La grève générale – unique issue pour les enseignants
Le corps enseignant est en deuil, mais saura-t-il penser l'avenir de sa mission, et à travers elle l'avenir du pays ?
Comme tous les citoyens de ce pays, je suis accablé par la tragédie ayant touché Samuel Paty, et je tiens à exprimer en premier lieu mon respect pour la mission d'enseignement. Mais pour que de telles atrocités ne se reproduisent pas, il faut surmonter l'accablement et penser la tragédie plus sourde qui touche le corps enseignant depuis déjà bien longtemps.
La noble mission historique de l'éducation nationale a été remplacée par celle de garderie nationale. En ce sens, les enseignants sont devenus les complémentaires de la police, à savoir maintenir le plus longtemps l'illusion d'ordre dans notre pays, et surtout protéger ce que notre président considère être « la vie » (cf. son discours annonçant le couvre-feu dans de nombreuses métropoles), à savoir le métro-boulot-dodo des forces productives. Tous ceux qui ne participent pas à la mascarade de la productivité sont de facto des rebuts de la société, donc des insatisfaits et de potentiels fauteurs de troubles s'attaquant à la productivité. Plutôt que de façonner une société harmonieuse trouvant une place pour tous, la tâche a été jugée intellectuellement insurmontable par les dirigeants politiques et il a donc été en pleine conscience décidé d'obtenir l'oisiveté du surplus pour annihiler leur potentiel de nuisance. L'éducation nationale, premier employeur de France, a été naturellement élu pour la première mission de France : occuper, distraire, garder, contenir la colère qui sommeille. Si des éléments trop turbulents traversent ce filet, la police prend le relais. Cette mission implicite des enseignants se manifeste toujours plus clairement, à tel point qu'ils deviennent eux-mêmes les victimes de la folie destructrice, ciblant auparavant les policiers traditionnellement impliqués dans la gestion de la violence des criminels. Mais la violence est devenue telle qu'elle agresse désormais les premières mailles du filet de sécurité tentant de l'endiguer.
Vous pensez que j'écris ces lignes pour humilier un peu plus les enseignants ?
Non, je veux humilier la situation dans laquelle ils ont été plongés par les politiques, craignant certainement que cette population éduquée et si nombreuse (l'éducation nationale étant le premier employeur de France) s'éveille politiquement.
Cette population bénéficie en effet un niveau d'éducation devant lui permettre de participer activement aux débats de notre société, doublé de l'indispensable bienveillance pour notre peuple. Sans leur contribution et celle de tant d'autres, on nous paierai toujours de mots creux, comme la défense « des valeurs de la République » ou encore d'une idolâtrie des Lumières, à savoir un culte de la raison supposé pourfendre toute religion. Il y aurait beaucoup à dire pour penser un horizon politique par delà ces ornières, mais ce sujet sort des ambitions de cet article.
Admettons alors que le valeurs de la république, pour peu qu'elles ne soient pas celles d'Adolphe Thiers, signifient quelque chose. Pourquoi les pouvoirs publics ne cultivent-ils donc pas le respect des garants de ces valeurs que sont les enseignants ? Parce qu'il ne faudrait pas non plus que les enseignants prennent conscience de leur force politique et de leur pouvoir de nuisance bien plus grand que celui des cheminots, interrompant les moyens de transports du pays. Si tous les enseignants de France décidaient de faire la grève, alors la garderie prendrait fin et c'est toute la mascarade du travail qui cesserait dans le pays. Ce serait alors véritablement le cauchemar de ceux qui nous asservissent.
Enseignants, exigez votre dignité, exigez de n'exercer que votre mission historique ! Retrouvez votre passion d'enseigner et refusez les élèves menaçants, a fortiori ne respectant pas le savoir. Ce culte « des valeurs de la république » ne sera pas éternel, mais d'ici à ce que ces valeurs soient définies, exigez d'accomplir dignement votre office et ne soyez pas que ce misérable complémentaire de la police nationale.
Soyez dans la véritable action, à savoir cesser de servir, plutôt que dans le simulacre d'action, à savoir manifester, ce qui ne peut avoir de valeur autre que symbolique. Ne reproduisez pas l'erreur des Gilets Jaunes enlisés dans le symbole qu'ils ont pris pour une action. Oubliez le (modeste) confort économique et refusez de servir.
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