont bien sûr rien à justifier sur ces subventions masquées !

      Les "bases de reflexion" sont elle aussi complètement fausses. Le gouvernement utilise la technique rhétorique classique de N. Sarkozy : l’acquiescement sur les prémisses. Par exemple, acquiescement du déclin de la recherche française, par mise en avant du classement de Shangaï, sans discuter de ce classement. POURTANT :

      - ce classement "oublie" que les enseignants chercheurs sont des "demi-chercheurs". Le service d’enseignement y prend en effet 50% de l’année : aucun autre chercheur dans les pays occidentaux n’a une telle charge d’enseignement !
       Ce classement oublie également toute les publications associées CNRS, divisant par 2 le taux de publication des enseignants chercheurs des UMR (Albert Fert avait pris la parole dans "le Monde" pour le souligner).
      Curieusement, ce classement ne retire pas les publications associées à des organismes comme le NIH aux Etats unis (!), sous pretexte qu’il ne s’agit que d’une agence de moyen. Même la sémantique ne joue pas en notre faveur !
      On voit déjà que ce classement de Shangaï divise quasiment par 4 (quatre !!) l’effort de recherche de beaucoup de Maître de conférence !


      - On nous pointe également du doigt la taille de nos université dont certaines, par le nombre d’étudiants seraient de grosse universités qui ne publient pourtant pas beaucoup. On oublie alors de dire qu’en France, une bizarrerie du système fait que des enseignants du secondaires travaillent dans le supérieur : mon UFR (Unité de Formation et de Recherche) compte ainsi 30% d’enseignants du secondaire, qui bien sûr ne font pas de recherche (ce n’est pas leur métier !). 
      Revoilà 30 % d’effort de recherche encore "perdu" par le classement de Shangaï. 

      A force de diviser les résultats (quantitatifs) de recherche de nos universités, on en vient à se demander comment certaines figurent encore dans ce classement de Shangaï !

      Concernant l’amnésie de notre gouvernement, notez encore :


      - oubli du taux de chercheurs publics (non militaire, non nucléaire) en France : un taux relativement faible comparé aux autres pays occidentaux (et ce malgré le fait qu’un enseignant-chercheur est en équivalent temps plein, un "demi chercheur" !).

      - Oubli du budget public de la recherche en France, un des taux de financement les plus faibles d’Europe !
      L’université française est une des plus mal financée au MONDE. Le budget de tout l’enseignement supérieur français est inférieur à la dotation de la seule université d’Harvard (combinant certes, budgets privés et publics).
      Quand on voit certains commentaires sur les forums, qui avec une haine incroyable viennent cracher sur le "gouffre sans fond" de la recherche public, on se dit qu’Europe 1, TF1 et le Figaro ont bien relayé les mensonges du gouvernement.

      Que fait le gouvernement sur ce constat ? RIEN. A budget (faible) constant, il s’agit de faire croire que comme les chômeurs, comme les immigrés ou les malades devant leur médecin, les chercheurs seraient des passagers clandestins qui se nourrissent sans rien faire du travail des autres. Au moins, le discours est rôdé, vus les précédents au ministère de l’immigration ou avec les réformes des assedics/ANPE et sécurité sociale.

      La source de tous les maux serait effacée en jouant sur l’individualisme. On va mieux rémunérer les génies frustrés, qui potentiellement, partiraient à l’étranger ! I On va évaluer via l’ANR et déhabiller Pierre pour habiller Paul. L’evaluation sans vrais critères est bien devenue la tarte à la crème de ce gouvernement.


      Notons encore que ces jeunes chercheurs, seraient choisis sur des critères inconnus. A l’instar de l’ANR (dont on pourrait discuter longtemps aussi), cela ne concernerait qu’une fraction epsilonesque des jeunes récrutés.
      Bref, du brassage d’air par effet d’annonce, technique sarkozyenne classique, avec un refus systématique de poser véritablement le problème pour le résoudre., comme vous le soulignez dans votre article.


      • armand armand 18 octobre 2008 17:32

        Mesurette débile, démagogique, inacceptable.
        On imagine l’accueil qui sera fait aux bénéficiaires dans les labos ou équipes pédagogiques quand on saura que par fiat présidentiel ils gagnent 1000E de plus par mois que les autres ! Lynchage peut-être pas, mais ostracisme, certainement.

        Le tout pour contourner une vérité qui fache - le sous-financement du supérieur en France, comparé aux autres pays de référence, et des salaires qui sont la moitié, voire le tiers des salaires U.S. ou britanniques à responsabilité égale.

        Mais il est bien connu qu’on ne regarde pas à la dépense pour renflouer les banques... l’éducation, c’est une autre affaire !


        • Laurent 18 octobre 2008 19:02

          Je ne comprends pas trop le probleme des chercheurs francais en fait. Je fais actuellement un post-doc aux us. Effectivement nous avons plus de moyens que ce que j’avais dans mon laboratoire en france. Mais cela implique des sacrifices que beaucoup en france ne seraient pas pret a faire :

          - ici il faut rapporter en terme de projet son cout annuel sinon on se fait sortir. Quel chercheur francais accepterai de risquer de se faire virer si il ne couvre pas son cout annuel ?

          - ici, on choisit les conf qu’on va taper en debut d’annee. Ainsi on ne compte pas que les publis acceptees, mais aussi les publis refusees,

          - ici, on pointe a l’heure. Tous les vendredis a midi je dois envoyer mon timesheet vise par mon advisor. Qui en France serait pret a faire ca ?

          - ici la question de la collaboration avec la NSF (equivalent ANR) ou le prive ne se pose pas. Soit tu collabores, soit tu ne couvres pas ton cout et tu es vire,

          - ici, il n’y a pas ce systeme de conferences nationnales tel que celui que nous avons en france. Combien de chercheurs francais publient uniquement en national car ca les ennuis de se deplacer ou pire meme, ils sont incapables d’aligner 3 mots d’anglais corrects ?

          Les modes de recherches sont donc reellements differents et pour moi ce n’est pas comparable. Qu’on applique les politiques americaines et apres on pourra comparer les dotations.

          Enfin la recherche francaise ne doit pas etre si mauvaise que ca vu que dans l’universite qui gere l’agence gouvernementale pour laquelle je travaille, il y a, dans mon domaine, 85% de francais...


          • armand armand 18 octobre 2008 19:11

            Je parlais plus haut d’enseignants chercheurs. C’est vrai qu’aux U.S.A. obtenir un poste ’tenure-track’ relève du parcours du combattant. Et que les salaires, même s’ils sont supérieurs aux salaires français, ne sont pas gigantesques sauf si on est une vraie pointure dans un domaine très recherché.

            Mais si les universaitaires U.S. que je côtoie en France ne tarissent pas d’éloges sur la qualité des Français (eh oui...) ils conviennent que les salaires sont plutôt médiocres. Surtout compte tenu du coûit de la vie en France, largement la même - voire supérieure- à celle aux U.S.A.


          • Laurent 18 octobre 2008 19:25

            @ armand

            Ce que je veux dire est que les chercheurs francais sont les premiers a deplorer qu’aux US ils gagneraient plus qu’en France mais sont aussi les premiers a refuser une "americanisation" de la recherche francaise...

            Concernant les qualites de la recherche francaise, on se rejoint, les americains sont generalement contents de nous.


          • del Toro Kabyle d’Espagne 18 octobre 2008 19:30

            Bonsoir Armand,
            Je suis globalement d’accord.
            Cela dit, en France, on n’économise pas dès la naissance du bébé pour ses College Tuition.
            ... et on ne trouve pas de petites merveilles encyclopédiques (comme le Seuil en a le secret) à moins de $100 !


          • mat 18 octobre 2008 22:28

            >Je ne comprends pas trop le probleme des chercheurs francais en fait.

            Ma thématique (physique) est en concurrence avec le MIT ou l’ecole polytech de Lausanne. Mon budget à la rentrée septembre 2008 est de 3000 euros. Expliquez moi ce que je peux faire avec 3000 Euros.

            >Je fais actuellement un post-doc aux us.
            >Effectivement nous avons plus de moyens que ce que j’avais dans mon >laboratoire en france. Mais cela implique des >sacrifices que beaucoup en france ne seraient pas pret a faire :
            > ici il faut rapporter en terme de projet son cout annuel sinon on se fait sortir. Quel chercheur francais >accepterai de risquer de se faire virer si il ne couvre pas son cout annuel ?

            J’ai du mal à saisir cette phrase. Rapporter son cout, couvrir son coût ? Est ce que vous voulez dire qu’un chercheur qui dépasse son budget est viré ?
            Comment peut il dépasser un budget ?
             Voulez vous dire qu’un chercheur doit justifier son salaire en rapportant à la fac en prestation vers le privé plus que son salaire ?

            > ici, on choisit les conf qu’on va taper en debut d’annee. Ainsi on ne compte pas que les publis acceptees, mais >aussi les publis refusees,

            J’ai egalement un peu de mal avec cette phrase. "Taper une conf" ?
            En quoi "comptent" les publis refusées ?
            "Ainsi" dites vous : Expliquez moi le rapport entre conf et publis ?


            > ici, on pointe a l’heure. Tous les vendredis a midi je dois envoyer mon timesheet vise par mon advisor. Qui en > France serait pret a faire ca ?

            Drôle de question. Avez vous jamais fait de la recherche en France où les chercheurs sont sous payés par rapport à leurs horaires. Un chercheur moyen explosant le taux horaire, quel organisme serait pret à le payer sur les vraies heures passées au labo (sans parler des heures passer à bosser à la maison !)
            50, 60, 70, 80h.. ?
            La pointeuse est un vrai risque pour l’organisme payeur en France !

            > ici la question de la collaboration avec la NSF (equivalent ANR) où le prive ne se pose pas. Soit tu collabores,
            >soit tu ne couvres pas ton cout et tu es vire,
            Est ce que cela signifie que la vision utilitariste de la recherche est la seule valable ?
            Est ce que cela signifie que vous regrettez que ce système ne soit pas appliqué" en France ?
            Est ce une leçon que vous donnez au chercheurs français ?
            Faut il menacer les chercheurs français ?

            On reste un peu sur notre faim là...


            > ici, il n’y a pas ce systeme de conferences nationnales tel que celui que nous avons en france. Combien de >chercheurs francais publient uniquement en national car ca les ennuis de se deplacer ou pire meme, ils sont >incapables d’aligner 3 mots d’anglais corrects ?

            Houlà, on sent une forme de mépris dans votre discours. Qu’est ce que c’est que cette histoire de conf nationales ?
            Citez moi UNE SEULE conf nationale qui compterait dans un CV de chercheur.
            Vous rêvez...
            Ensuite, est ce meprisable de diffuser en France la connaissance en français ? Ces conf nationale ne sont absolument pas considérées en France et les chercheurs qui y vont remplissent une mission de service public (en sciences dures en tous cas).
            Est ce méprisable ?

            >Les modes de recherches sont donc reellements differents et pour moi ce n’est pas comparable. Qu’on applique les >politiques americaines et apres on pourra comparer les dotations.

            Juste une question : trouvez vous ce système si exceptionnel qu’il faille l’appliquer absolument partout dans le monde et notamment en France ?

            >Enfin la recherche francaise ne doit pas etre si mauvaise que ca vu que dans l’universite qui gere l’agence >gouvernementale pour laquelle je travaille, il y a, dans mon domaine, 85% de francais...

            Content de vous voir admettre ça.
            Seulement, je mettrais juste ça sur le compte du peu de reconnaissance de la recherche en France.


            • Patrick Gaudray Patrick Gaudray 18 octobre 2008 23:18

              Merci à Frederic, mat, armand, Laurent, et Kabyle d’Espagne, qui ont enrichi cet article de leurs commentaires. Au-delà des passions légitimes et des maladresses, on ressent bien le malaise que font naître des mesures inadaptées supposées remédier à un mal dont le diagnostic est souvent approximatif.
              ................. A moins qu’il soit de parti pris ?


            • Laurent 18 octobre 2008 23:54

              @ mat

              Je crois qu’on ne s’est pas bien compris. J’essayais juste de dire que aux EU, les chercheurs gagnent plus qu’en france mais ont des contraintes que les chercheurs francais que je connais accepteraient difficilement.
              Je vais tenter de repondre a vos questions :

              > J’ai du mal à saisir cette phrase. Rapporter son cout, couvrir son coût ?

              Mon cout est estime a $250 000 annuels. Il faut donc que je fasse rentrer par des projets au moins $250 000 par an au lab sous peine d’etre congedie.

              > J’ai egalement un peu de mal avec cette phrase. "Taper une conf" ?

              Je veux dire par "taper une conf" : avoir une publi acceptee dans un conf. Ensuite le fait qu’on compte le nombre de publis refusees fait baisser notre evaluation. Exemple : 2 publis acceptees, 2 refusees : bilan annuel nul. Attention, c’est la politique de mon lab, je ne generalise pas.

              > La pointeuse est un vrai risque pour l’organisme payeur en France !

              On ne s’est pas bien compris. Si je marque 40h / semaine, j’ai un salaire plein. Si je marque 50h, j’ai le meme salaire. Si je marque 20h, j’en ai que la moitie.

              > Est ce que cela signifie que la vision utilitariste de la recherche est la seule valable ?
              > Est ce que cela signifie que vous regrettez que ce système ne soit pas appliqué" en France ?
              > Est ce une leçon que vous donnez au chercheurs français ?
              > Faut il menacer les chercheurs français ?

              Ai-je dis tout ca ? je dis juste que pour etre paye plus, il faut avoir plus d’argent. Et pour avoir plus d’argent, la solution retenue par les USA est de collaborer avec le prive. Une chose qui passe difficilement en France. Mon avis est que de toute facon il faut collaborer avec le prive et c’est une solution que personnelement je transpose en france en travaillant avec des societes et l’ANR. Maintenant ceux qui ne veulent pas font ce qu’ils veulent mais qu’ils ne se plaignent pas de gagner une misere.

              > Citez moi UNE SEULE conf nationale qui compterait dans un CV de chercheur.
              > Vous rêvez...

              On a pas du voir les memes comissions d’evaluation alors. Dans celles que j’ai pu voir, la longueur de la liste du nombre de publi etait primordiale quelle que soient la qualite de la conf. De toute facons la on deborde du cadre pour parler du processus de recrutement. Je ne prefere pas m’etendre tant celui-ci me parait etre opaque et politique.
              Concernant les confs francaises, je ne vois pas la mission de service publique dont vous parlez vu que generalement les papiers qui y sont presentes sont des papiers deja presentes en anglais ou refuses dans une conf internationnale. Encore une fois n’y voyez pas malice et pensez bien que je le regrette.
              Quant a la connaissance diffusee en francais, oui, pourquoi pas. Mais je suis desole de vous dire que la langue de la recherche est l’anglais. Et heureusement qu’il n’y en a qu’une seule car je me vois mal apprendre le japonais, le mandarin, l’arabe pour pouvoir faire un etat de l’art convenable. Pensez bien que je prefererai que se soit le francais mais malheureusement ce n’est pas cette langue.

              > Juste une question : trouvez vous ce système si exceptionnel qu’il faille l’appliquer absolument partout dans le monde et notamment en France ?

              Mais ou ai je dit ca ? Je presente juste mon experience americaine et je dis juste que la recherche la bas est differente. On gagne plus mais on a plus de contraintes. Ai-je dis qu’il faut appliquer ce modele partout ?
              Ai je dit que ce modele est le meilleur ?
              Simplement j’entends souvent les chercheurs comparer les dotations et les payes en france et aux usa. Je les entends plus rarement raconter les contraintes presentes ici. Et encore moins partir aux usa pour enfin toucher l’argent tant merite selon eux. Je me demande bien d’ailleurs si il y a une fuite de cerveaux hormis pour les post-docs mais qui souvent reviennent car justement ils preferent une paye moindre mais une qualite de vie superieure.

              Maintenant ca depends peut etre des domaines, je parle ici du mien, l’informatique.

              Cordialement,

              Laurent



            • Patrick Gaudray Patrick Gaudray 19 octobre 2008 10:48

              Merci de ces mises au point. En effet, signaler que vous êtes dans le domaine de l’informatique est important, car l’évaluation des recherches, en particulier, est très dépendante du domaine concerné. Et heureusement !
              Je peux vous dire qu’en biologie, les conférences avec actes ne sont pas prises en compte comme le sont les publication sdan sdes revues internationales avec comité de lecture.
              Mais, quelle que soit la discipline, ceux qui nous dispense des moyens pour travailler ne sont sensibles qu’à une petite lettre : A, B, ou C. Si l’évaluation peut être riche au niveau des comités scientifiques, ce qu’on en fait à partir de là est pitoyable et très réducteur.
              Maintenant, si je comprends votre message au suje de la comparaison entre USA et France, et si j’admets bien volontiers qu’il faut accepter des contraintes de nature différentes suivant le système dans lequel on se situe, je me refuse à imaginer que nous n’avons le choix qu’entre ces deux modèles : Liberté ou moyens matériels.


            • mat 19 octobre 2008 17:08

              >Je crois qu’on ne s’est pas bien compris. J’essayais juste de dire que aux EU, les chercheurs gagnent plus >qu’en france mais ont des contraintes que les chercheurs francais que je connais accepteraient difficilement.
              >Je vais tenter de repondre a vos questions :

              Notez bien que je me focalisais sur le budget du laboratoire, plus que des salaires.

              >Mon cout est estime a $250 000 annuels. Il faut donc que je fasse rentrer par des projets au moins $250 000 par >an au lab sous peine d’etre congedie.


              >Je veux dire par "taper une conf" : avoir une publi acceptee dans un conf. Ensuite le fait qu’on compte le nombre >de publis refusees fait baisser notre evaluation. Exemple : 2 publis acceptees, 2 refusees : bilan annuel nul. >Attention, c’est la politique de mon lab, je ne generalise pas.

              Effectivement, je n’avais jamais entendu parler de ce genre de système, qui me paraît bien dur. Une publi même refusée n’est pas une perte de temps, loin s’en faut.

              >Ai-je dis tout ca ?

              Certes non, mais vous n’avez pas tiré de conclusion de ces affirmations. On savait donc pas trop quoi en conclure. Le ton un peu sarcastique m’a laissé imaginer le reste

              >je dis juste que pour etre paye plus, il faut avoir plus d’argent. Et pour avoir plus d’argent,

              C’est vrai, mais je ne pense toutefois pas dire de bêtise en affirmant que la part du financement public de la recherche en France est un des plus faibles du monde occidental.

              >la solution retenue par les USA est de collaborer avec le prive. Une chose qui passe difficilement en France.

              Le problème vient de la liberté des chercheurs associé au privé. La recherche doit elle être pilotée par les investisseurs ?
               
              >Mon avis est que de toute facon il faut collaborer avec le prive et c’est une solution que personnelement je transpose en >france en travaillant avec des societes et l’ANR. Maintenant ceux qui ne veulent pas font ce qu’ils >veulent mais qu’ils ne se >plaignent pas de gagner une misere.

              Je suppose que l’informatique permet d’être positif sur le sujet. Je travaille dans un laboratoire de physique où nous avons construit un prototype qui aurait de multiples applications dans le domaine biomédical et industriel.
              Si je vous disais que tous nos contacts industriels (français ou étrangers) ont été d’une frilosité extrême alors que le prototype fonctionne déjà parfaitement ?
              A les écouter, il faudrait quasiment produire industriellement notre prototype et revenir les voir pour qu’ils jouent les commerciaux.
              Mon expérience ne me permet pas d’etre positif sur le sujet.
              Même lors de collaborations avec de grands groupes (sagem ou alcatel pour ne pas les citer), nous avons du mal à tirer un petit financement de stage.

              > Citez moi UNE SEULE conf nationale qui compterait dans un CV de chercheur.
              > Vous rêvez...

              >On a pas du voir les memes comissions d’evaluation alors. Dans celles que j’ai pu voir, la longueur de la liste du
              >nombre de publi etait primordiale quelle que soient la qualite de la conf.

              Il est exact que la longueur de la liste de publis comptent beaucoup et ce, sur un aspect purement quantitatif. système ridicule.
              Les conférences orales, c’est bien d’y aller, mais je connais des rapporteurs qui ne regardent même pas la liste.

              >De toute facons la on deborde du cadre pour parler du processus de recrutement. Je ne prefere pas m’etendre >tant celui-ci me parait etre opaque et politique.

              Le problème est récurrent dans les discussions. J’ai personnllement eu la chance de tomber dans un endroit où je ne connaissais personne, mais dont le concours était ouvert.

              >Concernant les confs francaises, je ne vois pas la mission de service publique dont vous parlez vu que
              >generalement les papiers qui y sont presentes sont des papiers deja presentes en anglais ou refuses dans une
              >conf internationnale.

              vous avez un a priori sur ces conférences, dirait on 8). Faites un effort et imaginez que ces conf présentent de façon synthétique de vraies nouveautés à des gens d’horizons multiples. Ces conférences permettent d’abord de diffuser la connaissance en français (sur un travail payé par l’argent public), mais aussi les croisements interdisciplinaires, permettent de monter des collaborations nationales, permettent aux jeunes chercheurs de rencontrer des chercheurs d’autres labos...
              On a parfois tendance à monter des collaborations à l’autre bout de la planète en oubliant les voisins. 
              Bref, les conf internationales ne sont pas excluses des confs nationales.

              >Encore une fois n’y voyez pas malice et pensez bien que je le regrette.
              >Quant a la connaissance diffusee en francais, oui, pourquoi pas. Mais je suis desole de vous dire que la langue >de la recherche est l’anglais.

              L’anglais n’est pas la langue de la recherche, mais la langue véhiculaire de la recherche. Ok, dans notre débat cela revient au même.

              >Et heureusement qu’il n’y en a qu’une seule car je me vois mal apprendre le japonais, le mandarin, l’arabe
              >pour pouvoir faire un etat de l’art convenable.

              Oui, oui, je suis bien d’accord avec vous, évidemment que je préfère que ce soit en anglais plutôt qu’en mandarin. Cela dit, je suis toujours surpris de voir que des journaux existent en japonais, en chinois, en allemand... Il ya 25 ans, la France, apres avoir fait le deuil d’une certaine résistance, a plongé dans l’excès inverse des nouveaux convertis.
              En France, un chercheur qui arriverait à trouver un journal en français avec comité de lecture aurait sans doute honte de mettre cette publi dans son CV (je n’ai moi meme aucune publis en français).
              On en arrive à des extrémités. Au Japon, on demande aux chercheurs de publier préférentiellement dans les revues japonaises, puis dans les revues étrangères. C’est aussi une façon d’avoir la primeur des recherches payées par l’argent public..
              En France, il n’existe plus de sciences en français. Cette logique n’est elle pas un peu binaire ?
              Le "publish or perish", avec "facteur d’impact", "index de citations", est en partie responsable de ça, en menant à la multiplication des papiers.
              Mais bon, je digresse...

              >Pensez bien que je prefererai que se soit le francais mais malheureusement ce n’est pas cette langue.

              Encore une fois, je ne dis pas qu’il faudrait que le français soit langue véhiculaire au détriment d’une autre,
              mais simplement qu’il doit exister une recherche en français .

              >Mais ou ai je dit ca ? Je presente juste mon experience americaine et je dis juste que la recherche la bas est >differente. On gagne plus mais on a plus de contraintes. Ai-je dis qu’il faut appliquer ce modele partout ?
              >Ai je dit que ce modele est le meilleur ?

              Comme vous critiquiez le système français, j’en ai conclu que celui que vous mettiez en contradiction devait être meilleur.

              >Simplement j’entends souvent les chercheurs comparer les dotations et les payes en france et aux usa.

              Je ne pense pas qu’il n y ait que les USA. Le supérieur est le parent pauvre des ministères en France, avec une dotation bien faible à côté de nos voisins européens.
              Malgré cela, la politique actuelle consiste à dire que le probleme vient de 90% des chercheurs qui seraient nuls et/ou des tricheurs ne voulant pas bosser. La pilule est un peu dure à avaler.
               
              >Je les entends >plus rarement raconter les contraintes presentes ici. Et encore moins partir aux usa
              >Je me demande bien d’ailleurs si il y a une fuite de cerveaux hormis pour les post-docs mais
              >qui souvent reviennent car justement ils preferent une paye moindre mais une qualite de vie superieure.

              Je ne vois pas en quoi cela touche le fond du problème de la recherche en France. Les chercheurs veulent discuter d’un problème franco-français, vous leur répondez "partez aux USA si c’est mieux !". Le débat ne va pas avancer beaucoup. Comme vous le soulignez, les comparaisons semblent justement un peu hasardeuses : les deux systèmes sont différents.

              Partir aux USA est d’abord un choix de vie. Lâcher famille, amis et entrainer femme, enfants et bêtement, sa vie à l’étranger n’est pas un choix anodin. Je doute d’ailleurs que tous les post docs en poste là bas aient vraiment envie de rester.
               
              >Maintenant ca depends peut etre des domaines, je parle ici du mien, l’informatique.

              Je ne connais pas trop la discipline, si ce n’est par les collègues. J’avais pourtant l’impression que c’etait un peu mieux qu’en physique, en terme,de poste et de moyens (pas de gros financement comme en sciences expérimentales).

              J’ai en tous cas un peu mieux cernés votre précédent message. Il me semble etre d’accord sur la plupart des points.





            • uchimizu uchimizu 19 octobre 2008 10:34

              Bonjour,

              je ne suis pas chercheur, mais je cottoie un peu ce milieu. Je crois qu’il ne faut d’abord pas dénigrer la recherche publique française : dans certains domaines, en particulier ceux qui nécessitent comme seul investissement un papier et un crayon comme les mathématiques ou la physique théorique, je crois que la recherche de notre pays est généralement de qualité.

              On m’a parlé de deux problèmes avec la recherche française : les salaires, et une structure sclérosée, en particulier au CNRS, avec nombre de chercheurs "installés" qui n’ont pas une productivité exceptionnelle. Dans beaucoup de domaines, il semble que, comme dans le sport de haut niveau, l’on soit vraiment productif jusqu’à 35 ou 40 ans, et qu’après, on soit mieux adapté à un rôle d’encadrement de jeunes chercheurs ou de gestion. Il faudrait donc pouvoir garder les meilleurs chercheurs d’expérience pour encadrer les labos, et proposer aux autres une seconde carrière, par exemple dans l’enseignement, mais aussi pourquoi pas dans la R&D ou des domaines connexes.

              Il n’y a rien d’insultant à cela, et c’est aussi le cas dans beaucoup d’autres domaines : par exemple tous les ingénieurs ne pourront devenir responsables du bureau d’étude ou ingénieurs en chef d’un projet : beaucoup partirons donc vers d’autres fonctions passé un certain âge.

              Il me semble donc évident qu’un système échangeant plus de flexibilité (et sans doute plus de contrôle) contre une rémunération plus élevée des jeunes chercheurs serait bénéfique à la collectivité. Evidemment, ceux qui ont une "bonne planque" ne seront pas forcément satisfaits d’une telle réforme.


              • Patrick Gaudray Patrick Gaudray 19 octobre 2008 11:02

                Je pourrais éventuellement êtr d’accord avec vous, mais à deux conditions. La première serait que l’on puisse un jour se mettre d’accord sur ce qu’est la productivité d’un chercheur. Lorsqu’on me parle de productivité, j’entends une évaluation quantitative, et là je ne suis plus du tout d’accord. Le mot possède en lui-même quelque chose de sulfureux lorsqu’on l’applique à la créativité et à l’avancée des connaissances. La seconde condition serait que vous ne parliez pas d’âge, car ce n’est pas là le problème. J’ai un ami américain qui, à 78 ans, est plus créatif que bien des jeunes chercheurs. L’intérêt d’un organisme de recherche comme le CNRS, s’il avait les moyens de bien faire son travail, est de pouvoir assurer un suivi personnalisé de ses chercheurs, et de leur proposer de s’orienter vers un des nombreux métiers de la recherche. Là encore, une évaluation de qualité permet de valoriser les femmes et les hommes qui sont la réelle richesse de la recherche publique, en leur permettant de contribuer au mieux à ce qui est, après tout, un effort commun : la Science.

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