Le travail à la chaîne, poison de nos sociétés
Le travail à la chaîne paraît être une excellente idée, puisque avec ce mode de production, on produit plus et mieux en moins de temps. En tout cas, sur le papier, car dans les faits, le travail à la chaîne souffre de nombreux problèmes et dysfonctionnements, de plus en plus rares sont les personnes à les mettre en avant, faute d’alternatives.
A l’origine, beaucoup pensent que l’inventeur du travail à la chaîne est Henry Ford, mais beaucoup se trompent : en réalité, il s’est inspiré des méthodes des abattoirs, et le travail à la chaîne a été pensé depuis bien plus longtemps.
De nos jours, le travail à la chaîne fait partie intégrante de nos sociétés, de nos vies et de nos moyens de production. Il paraît impensable de vivre sans, et ceci, dans la plupart des domaines : alimentation, électronique, automobiles, etc. Pourtant, de façon ironique, certains essayent vainement de s’opposer à de nouveaux projets, comme cette pétition contre les fermes usines, et de nombreuses autres pour dénoncer certaines fermes usines déjà actives ou en projet.
Pourquoi est-ce ironique ? Car simplement s’opposer à ces projets sans autre argumentation que la souffrance animale, cela n’a aucun poids, tout simplement car l’intérêt premier du travail à la chaîne, son intérêt principal, ce n’est non pas de pouvoir produire suffisamment face à la surpopulation toujours plus croissante, mais bel et bien d’engendrer un maximum d’argent.
Et c’est bien là le problème premier du travail à la chaîne : ce mode de production n’a que seul intérêt de maximiser les bénéfices. Le travail à la chaîne n’a pas pour but de satisfaire la demande, sinon, la faim dans le monde n’existerait plus, et il n’est pas non plus fait pour pouvoir suivre la demande, comme si les autres moyens de production ne pouvait pas suffisamment produire : preuve avec les nombreux arrêts de chaînes et chômage techniques liés à une surproduction temporaire, ce qui signifie bien que ce mode de production produit trop, d’autres moyens arriveraient certainement à un résultat satisfaisant la demande, sauf peut être dans le domaine de l’alimentation, ou les projets de fermes usines se multiplient en France et ailleurs. Et c’est bien la toute l’ironie de la situation et des signataires des diverses pétitions : pourquoi tout ces projets ? Car la demande augmente et la concurrence force à faire baisser les prix : résultat, pour être le plus rentable possible, il faut produire plus à moindre coût, la solution des fermes usines est toute trouvée. Cette surenchère dans la production n’a pour unique but que d’augmenter les bénéfices tout en réduisant les prix.
Alors, comment contrer cette tendance ? Signer des pétitions n’aura aucun effet, car ces fermes usines sont la tendance de la rentabilité maximum. Et pourquoi correspondent-elles à la tendance de l’économie ? Parce que leur but est atteint : la production est vendue. Signer les pétitions et continuer de manger la même quantité de viande revient à s’alarmer sur la baignoire qui fuit, épongeant continuellement la salle de bain sans penser à fermer le robinet qui alimente la fuite ni à combler le trou .
Mais en dehors de la schizophrénie de certains consommateurs, en réalité, le travail à la chaîne pose de nombreux autres problèmes.
En premier lieu, pour rester sur le thème animal et la production de viande, il y a bien sur la destruction totale des personnalités des animaux transformé en « stock », « viande », « bétail », « bêtes », « lot », termes qui sont très loin de faire ne serait-ce imaginer que derrière, il y a des individus doués de sensibilité…
Et en dehors de ce côté écologique totalement écrasé, du côté humain, ce n’est guère mieux… D’abord, niveau qualité, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, le travail à la chaîne n’est pas des plus irréprochables qui soit. Certes, il y a des standards qualité et de nombreux contrôles, mais malgré cela, le but du travail à la chaîne reste la rentabilité maximum, à comprendre : perdre le moins de temps possible, puisque le temps, c’est de l’argent. On va donc s’arranger pour que la qualité globale reste la meilleure possible, mais ceci, en dépit des nombreux incidents qui peuvent arriver en cours de chaîne, matériel ou personnel oblige : la qualité sera seulement « bonne », jamais excellente, et lorsqu’un incident survient, lorsque le matériel fait défaut ou qu’une erreur a été commise, toujours pour une question de rentabilité, on ne jettera que rarement le matériel, et on fera tout pour pouvoir le réutiliser, quitte à faire des magouilles sur sa qualité. Même lorsqu’il devrait être jeté, il peut très bien être maquillé pour être réutilisé, quitte à piétiner les lois, l’éthique et le risque de sécurité, comme le démontre le livre « omerta sur la viande », mais ceci concerne, une fois encore, tout les secteurs. Des housses de sièges déchirées mais recousues à la va vite tout en cachant au mieux la déchirure, du chocolat tombé par terre et remis sur la chaîne, réparation d’un appareil en pataugeant dans la mousse de chocolat sans lavement préalable qui sera réutilisée… Il suffit de travailler quelques semaines voir jours pour pouvoir assister soi même à de nombreux manquements aux règlements, et inutile de s’offusquer ou de dénoncer, la course à la vitesse et à la rentabilité est rapidement gravé sur chaque salarié.
Et les salariés, parlons-en : en plus d’une éthique inexistante sur la marchandise, de manquements aux règles les plus élémentaires, d’une qualité oscillant entre médiocre et moyenne, le personnel n’est pas vraiment mieux loti, bien au contraire.
Soumis à la pression de la rentabilité, ils doivent rapidement prendre le pli de la course à la productivité : les lents sont vite écartés, et, pour une cohésion de groupe, mais surtout pour une cohésion hiérarchique –le chef a toujours raison- les éléments perturbateurs sont tout aussi vite renvoyés.
Et quand on parle d’éléments perturbateurs, ne croyez pas qu’il s’agit de personnes qui se battent, ne font pas leur travail ou sabotent le matériel : il en faut bien moins que ça pour se faire renvoyer. Ne pas faire exactement ce qu’on vous demande, n’être pas assez rapide, être trop bavard, remettre en question votre supérieur, en général, suffit pour vous faire renvoyer.
A cela il faut ajouter les cadences infernales de la production, il faut toujours être plus rapide, toujours en faire plus, les repas sont minutées comme les pauses qui sont quasiment chronométrées. En plus de cela, le travail en lui-même est souvent difficile et nécessite une bonne condition physique du fait de positions ou de manipulations pénibles : rester toute la journée en position debout, devoir porter de lourdes charges, et cela, 8 heures d’affilés ou plus, à faire les mêmes gestes une infinité de fois. Et justement, à ce sujet, le travail à la chaîne, c’est aussi un travail répétitif, totalement dénué d’intérêt. Des changements de poste ont bien lieu pour éviter que l’ouvrier ne s’ennuie de trop, mais même en changeant de poste, l’ennui revient au bout de quelques minutes, puisque les postes sont simples à réaliser, et quand bien même il y a des postes plus techniques, du fait de leur répétitivité, le coup de main est pris en quelques heures tout au plus.
Et tout cela pour une paie souvent proche du SMIC : dans tout les cas, l’ouvrier n’a rien de mieux à gagner que la simple subsistance de sa vie, ce qui est bien peu par rapport aux dégâts psychologiques et physiques que lui fait subir le travail à la chaîne.
D’un point de vue social plus large, le travail à la chaîne est tout aussi catastrophique : production aberrante de produits qualitativement moyens, destruction de l’environnement, baisse des prix fragilisant le marché, dépendance de la mondialisation…
Non, décidément, le travail à la chaîne n’a rien pour lui, mis à part pour les personnes qui se tiennent en haut des ficelles : pour tout les autres, le travail à la chaîne est une catastrophe ambulante qu’il serait temps de remettre en question puis de supprimer.
Et pour ce faire, plutôt que de signer des pétitions ou de s’offusquer oralement, il existe un moyen concret de s’opposer au travail à la chaîne : ne plus le financer, c’est-à-dire, consommer autrement, ne plus consommer les produits issus de ces chaînes. L’industrialisation de nos sociétés, de nos vies, du vivant en général, est certainement le point culminant de notre société, l’étape juste avant son effondrement, de nombreux indicateurs nous l’indiquent, et même sans ces indicateurs, un minimum de conscience moral nous met en alerte. Alors, plutôt que subir l’après, pourquoi ne pas le penser, le construire directement ? Consommer local, revoyez vos ambitions, votre consommation, vos déplacements, vos dépenses en général. Chaque dépense est un investissement dans l’avenir, alors, sachez choisir un avenir durable, un avenir humaniste.
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