Le chômage et le risque de ne plus travailler
Et si nos problèmes de chômage étaient d'abord liés à notre modèle social et à des risques que plus personne ne veut assumer ?
Rien ne semble y faire (CICE, réforme du droit du travail ou encouragements à l'activité) l'emploi ne redémarre pas en France.
Malgré une conjonction de facteurs positifs (forte baisse du prix de l'énergie, taux d'intérêts presque nuls, développement économique de nombreux pays) notre pays ne sait plus profiter de la conjoncture et nous détruisons de l'activité (pas seulement salariée) alors que les "départs naturels" naturels des baby boomer étaient censés préparer le plein emploi.
Le chômage, une histoire de flux
Les optimistes inconditionnels avaient beau imaginer une France de 2020 où l'on manquerait de travailleurs (le COR phantasmait le plein emploi, soit 5 % de chômage en 2020, ce sera sans doute 20 % !), un dynamisme économique au service du pays (mais si les jeunes sortent de l'école sans compétences ni envie de travailler ils représentent plus un handicap qu'un atout).
Il n'en sera rien, non seulement le chômage continuera de monter (l'inversion se produisant peut être quand nous aurons touché le fond) mais surtout notre pays s'appauvrit continuellement en ne produisant plus grand chose, en multipliant les emplois publics et en comptant sur les régimes sociaux pour amortir nos manques de réformes courageuses.( les retraite deviendront infinançables quand il y aura 1 retraité pour 1 cotisant).
Avec la conjoncture économique mondiale actuelle nous devrions créer des emplois (pas forcément salariés) alors que la déprime économique et sociale touche presque tous les secteurs.
Quelques raisons expliquant notre déclin économique et social
Les raisons qui font chuter notre activité (et notre attractivité) me semblent être au nombre de cinq dans notre pays :
- Une école qui ne fait plus son travail depuis une quarantaine d’années .
L’école ne fait plus globalement le travail non pas parce qu’elle aurait trop changé (la réforme du collège unique n’explique pas par exemple pourquoi l’école primaire ne fonctionne plus aujourd’hui) mais au contraire parce qu'elle s'est figée dans un modèle hérité de Jules Ferry dans une société de la connaissance totalement nouvelle (à ce titre il faut consulter le palmarès des meilleurs lycées de France, palmarès qui démontre la piètre valeur ajoutée de la plupart des établissements publics)
- Un Etat qui étouffe le pays réel sous les normes, les contraintes administratives, les règlementations lourdes et complexes et l’inefficacité (la bureaucratie étant par nature inefficace, coûteuse et broyeuse de compétences)
- Une fiscalité inadaptée et un manque d'attractivité : protégeant la rente, luttant contre le travail (déclaré) elle décourage les meilleures volontés par l'impôt progressif (une punition pour ceux qui gagnent bien et officiellement leur vie), les niches sociales et fiscales et cette idée qu’il faut redistribuer avant même d’avoir récolté (notre taux d’imposition globale, régimes sociaux inclus est parmi les plus élevé du monde développé). La France n'est pas business friendly et certains ont encore le tort de s'en féliciter
- Une insuffisante qualification de la population. La piètre qualité de notre école se retrouve évidemment quelques années plus tard au travail et l’OCDE (dans son étude PIAAC de 2013) a bien souligné qu’aux deux extrémités du spectre professionnel (parmi les bas niveaux de qualification mais aussi parmi les plus hauts niveaux de qualification) les français étaient bien moins compétents et qualifiés que les travailleurs des autres pays comparables. Un seul chiffre pour illustrer ce manque de compétences : en anglais, 4% des Français pourraient revendiquer un niveau "advanced", qualification requise pour occuper un poste de cadre à l’international
- Un modèle social qui assèche littéralement les ressources des entreprises (charges, CSG, congés innombrables, pénibilité, contentieux juridiques, lourdeurs administratives, bientôt le prélèvement de l’impôt pour le compte de l'Etat…) tout en les poussant à se reposer sur l’Etat pour assumer les reconversions professionnelles ou la santé des travailleurs (à qui bon enrichir le travail si le travail non qualifié est subventionné ?)
Une France devenant une sorte d'idiote du village planétaire
Non seulement notre pays est bien loin d’avoir trouvé la martingale sociale et éducative pour le XXI ème siècle (et les réformes entrevues chez les Républicains seront bien insuffisantes pour nous permettre de nous ressaisir) mais plus ennuyeux encore nous devenons les idiots du village planétaire
- En important tout ce que nous n’avons plus le courage ou la capacité de produire. Non seulement nous sommes devenus incapables de produire les ordinateurs ou les téléphones dont nous sommes tellement friands mais les voitures, les produits alimentaires de base (œufs, poulets, porcs, poissons ou fruits-légumes) ou même les matériaux de construction sont désormais massivement importés alors que nous avions des positions hégémoniques il y a encore 15 ans dans ces domaines
- En « important » des travailleurs alors que nous ne voulons plus réaliser de travaux difficiles, salissants ou nous occuper du social (les maisons de retraite, les hôpitaux pas plus que les chantiers ne pourraient fonctionner sans personnels d’origine étrangère)
- En empruntant tous les jours 500 millions d’euros non pas pour investir dans des programmes d’avenir (mais quelles sont les infrastructures dont nous manquerions aujourd’hui ?) mais pour assurer nos fins de mois sociales et les paies des fonctionnaires (ne parlons pas des retraites futures des fonctionnaires, aucunement provisionnées et qui ne pourront plus être payées si la finance mondiale cesse un jour de nous alimenter en argent frais)
- En bloquant toutes les réformes d’envergure (retraite, code du travail, éducation) pour tenter de faire jouer les prolongations au XX ème siècle
- En nous accrochant à des idéologies mortes ou muséifiées (le communisme, le socialisme, la capitalisme...)
Le travail aujourd’hui a totalement changé mais nous refusons de l’admettre
Nous ne sommes plus en 1960 quand le travail était massif et que les politiques économiques consistaient dans la répartition des parts (plus ou moins équitables) du "gâteau".
Le gâteau demain sera de plus en plus sec et de moins en moins bien réparti car désormais le travail est devenu tout à la fois :
- Une prise de risques financiers dans un pays qui n’a globalement plus de cash (ou enfoui dans la pierre et les livrets d’épargne)
- Un pari sur l’avenir dans un pays qui souhaite récolter avant de semer (la cagnotte dépensée avant même d’exister ou de prospérer)
- Une mobilisation sans cesse renouvelée des ressources intellectuelles de chaque travailleur.
Les pouvoirs publics, toujours à la recherche de gadgets sociaux, ont cru bon inventer « le droit à la déconnexion » alors que personne ne veut comprendre que c’est d’engagement cognitif intense dont ont besoin les travailleurs, que le risque est de laisser s’étioler notre cerveau est bien plus important que celui de trop le solliciter - Un don de soi et une valeur (en voie d’extinction avec les pseudos droits sociaux accordés à crédit par tous les gouvernements depuis 1981)
Le chômage de masse perdurera donc tant que nous ne nous interrogerons pas sur le travail aujourd’hui, son rôle, ses compétiteurs (les loisirs mais aussi les pays laborieux et pauvres qui veulent s’en sortir) et que nous nous croirons éternellement bénis des dieux, protégés du monde derrière nos frontières (mentales, sociales, idéologiques ou physiques).
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