Le fabuleux monde de l’édition – L’envoi d’un manuscrit
On dit le monde de l’édition littéraire hermétique, hostile aux nouveaux arrivants, refermé sur lui-même.
Qu’en est-il vraiment de cette forteresse obscure ? Et surtout : comment y pénétrer ?
C’est une bonne question que je me suis souvent posée (soyons honnêtes pas seulement pour le monde de l’édition (Samantha, si tu m’entends)).
J’aurais d’ailleurs pu écrire sur la quête de l’amour qui est un sujet encore plus vaste, mais je ne suis pas sûr que cela vous passionne (ajouté au fait que je ne suis pas le plus grand quêteur de l’histoire, ma technique c’est plutôt la passivité attentive si vous voyez ce que je veux dire (si ça peut tomber tout cuit, c’est ça de gagné question énergie (et pour supporter une femme il en faut de l’énergie))).
Bref, revenons à l’édition, et pour conclure cette introduction un peu longue, le premier qui me dit « C’est gonflé de la part d’un auteur pas édité de parler du meilleur moyen de trouver un éditeur »… aura raison.
1 – Un auteur averti
Cher lecteur, si tu as atterri ici, c’est que la recherche d’un éditeur t’interpelle, ou même que peut-être tu as toi-même écrit un manuscrit, et tu te demandes : et maintenant, comment que je fais ?
Bon ben on va dire que c’est le début des emmerdes, hein ?
Tu crois que t’es arrivé parce que t’as réussi à pondre 150 pages de probable daube (ce sont les statistiques qui parlent, pas moi (même si je le pense aussi)).
Crois-moi, écrire, c’est le plus facile.
Avant, t’étais peinard.
T’étais un loser, mais dans ton coin, tranquille, allongé sur une peau de bête devant le feu qui crépite et ton chat qui ronronne (si t’as pas de chat, va falloir en acheter un, ça fait très écrivain (un peu comme l’écharpe blanche et l’haleine de poivrot)).
Là maintenant, tu vas être jugé (enfin, ton « œuvre » va l’être). Bon, déjà, réglons un point. C’est pas une « œuvre », hein ? Ou alors, juste entre guillemets. Des mecs qui se prennent pour le futur Goncourt, y’en pleins les rues (et même les avenues et les boulevards). Donc, pour l’instant, t’as rien que quelques photocopies sans aucune valeur marchande (et l’éditeur est pas là pour faire dans le social, il est là pour faire du blé, du flouze, du cash, pour se payer un écran plat, pour acheter un bijou à sa poule ou la botoxer suivant son âge, pour aller skier à Courchevel ou chier dans ses toilettes désignées par Starck, que sais-je encore).
Le but, ça va donc être de faire croire à quelqu’un (qui en a vu d’autres le bougre) que ton paquet de signes vaut quelque chose. Et ça, mon pote, c’est pas gagné.
2 – Soyons concrets
J’accueille ce matin, un certain J-F (qui préfère rester anonyme, comme on le comprend) et qui me pose les questions suivantes, ce qui va m’aider à structure un peu ce bordel, bordel.
Vaut-il mieux envoyer le manuscrit par la poste ou l’amener directement chez l’éditeur ?
Alors, déjà tu vas apprendre à parler français (« vaut-il mieux », c’est vraiment très moche). Donc, ton manuscrit, tu vas me le relire illico-presto. Chaque faute d’orthographe ou de grammaire t’éloigne un peu plus de la publication, sache-le. Ça paraît con, mais c’est tellement vrai. Ton manuscrit, il va d’abord être lu par un stagiaire payé des clopinettes, et à la première faute, il va rire, à la deuxième, il va passer au bouquin d’après (il aura pas une médaille à remonter un bouquin mal orthographié au comité de lecture, il va juste passer pour un con (et même pour un stagiaire, c’est grave (ils ont les mêmes problèmes que nous, les pauvres))).
D’ailleurs, petite astuce. Avant de relire sérieusement ton manuscrit, laisse-le reposer (deux ou trois semaines), puis imprime-le. Tu verras que tu trouveras toutes les fautes d’orthographe qui ne t’étaient pas apparues avant (ça marche, promis (surtout quand on est une quiche en orthographe)).
Deuxième petite astuce (je suis en forme moi ce soir !) : fais-le relire par quelqu’un d’autre. Ça paraît con dit comme ça, mais si tu savais le nombre d’ignorants qui envoient leur manuscrit sans l’avoir fait relire par quelqu’un d’autre, tu serais consterné.
Comment ? Tu ne l’as fait relire par personne (c’est marrant, je m’en doutais un peu…).
Pour revenir à ta question, et à part si tu habites dans le 6ème arrondissement, la poste me paraît pas mal (surtout que la vue des piles de manuscrit comme le tien qui s’entasse à l’accueil de Grasset risque de te déprimer sévèrement (quelle idée de l’amener chez Grasset aussi ? Tu te prends pour Marcel Proust ?)).
Faut-il adresser son manuscrit à quelqu’un en particulier ?
Et comment ! Chez certains éditeurs, ça t’évite parfois le passage par le stagiaire, donc y’a pas à tortiller comme on dit. Evidemment, essaye d’éviter d’envoyer une daube à un mec connu, la prochaine fois y’a un risque qu’il se rappelle de toi…
Ben oui, mais moi je connais personne…
Hé ben bravo (ceci dit, le contraire m’eut étonné). Tu n’as plus qu’à aller traîner sur Google et sur les forums d’auteur, tu verras que tu trouveras pleins de noms que tu pourras toujours prétendre connaître en écrivant ton courrier. Pas mal aussi de dire que tu écris de la part d’un auteur de chez eux qui est vaguement ami avec toi sur Facebook, le mec ira jamais vérifier de toute manière.
Un courrier, quel courrier ?
Mais le courrier d’accompagnement de ton manuscrit pardi ! Déjà qu’un manuscrit c’est une bouteille à la mer, si en plus t’essayes pas de vendre ta sauce, ta bouteille elle va naviguer sans jamais arriver à destination… Le courrier : simple, direct, humble, et quelques infos sur toi. Eventuellement, un synopsis (humble, modeste) en ligne avec ton type d’écriture (inutile d’essayer de faire de l’humour si c’est un bouquin sur la Shoah, tu vois ? L’inverse est vrai aussi d’ailleurs (même si c’est plus dur de parler de Shoah dans une lettre d’accompagnement, ok tu marques un point)).
J’ai dit qu’il fallait que tu sois humble ?
Combien de temps ils mettent pour répondre ?
Petite anecdote. J’ai reçu il y a quelques jours une lettre de JC Lattès, 9 mois après l’envoi d’un manuscrit (9 mois !). Cette attente n’a accouché que d’une lettre de refus (sympathique, mais de refus tout de même), mais ceci illustre bien le problème. Les éditeurs reçoivent des tonnes de manuscrits. Un directeur littéraire de chez Grasset ou Gallimard a plus de deux cent manuscrits de types qu’il connaît (qu’il connaît vraiment, hein ?) sur son bureau, donc tu vois le tableau. En général, plus ils répondent vite, moins c’est bon signe. En effet, les éditeurs fonctionnent par cercle concentrique : les stagiaires d’abord, puis des comités de lecture de plus en plus restreints, l’arbitrage final étant souvent laissé à une ou deux personnes. Et ça, mon pote, ça prend du temps (au moins 9 mois chez Lattès manifestement).
Si je n’ai pas de nouvelles, dois-je les relancer ?
Malheureux, surtout pas ! Tu veux passer pour un boulet ? Déjà que tu m’as pas l’air bien futé…
A quels éditeurs dois-je envoyer mon manuscrit ?
C’est bien, c’est déjà une question plus intéressante. Le plus simple est de ‘cibler’ un minimum, sinon tu vas claquer tous tes droits d’auteurs (ceux que tu recevras peut-être un jour) chez Copy-top. Imprimes-en dix. Cible dix gros qui pourraient être intéressés. Après trois mois, quand t’auras toutes tes lettres de refus, tu descends d’un cran dans tes prétentions, et tu renvoies les dix à des éditeurs de taille moyenne (en enlevant les lettres de refus, c’est mieux), etc. Tu comprends le concept ? (c’est un peu long, mais plus efficace comme on dit).
Et si personne ne veut de mon manuscrit ?
Cela fera de toi un auteur pas très original (très peu de manuscrits de nouvel auteur sont acceptés chez une maison d’édition classique). Il ne te reste plus qu’à cibler les maisons d’édition régionales, ou éditer toi-même ton bouquin.
Petit conseil : fuis l’édition à compte d’auteur (je t’aurai prévenu).
Qu’est-ce qui te permet de donner des conseils, toi qui n’es rien ?
C’est pas faux. Mais, c’est justement dans l’adversité que tu apprends, et chaque coup dans la tronche te rapproche de la connaissance (à part quand tu fais du free fight, là ça te rapproche juste un peu plus de Jean-Claude Van Damme).
Mieux vaut un moins que rien qui donne des conseils que Houellebecq, non ? Il a du talent, lui.
Et donc, si tu comprends comment un nullos fait, ce sera moins loin de ta réalité (ceci dit sans vouloir te vexer).
Bon allez, J-F, tu me gonfles et j’ai du boulot (heureusement que je t’ai dit de pas faire ton boulet).
Je dois aller à la Poste (et y’a pas vraiment marqué la Poste sur ton front, si tu vois ce que je veux dire).
Ciao la compagnie.
Et surtout, restez humble (un peu comme moi, quoi).
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