Kirby : langue des signes ou langage du corps ?
Aux États-Unis, le coordinateur des communications stratégiques du Conseil national de sécurité a les mêmes attributions qu'un attaché de presse ou qu'un porte-parole de gouvernement. Ce poste a pour mission de "coordonner les efforts interinstitutionnels visant à expliquer la politique des États-Unis », souvent par le biais de séances d’information publiques et interviews avec les médias. En clair, il s'agit de fournir la version officielle qui, dès lors lors ne pourra plus souffrir d'interprétations sous peine de tomber sous le coup du "Patriot Act". Tous comme le conseiller à la sécurité nationale, il est nommé directement par le président, sans avoir à solliciter l'approbation du Sénat, et encore moins celle des députés, forcément.
Le 20 mai 2022, Biden a nommé un amiral à la retraite, M. John Kirby, au poste de coordonnateur des communications stratégiques du Conseil de sécurité nationale qu'il est le premier à occuper.
Contrairement à d'autres fonctionnaires, le coordinateur des communications stratégiques n'a pas qu'un rôle technique étant donné l'enjeu des sujets qu'il est chargé de "commenter", qui vont de la politique d'avortement au sein du ministère de la Défense à la fourniture d'armes à l'Ukraine et à l'impact de l'incident du ballon météo chinois en 2023 sur la politique étrangère des États-Unis.
Il fallait donc quelqu'un de particulièrement éloquent et persuasif, ne laissant de place ni à des interprétations oiseuses, ni à des accusations malveillantes de double langage.
C'est pourquoi l’amiral Kirby m'avait donné l'impression d'avoir choisi d'illustrer lui-même ses propos par le recours à la langue des signes sans passer par l'incrustation dans l'écran d'un petit bonhomme qui gesticule à l’intention des sourds et des malentendants (pour éviter les malentendus dont ils sont victimes par étymologie). Et je me disais : "il est fort, le gars ! Il fait tout lui-même".
Parce que j'avais cru que l'amiral Kirby maîtrise la techniquesus-évoquée par la gestuelle des mains, de la tête et du visage, chaque paramètre correspondant à une liste finie d’éléments qui correspond au phonème de la langue locale. Donc, pas d’ambiguïté possible comme dans le langage ordinaire : un signe = une sens et un seul. Sauf que la compréhension du message aurait été limitée aux anglophones, ce qui représente déjà pas mal de monde.
Mais, en observant ses dernières prestations, je me suis demandé si, en fait, l'amiral ne se livrait pas sans le savoir à une autre forme d'expression, celle du langage corporel. Et là, il s'agit de tout autre chose. On n'est plus dans la performance volontaire liée à un effort de pédagogie et d'univocité, mais dans l'absence de maîtrise de gestes inconscients qui trahissent ce qu'on voulait cacher.
Dans une conversation, l'attitude du corps représente 55 % du message, les mots seulement 7 % et l'intonation, 35 %. On n'y fait pas toujours attention, mais le corps participe beaucoup à la communication de façon non-verbale à travers une main crispée, des sourcils froncés, des bras croisés ou des pieds qui tapotent. Tous les cadreurs des plateaux de télévision le savent et jouent avec des gros-plans en contre-point des propos apparents pour faire des clins d'oeil aux téléspectateurs (mais la régie ne garde que ce qui va dans le bon sens).
Avec un minimum d’entraînement, il est même possible de savoir si quelqu'un ment, ou est en colère ou encore déçu : par exemple, on sait que sous le coup de l'émotion, les vaisseaux sanguins du nez se contractent et donnent l'envie de se gratter, ce que l'on fait par automatisme, alors que c'est un signe exprimé par le corps. Ou encore, même si une personne n'a pas l'air embarrassée outre mesure, le stress fait monter la température de son corps malgré elle et elle passe sa main sur sa nuque, se frotte le cou, ou dégage légèrement le col de sa chemise comme pour laisser passer un peu d'air.
Avec Kirby, pas besoin de formation spécifique : un minimum de discernement suffit pour comprendre qu'il y a une loup quelque part. Et, comme Guignol dans son castelet, il a du mal à cacher son bâton.
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