Journal d’un BAC+5 SDF #36

Dorinel et moi # 005

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Ce journal d’un SDF reste toujours aussi nul. La vie de Patchwork est un désastre, et aussi un signe évident de la dégénérescence de notre époque. Allez, pour ne pas nous laisser influencer par sa nullité crasse, je me fends encore d’un petit article juste pour le plaisir de certains lecteurs...

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Les sens de Dorinel.

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Dorinel dort sur mes genoux.
Comme chaque matin, quand je me lève il a déjà fait sa journée de travail.
Soudain, il sursaute : Il me faut quelques secondes pour réaliser que dans mon dos, sur le chemin, un voisin passe sans bruit dans l’herbe rase.
Dorinel n’ouvre pas les yeux, mais ses petites oreilles suivent la progression de l’intrus comme les radars de poursuite de la DCA russe.
Dorinel sait qu’il est à l’abri des surprises sur mes genoux, dans un fauteuil au fond d’un jardin clos. J’ai bien compris que son amitié pour moi est dûe à la confiance qu’il m’accorde : Mon attitude, ma voix, le contact avec mes mains et la peau de mes cuisses lui montre que je ne suis ni tendu, ni méfiant. Puisque je ne crains rien dans ce jardin, Dorinel sait que lui non plus n’a rien à craindre. Mais ses sens ont un seuil d’alerte beaucoup plus bas que les miens.

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Dorinel est un chat assez âgé, mais ses sens n’ont pas encore décliné. Comme nous, les chats peuvent naître sourds, ils peuvent aussi naître ou devenir aveugles en vieillissant. Disons qu’un chat aveugle peut survivre, grâce à sa mémoire, mais (sauf en appartement) un chat sourd n’a aucune chance. Pour un chat, l’ouïe est avant tout un signal d’alerte vitale.

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Ici je ne parlerai pas de ceux qui vivent en appartement et ne sortent qu’en laisse. Les pauvres ! Ceux-là ne vivent même pas leur propre vie. Je parle des chats que je connais, ceux qui vivent dans les villages, au voisinnage des hommes, de la nature (ce qui en reste) et des voitures.

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Un chat est toujours en danger de faire une rencontre mortelle. Il y a les chiens errants et les renards dans les champs et les jardins, les voitures sur les routes. Sans parler des humains, parfois malfaisants pour le plaisir, comme l’un de mes voisins : On racontait qu’il disposait des appâts empoisonnés au glycol pour se débarrasser des chats des autres voisins.

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Ces dangers sont bien réels. Il nous suffit de compter les cadavres d’animaux écrasés le long des routes. Les chiens sont puissants et chassent en meute, le renard est malin, il chasse seul ou en couple. Malheur au chat qui les rencontre en terrain découvert... Heureusement les chiens sont bruyants et le renard pue ! Le chat compte surtout sur son ouïe et sur son expérience pour survivre dans des endroits aussi tranquilles que nos campagnes.

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L’odorat du chat lui sert principalement à se nourrir. Même la nuit, à son odeur, Dorinel détecte et identifie un mulot qui se déplace prudemment entre les plans de patates de mon champ. Il reconnaît immédiatement si la proie est comestible ou pas. L’odorat a aussi d’autres fonctions dans la vie du chat, en particulier de reconnaître immédiatement le « genre » des autres chats. Ce qui est curieux est que leur odorat, aussi fin soit-il, ne s’offusque pas de certaines odeurs. Dorinel fourre son nez dans ma main, contre les plis de mon corps et dans ceux de mon pantalon avec délectation, même si je ne suis pas douché depuis plusieurs jours. Ma femme ne le ferait pas sans récriminer qu’à mon âge je suis toujours aussi malpropre !

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Dorinel m’a entendu ouvrir la porte de la maison, depuis le fond du jardin, à 150 mètres de là. Il lui a suffi d’un regard pour me reconnaître. Il se met en route pour me rejoindre de son petit pas dansant, il sait qu’il fera le même parcours dans ma compagnie, et entre mes jambes. Il aime ça...

Le chat a une vue très différente de celle des hommes. Nous voyons surtout une large gamme de couleurs ; eux voient le monde en noir et blanc ou plutôt comme les bandes dessinées trichromes des années 1930). Par contre ils voient bien mieux que nous dans la pénombre. Cela est dû au fait que nos ancêtres étaient des singes qui mangeaient les fruits dans les arbres (la couleur des fruits permettant de savoir s’ils étaient assez mûrs pour être comestibles) alors que les ancêtres des chats chassaient des proies nocturnes dont la couleur importait peu.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet, tant les chats sont intéressants à connaître. Mais je ne voudrais pas surcharger indûment le site que je parasite.