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Accueil du site > Tribune Libre > La gauche met-elle en pratique le féminisme ?

La gauche met-elle en pratique le féminisme ?

La fonction publique la plus marquée à gauche constitue aussi un ilot de résistance à l’équité entre hommes et femmes. Faut-il voir là l’origine de l’importance de la problématique dans ce milieu, du succès de l’hypothèse Royale auprès des électeurs comme des réticences des cadres du parti ?

Il est extrêmement frappant de voir que la femme a remplacé les pauvres dans les préoccupations apparentes de la gauche.

L’exercice est un peu biaisé en ces temps de CPE où les gauches font mine de s’intéresser aux pauvres, mais en période de croisière, tapez inégalité sur Internet. Vous verrez sans surprise sortir des foules de sites de gauche, à commencer par ceux de tous les grands partis. Vous aurez en revanche l’étonnement de constater qu’il y est question, pour l’essentiel, des inégalités hommes/femmes... Comme si les pauvres n’existaient plus.

Que se passe-t-il vraiment ? Comme souvent à gauche, l’horizon de la discussion est fixé par les plus extrémistes.


L’horizon idéologique : le sexe et le genre sociaux

Christine Delphy, féministe « marxienne », explique longuement que « les mécanismes sociaux préexistent à la subjectivisation des différences ». En langage « de droite », ou plus simplement en français, cela peut se traduire par :« Ce n’est pas parce que la femme enfante qu’elle serait naturellement vouée à changer les couches ».

« C’est d’abord un rapport de domination qui, ensuite, déterminerait une culture de domination ». La différence sexuelle « naturelle » n’expliquerait pas la différence « sociale ».

Bref, le sexe, ou pour mieux dire, le genre est social, et non naturel. C’est une construction idéologique destinée à justifier un rapport de domination.

L’absence de dépassement dialectique des féministes

Comme toujours, la « penseuse » de gauche se garde bien d’aller jusqu’au bout de ses raisonnements et de se les appliquer.

Si l’on suit les modes de pensée de la gauche, la prégnance des thèses féministes à gauche ne peut être que sociale, et non naturelle.

En pratique, elle paraît s’expliquer beaucoup mieux par un type d’identité, une culture et une réalité sociologique de gauche, que par un choix intuitif du « bien ».

Quoi qu’il en soit, sur le plan idéologique, désormais, on met des (e) partout ! L’inégalité homme-femme est centrale, et on voit fleurir les réglementations « paritaristes ». Pour les autres !

Que nous dit en effet « la dure réalité matérialiste des infrastructures » ?

La gauche sociologique, dernier îlot de résistance à l’équité homme/femme !

La fonction publique est, selon les sources, à 56, 57 ou 59% féminisée. Cette inexactitude n’étonnera pas, et nous sera pardonnée, puisqu’on ne connaît pas le nombre exact de fonctionnaires. On sait aussi qu’elle est « plutôt à gauche ». On parle de 75%, dans l’éducation et la recherche.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle présente dans notre société un îlot de résistance farouche non pas à la parité, mais à une simple équité entre les sexes...

Que la féminisation de la fonction publique commence par le bas, et que celle-ci soit davantage féminisée aux plus bas échelons, devrait en soi suffire à renforcer une analyse de gauche des rapports de sexes en termes de lutte des classes. Mais le pire est ailleurs.

Devinez quelle est l’administration relativement la moins féminisée au niveau de la hiérarchie (sources, études des ministères concernés disponibles sur Internet) ?

Non, malgré les apparences, ce n’est pas l’armée, car si elle compte 1,3% de femmes dans les grands chefs, les personnels susceptibles d’être nommés à ces postes ne sont qu’à un peu plus de trois pour cent féminins, Une sur trois au moins a donc ses chances... ! La féminisation de l’armée est donc aussi rapide et juste qu’elle est récente. L’armée aussi, un des corps publics les moins marqué à gauche.

Dans l’enseignement et la recherche, en revanche, elles représentent 7% (!) des emplois supérieurs, mais les personnels potentiellement concernés, susceptibles logiquement d’accéder à ces postes, sont à 33% féminins... Il y a presque deux fois moins de femmes responsables du secteur éducation/recherche que de député(e)s et à peine plus que de sénatrices !

21% des femmes « potentiellement concernées » dans la recherche et l’enseignement sont nommées à des postes de direction, contre 34 % dans l’armée...

A 7% de “chef(e), on reste assez loin des 27% de femmes chefs d’entreprise (enquête emploi 2000). Bien sûr cela concerne pour beaucoup de très petites entreprises. Mais le rapport sur la fonction publique montre aussi que par exemple, plus un hôpital est gros, moins il est dirigé par une femme. On a pu voir à l’occasion de la journée de la femme un reportage sur la première chef de service hospitalier, alors qu’il existe des PDG depuis au moins Madame Clicquot !

On pourrait mettre des (e) à la conférenc(e). des président(e)-s d’université (e)-s mais on les a trop vus récemment à la télévision pour se faire des illusions.

Bon an mal an, la fonction publique est donc au minimum de deux à quatre fois moins féminisée aux postes de direction que le secteur privé...

Comme le privé n’est féminin qu’à 43%, l’écart réel avec l’administration est en réalité encore plus fort.

Il y 5% de femmes parmi les administrateurs du CAC 40. Compte tenu des autres chiffres, on est en gros forcé de conclure que l’enseignement est en pratique à peu près aussi macho que la Bourse sans toutefois avoir les mêmes excuses.

On manque de chiffres, mais il y a gros à parier que la presse d’opinion, sociologiquement et politiquement proche, doit voir également des cohortes de petites journalistes féministes et divorcées aux ordres de chefs de service et rédacteurs en chef majoritairement masculins.

Ainsi, si nos entreprises et nos partis se débattent avec des réglementations ubuesques, c’est peut-être parce que le couple de gauche n’arrive pas à partager dans ses propres milieux professionnels de prédilection. Tant il est vrai que ces milieux, comme tous les milieux du reste, sont endogames (on épouse qui on connaît, mais il est vraisemblable qu’ils le sont en pratique plus que les autres puisque quand on est enseignant, c’est qu’on n’est littéralement jamais sorti de l’école.)

On devine en effet que la tension doit facilement être particulièrement vive en interne dans les couples de gauche, par exemple du grand service public de l’éducation nationale. Cela est difficile à vérifier.

La micro-économie montre que dans le couple, la répartition du travail ménager serait, en pratique, étroitement fonction des salaires relatifs des époux. Le couple optimiserait le rapport temps passé/coût d’opportunité. Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est une constatation empirique.

En d’autre termes, la répartition sera a priori, d’un point de vue théorique, moins conflictuelle dans le coupe du « trader », mariée à une jeune fille sortie de Notre-Dame de Sion et s’occupant au foyer d’une nombreuse marmaille, caricature de l’élite ultralibérale mondialisée, qu’entre deux professeurs certifiés, ayant la même ancienneté et le même salaire et 1,9 enfant en crèche (accès privilégié pour les fonctionnaires et pour les femmes au travail).

Si en plus, cela se vit au sein d’un discours réagissant de façon épidermique à toute inégalité, la lutte de classe dans le couple n’est pas loin. En son temps, un groupe de rock féministe a pu chanter, Papa Marx l’avait dit, l’homme est le bourgeois, la femme est le prolétariat.

Si Papa confirme, et l’oedipe aidant, la cause est entendue.

Résumons. Le Parti socialiste militant est composé d’un tiers à une moitié de personnes élues ou l’ayant été. C’est donc sensiblement un parti de notables. Moins féminisé que le Front national dans ses élus, c’est aussi un parti d’hommes.

Dans le même temps, entre Jospin et Balladur, Jospin obtient plus de voix féminines dans toutes les tranches d’âge jusqu’à 60 ans . Enfin c’est dans une large mesure un parti où les fonctionnaires sont sur-représentés.

C’est donc, en tendance, un parti d’hommes, dirigés par des hommes, avec un électorat féminin et souvent fonctionnarisé, directement en phase avec le machisme de ses collègues et souvent conjoints.

En caricaturant : préposée à la préparation du café dans les meetings et réunions de cellule, la militante socialiste doit subir sans fin les discours sur la féminisation des valeurs sociales d’experts masculins. Ceci doit entraîner un certain énervement, ou à tout le moins, une « attente ».

Faut-il voir là l’origine du paradoxe de la candidature de Mari(e) Ségolène qui semble enthousiasmer les électrices et stresser les cadres du parti ?

Mais cette candidature n’est peut-être qu’un leurre idéologique destiné à tromper les camarad(e).-s

Tout commençant à l’école, une analyse marxiste nous conduit à penser qu’avant d’imposer la parité aux élus, même présidentiels, il faudrait imposer l’équité à l’éducation nationale pour espérer atteindre un degré de féminisation des responsabilités comparable, disons, à celui des pays libéraux anglo-saxons...


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8 réactions à cet article    


  • Zorglub (---.---.129.53) 27 avril 2006 13:46

    Rien d’étonnant de la part du PS : faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais smiley


    • (---.---.162.15) 28 avril 2006 07:29
        la militante socialiste doit subir sans fin les discours sur la féminisation des valeurs sociales d’experts masculins.

      Hum, encore un expert masculin qui parle...

      Am.


      • Eric 28 avril 2006 08:17

        Certes !Je vois les choses deux fois de l’exterieur, je ne suis pas femme et je ne suis pas militante socialiste, mais j’ais eu l’impression sur les sites que les femmes demandent des droits et les hommes, comme Tourraine, qui en son temps celebra les bienfaits de la polygamie dans le Monde, repondent en terme de feminisation des valeurs. Nosinstitutrices du lycee francais de Moscou m’ont dit la meme chose, elle revenaient de formation ou des hommes leur ont expllique qu’il fallait insister sur les droits de la femme dans les cours..


      • virgin (---.---.52.34) 27 mai 2006 04:34

        je doute qu’un « expert masculin » prenne la parole pour aller dénoncer l’abus raciste virile typique. La situation décrite est une réalité : ce propos raciste ( dit-on que la société est en déclin à cause d’une « juivrification » ou d’une « négrification » !) fait le lit de réelles préoccupation politiques, médiatiques (combien de livres pour se plaindre de la détumescence représentative eds hommes)et intellectuelles (objet de discours psychanalytiques, philosophiques et littéraires entiers !). Mais cessons la naïveté : aucun expert masculin ne refusera de participer (activement ou par le silence) à ce qui est un mouvement raciste de masse.


      • virgin (---.---.52.34) 27 mai 2006 04:15

        le désengagement féministe des institutions et des politiques n’est pas un clivage droite /gauche, il participe de la déferlante raciste implantée depuis les années 75. Cependant les discours tradi, réac, de célébration des « valeurs » paternelles et virilistes ( thématique de l’invasion, du parasitage, de la supériorité, des essences...) émanent bien plus souvent de la droite ! Par ailleurs, la gauche abrite quelques vraies féministes : Delphy ( nier la valeur fondatrice de sa théorie est une méconnaissance simple de son oeuvre, sinon la conséquence d’une identité phallique rivée au corps et à la cervelle !) ou Clémentine Autain engagée dans le collectif Mix-cité. Il n’y a qu’a gauche que l’on a compris que « la » femme n’était pas une race, que le féminisme ne réclame pas des lois spécifiques ( par quoi elle serait le sujet de droit mineur, l’écart à la norme universelle masculine). Quant à l’argument de « féminisation », il est de mauvaise foi de dire qu’il est l’apanage de quelques gauchistes ! Les droitiers ( référence faite à leurs exercices quotidiens), des religieux aux théosophiques, des karschériseurs aux épurateurs de quartiers, autant que les gauchers s’en gargarisent ! Passons sur le caractère raciste. Ce que cet argument escamote est que le droit, les institutions, le social, sont androcentrés. Il faut donc parler de dévirilisation ( lente) ce qui ne signifie nullement féminisation : c’est l’égalité qui s’établie et non l’établissement de Lois Raciales telles que les femmes en ont subi jusqu’en ....2004 ( loi sur la propriété pleinière du nom) !


        • virgin (---.---.52.34) 27 mai 2006 04:25

          Aller accuser Delphy de manque de retournement dialectique ! Monsieur aime certainement mieux les cause et raison uniques, les raisonnements à voie unique : tout s’explique par le fait qu’il ne votent pas villepin ou S... ! Et la conscience critique, l’affranchissement par rapport au Maître semble être inconnus des croyants politiques : Delphy, marxiste, critique Marx et Engels, radicalement. Comme retournement dialectique... quel fanatique politique peut se targer d’avoir pondu une théorie qui ne lui sorte pas totu droit du poing ou de la gorge de son mêêêêêêtre ?


        • eric (---.---.252.19) 29 mai 2006 12:08

          Madame,je ne comprends pas tres bien ce que vous ecrivez. Sarkozy, La theosophie le racisme de tous les hommes ? Les digression autour du racisme, dela femme qui n’est pas une race mais des lois raciales ????

          Le sens de mon article est le suivant : le domaine education recherche consitute la base sociologique militante des partis et mouvements les plus discoureurs sur la question femininine/ feministe. Ils sont egalement, chiffres en main les plus reticents en pratique a un egale acces des femmes aux responsabilites. Existe-t-il un lien entre ces deux realites ? Je suis a la recherche de toutes informations sur ces questions et serait beaucoup plus interesse par vos eventuels commentaires sur le fond que par des affirmations du type, si on ne pense pas que delphy est fondatrice s’est qu’on ne l’a pas lu ou qu’on est macho....Comme si tout un chacun n’etait pas libre d’apprecier telle ou telle oeuvre differement.

          Vous dites « Il n’y a qu’a gauche que l’on a compris que »la« femme n’était pas une race, que le féminisme ne réclame pas des lois spécifiques » auriez vous des exemples de textes proposes par des partis de droite qui pourrait etre des « lois specifiques »


        • CHALOT CHALOT 31 octobre 2015 13:12

          voir article
          la caverne des 40 dessins, j’y parle de vous

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