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La démocratie directe en débat : 2. Sur l’organisation des agoras

Question : Comment assurer la stricte égalité d’accès à la parole, comme il est dit dans la Constitution Nouvelle, au cas où des dizaines (voire centaines) de citoyens, se considérant individuellement comme des mouvements politiques, voudraient présenter leurs idées à l’occasion de séances de type 1 d’une même agora ? Est-on sûr qu’ils disposeront du temps d’écoute nécessaire ?

Réponse : C’est une excellente question que nous nous sommes, bien entendu, déjà posée. Et elle vaut non seulement pour l’organisation des séances de type 1 des agoras, mais aussi pour l’organisation du Service public de l’information politique (article 30 de la CNDD – Constitution Nouvelle en Démocratie Directe) avec sa chaine TV, radio, internet et média papier. Nous sommes d’accord pour dire qu’il existe une inconnue, c’est le nombre de groupes politiques qui demanderont un temps d’audience. Cette inconnue ne peut être cherchée, ni trouvée, avec les moyens d’analyse actuels car les nouvelles conditions sociologiques crées par l’instauration de la démocratie directe ne sont pas connues, pas plus que les conditions qui auront présidées en amont à son installation.

Dire qu’il y aura « probablement » des dizaines, des centaines, ou des milliers de demandeurs pour présenter des idées, des textes ou des projets de lois, relève de la pure spéculation. Si nous nous référons à l’état des lieux actuels (c’est une mauvaise démarche mais essayons quand même !) et si nous imaginons le nombre de partis qui demanderaient à utiliser aujourd’hui des plateformes d’expression similaires à celles que nous proposons pour demain, notre avis en tant que pratiquant quotidien du débat d’idées, est que ce nombre serait assez faible.

Question : mais pourtant on dénotait à la veille des élections législatives de juin 2017 pas moins de 7.800 candidats, ce qui fait une moyenne de 13 candidats par circonscription. Ceci n’est-il pas un signe que le nombre de demandeurs de parole au sein des agoras, ainsi qu’auprès de votre service public de l’information politique serait également très élevé ?

L’inflation du nombre de candidats aux législatives n’a absolument rien à voir avec une quelconque augmentation du besoin des citoyens de proposer des idées nouvelles et de les soumettre au débat contradictoire. Cette situation témoigne plutôt du fonctionnement à plein régime de la nouvelle politique-business, qui consiste à monter des équipes électorales avec des individus choisis au pifomètre (comme le dit d’ailleurs très justement Martine Aubry), recrutés à la va-vite par les partis de l’establishment.

Grâce aux habiles dispositions de la loi sur le financement des partis politiques, une voix qui se porte sur le candidat d’un parti donné rapporte 1,60 € à ce parti, ce qui explique que tous cherchent à avoir le maximum de candidats, c’est à dire un par circonscription. Par ailleurs le coût d’investissement initial d’une campagne législative pour un parti présentant 577 candidats est d’environ 3 millions d’euros pour les seuls documents de propagande obligatoires et 8 millions d’euros pour pouvoir être visible dans les principaux médias, réaliser une campagne d’affichage et organiser des réunions électorales.

Or, moins de dix organisations politiques possèdent les fonds suffisants pour investir dans une telle opération. Tous les autres partis ne peuvent donc que faire de la figuration. L’argent appelant l’argent selon le bon vieux principe capitaliste, seuls ceux qui peuvent investir dans une opération de commando électoral peuvent espérer toucher les revenus générés par cette campagne, c’est à dire les 1,6 euros multipliés par les millions de voix récoltées, d’autant qu’il faut faire plus de 1% des voix dans chaque circonscription pour commencer à toucher le premier euro.

Supposons qu’un parti récolte 10 millions de voix, il touchera donc la somme de 16 millions d’euros pendant 5 ans, en plus bien entendu du remboursement de ses frais de campagne s’il a obtenu plus de 5% des voix. On ne prête qu’aux riches !

Sachant que l’élection législative est devenue une simple déclinaison de l’élection présidentielle et que les électeurs votent pour un parti et non pour des individus-candidats, la conséquence de ce dispositif est de trois ordres :

  1. seuls quelques grands partis possédant déjà en cash les sommes nécessaires à l’investissement initial peuvent espérer bien figurer dans les résultats
  2. chacun des ces partis a un intérêt financier à présenter le maximum de 577 candidats
  3. tous les autres partis plus petits cherchent quand même à obtenir des miettes du 1,6 euro, et présentent donc autant de candidats qu’ils le peuvent, quitte à distribuer des investitures au premier venu ou à des candidats-figurants.

Et voici donc l’explication de l’inflation du nombre de candidats, qui résulte de la simple loi commerciale de marketing électoral et de politique business. Elle ne résulte absolument pas d’un accroissement du besoin de parole ou de débat d’idée. A contrario, nous constatons tous les jours une difficulté croissante pour organiser des débats citoyens de fond sur des grands sujets de société, et à faire émerger des propositions concrètes. Le caractère éphémère des évènements de type « Nuit Debout » ou « Indignés  » prouve à quel point, malheureusement, nous sommes bien loin d’une situation d’explosion des initiatives citoyennes. Il ne semble donc pas que, dans l’état actuel des choses, nous ayons à craindre un engorgement des agoras pour cause d’un nombre excessif de présentations de projets argumentés et ouverts au débat contradictoire.

Mais sur le fond, ce qui compte pour nous, c’est avant tout de poser un principe. Ce principe doit être absolu et rigoureux. Si les agoras et le service public de l’information politique devaient se trouver progressivement confrontés à un nombre très important de demandeurs, il conviendrait alors de s’adapter à la situation, soit en installant des filtres d’éligibilité, soit en diminuant le temps alloué à chaque parti, soit en ouvrant de nouveaux espaces, soit encore en combinant ces différents moyens

[ Extraits de "Vers la démocratie directe" ]


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