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La fille qui venait d’un pays disparu, la chute du mur vue de l’est

La fille qui venait d'un pays disparu

C'est un récit de quatre-vingts pages captivant et rafraichissant. Saskia Hellmund relate son enfance heureuse dans l'ex-RDA et bouscule les clichés véhiculés par nos médias autour de l'axiome "RDA/dictature/police politique". Car c'est bien connu, pour comprendre un fait historique mieux vaut se référer à celles et ceux qui l'ont vécu plutôt qu'à nos "analystes", journalistes, philosophes et autres échappés du café de Flore.

Votre narrateur a recueilli ce bouquin en chinant dans une librairie Gibert Joseph du nord parisien. Trois euros pour un petit bouquin exceptionnel qui retrace la réalité de la chute du mur de Berlin, dont on nous a rebattu les oreilles tous les automnes à l'occasion de l'anniversaire de ce "symbole de la fin de l'oppression", de la "liberté retrouvée", des "droits de l'homme" etc. sans mise en perspective ni réflexions.

Saskia Hellmund témoigne ; de son enfance heureuse malgré les restrictions, des bons côtés d'un système sans chômage, ni drogue ni criminalité. Pas de SDF en Allemagne communiste. Les profiteurs, cadres de PC, sont aussi cités, ceux qui s'accaparaient les meilleurs logements, ceux qui avaient leurs magasins privés etc. Jusque là, rien de bien original hormis le ton teinté d'humour de la narratrice.

Plus étonnant, les jours qui ont suivi la chute du mur de Berlin ont vu des allemands... de l'ouest faire leurs courses à l'est, où tout était vendu à bas prix. Par la suite, l'est fut victime d'une véritable annexion économique et politique, au sein d'un "paradis libéral" qui a provoqué privatisations, chômage, suicides et misère pour le plus grand nombre. Saskia Hellmund estime qu'elle ne doit rien à la RFA, que ses ex-compatriotes ne se sont pas rebellé contre un système de surveillance pour se retrouver dans celui de la compétition et de la loi des banques privées. Elle rappelle que la fracture entre les deux Allemagne est encore là, plus que jamais. 

Cet essai complète les travaux de l'historien Nicolas Offenstadt sur le Pays disparu. On efface les traces des aspects positifs du socialisme allemand pour insister uniquement sur le côté répressif. Saskia nous rappelle que pour beaucoup de gens qui ne souhaitaient que vivre tranquillement, l'économie protégée et l'encadrement éducatif avec ses fêtes d'école, de quartiers et ses loisirs gratuits avaient de très bons côtés. Une réalité ignorée par l'intelligentsia libérale, nos BHL de service, pour qui leur vie de rentier a une valeur universelle et se doit d'être imposée aux autres ; à condition bien sûr que les bobos du 5ème arrondissement parisien restent entre eux et que le peuple se contente des allocations, boulots précaires et autres collocations qui le système libéral paradisiaque leur offre. Et, c'est bien connu, la répression, la surveillance des masses et la police politique n'existent pas chez nous, où chacun peut manifester et crier dans la rue sans craindre d'être arrêté, gazé, emprisonné, éborgné : les gilets jaunes peuvent en témoigner.

Saskia Hellmund ne dresse pas un portrait idyllique de l'ex-RDA, loin de là. Pas de révisionnisme. Elle nous rappele cependant que chaque système a ses bons et ses mauvais aspects, et que seul compte l'essentiel pour le plus grand nombre : l'accès à l'éducation, au logement, au travail et aux loisirs. 

Saskia Hellmund, La fille qui venait d'un pays disparu, ed. les points sur les i, 2015

 


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13 réactions à cet article    


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 30 septembre 2022 17:22

    Car c’est bien connu, pour comprendre un fait historique mieux vaut se référer à celles et ceux qui l’ont vécu plutôt qu’à nos « analystes », journalistes, philosophes et autres échappés du café de Flore.

    L’analyse « d’un enfant/adolescent qui l’a vécu » ne vaut sans doute pas plus que celle de « nos idéologues qui vous obsèdent autant » smiley 

    C’est le cas aussi pour nos sexagénaires qui ont produit le Zemmour du « c’était bien mieux avant »

    Je ne sais plus qui avait dit que ceux qui disent ça regrettent plus leur jeunesse disparue que l’époque qu’ils ont vécu.


    • Spoiler 30 septembre 2022 17:35

      @Olivier Perriet
      Pour l’ordre néolibéral on a vu et on continue de payer..... franchement ca valait pas le coup. Oui la RFA avait ses bons cotés.... mais c’est fini, aujourd’hui c’est l’abjection d’un système qui a réifié les riches et trouve que les pauvres mis dans le chômage et la précarité coutent un pognon de dingue.... Jusqu’à quand ?


    • Bernard Mitjavile Bernard Mitjavile 1er octobre 2022 07:28

      Point de vue intéressant. Bon, on peut aussi regarder le remarquable film « la vie des autres » sur la Stasi


      • TSS (...tologue) 1er octobre 2022 12:06

        @Bernard Mitjavile
        Très bon film...


      • leypanou 1er octobre 2022 08:39

        J’aime toujours ce genre d’article qui ne va pas dans le sens de l’unanimité ambiante, méthode éprouvée pour la crétinisation de masse.


        • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 1er octobre 2022 08:56

          Nous sortions de la droguerie où ma grand-mère venait de m’acheter des décalcomanies.

          Une grosse Tatra noire s’est arrêtée et des hommes en long manteaux noirs en sont descendus.

          Ma grand-mère m’a dit « Tais-toi ! » et pris la main pour m’entraîner à l’opposé.

          De tels manteaux, je les ai revus dans les films sur la guerre, portés par la Gestapo... mais je garde un bon souvenir des décalcomanies... 


          • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 1er octobre 2022 08:58

            @Jean-François Dedieu
            « longs manteaux » tu pourrais mieux relire !


          • Lynwec 1er octobre 2022 10:07

            Article qui va inévitablement s’attirer les foudres de la cohorte des adeptes du « tout blanc d’un côté, tout noir de l’autre... »

            L’expérience individuelle ne peut jamais servir à analyser parfaitement un système politique puisqu’elle repose justement sur un cas particulier, elle permet juste de remettre en question les jugements négatifs à l’emporte-pièce ...


            • Fergus Fergus 1er octobre 2022 15:30

              Bonjour, Lynwec

              Le « tout blanc d’un côté, tout noir de l’autre... » est une vaste connerie ! Cela fait des années que je me tue à dire que la réalité est dans la nuance, pas dans le sectarisme idéologique !

              Concernant la RDA, le fait est qu’il y eu de nombreux éléments positifs, notamment en matière de logement, d’enseignement, de culture et de sport. Mais hélas ! au prix d’une privation presque totale de liberté sous la domination du voisin russe.


            • Lynwec 1er octobre 2022 18:29

              @Fergus

              Allez donc parler de liberté aux soignants qui ont perdu leur travail parce qu’ils refusaient de se laisser injecter un poison et aux médecins interdits d’exercer la médecine parce qu’ils ont soigné comme il le fallait, ainsi qu’aux enfants qu’on a masqués et parqués pour rien pendant des mois, avec des traumas psychologiques à la clé, ça va sans doute les faire beaucoup rire...

              Les SDF que monarc ne voulait plus voir ( à défaut de traverser la rue, il suffit dans ce cas de détourner le regard...) ont la liberté de crever de faim et de froid, ils apprécieront surement eux aussi votre discours .

              La devise du drapeau tricolore est mensongère, certes, elle fait bon genre, mais dans les faits, elle est inappliquée...
              Elle sert juste d’arguments aux bonimenteurs .


            • CN46400 CN46400 2 octobre 2022 08:20

              @Fergus
              Quand je repense à tout ce que j’ai pu lire à l’époque, le problème principal ne devait rien à la liberté, mais tout à la pénurie de pas mal de produits manufacturés qui inondaient les magasins de l’ouest, devenus brusquement accessibles...Et la situation était bien pire à Moscou


            • Fergus Fergus 2 octobre 2022 09:47

              Bonjour, CN46400

              Vous avez raison de souligner cet aspect qui a sans aucun doute été déterminant. Mais passer sa vie en devant se méfier constamment de la moindre de ses paroles prononcées en public est un puissant levier pour soutenir un changement radical lorsqu’il s’en présente l’opportunité.


            • Adèle Coupechoux 1er octobre 2022 17:51

              Avant que le mur ne s’effondre, les amis que j’avais en RDA étaient très critiques envers l’URSS, et surtout, ne connaissaient pas l’ouest.

              Jusqu’à la chute de mur et de l’Union soviétique, ils restaient persuadés que nous pouvions acheter contrairement à eux, tout ce qu’il était possible d’acheter. Nous étions à leurs yeux tous des capitalistes heureux, nageant dans l’abondance. Quand nous étions reçus chez eux, ils nous demandaient de leur apporter des jeans et des parfum de marque, des disques des Bee Gees..

              Eux avaient Gisela May chantant Brecht, Tucholsky, Peter Schreier..

              Ils ne pouvaient pas imaginer que nous avions le chômage. Epargnés jusque dans les années 90, ils allaient connaître eux aussi l’angoisse d’un futur incertain.
              Ils allaient découvrir que nous avions accès à l’instruction à condition de payer (achats de livres, de fournitures scolaires, inscriptions à l’université, etc). Aux soins, toujours à condition de payer (les lunettes, les soins dentaires, etc.) Et des sans domiciles fixes crevant lentement parmi nous. 
              Une amie russe qui a vécu en URSS, à son arrivée en France, m’a dit très ironiquement qu’elle avait appris l’histoire de l’URSS et de la Russie grâce aux français..Elle a découvert avec stupeur la vision que nous avions de son pays, de sa culture.

              Et elle a été étonnée de découvrir une France avec autant de pauvres, de personnes endettées et surtout aucune gratuité pour les domaines essentiels de la vie, comme l’accès aux universités, à la culture, le non remboursement de pas mal de soins. Elle n’a jamais pu persuader sa belle-mère française qu’elle était issue d’un milieu très modeste. Jouer du piano, peindre, parler plusieurs langues, posséder une culture générale plutôt étendue est réservée à une élite en France. En URSS, cela semblait courant.

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