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Accueil du site > Tribune Libre > Inflation des produits alimentaires : ne vous déplaise, à la libanaise (...)

Inflation des produits alimentaires : ne vous déplaise, à la libanaise !

6 % d’inflation en France seulement en 2022, semblait s’auto-satisfaire notre doux suzerain lors de ses bons vœux à la Nation du 31 décembre. 6 % dus évidemment aux courageuses décisions gouvernementales prises sous son auguste ministère – le fameux bouclier tarifaire - contre un peu moins de 11 % en Europe.

6 %, chiffre l’Insee : quoique sacrilège pour nos chers orthodoxes de la Banque Européenne, ces 6 % suffisent à nombre de nos éditorialistes vedettes pour caresser dans le sens du poil la bonne gestion à la française. Oubliant soudainement leur mantra habituel sur le gonflement des dépenses publiques, leur bête immonde suprême.

Nos plumitifs, il est vrai, ne ressentent guère les effets de cette inflation supposément contenue à un niveau acceptable. Il est vrai que lorsque semaine après semaine on multiplie à d’excellentes tables du 7ème arrondissement des additions dépassant allègrement les 100 euros par tête de pipe sans jamais bourse délier, on souffre de quelque handicap à appréhender le réel de la ménagère de base, celle-là même à qui pourtant on prétend apprendre la vie. Quand à longueur d’année on est grassement rémunéré pour pérorer autour de chiffres censés refléter une réalité qu’on ne connaît que par grands titres interposés, combien difficile peut-il être que de condescendre dans les méandres de ces vies anonymes, pour lesquelles un ou deux points d’inflation en plus traduisent de nouveaux renoncements vis-à-vis de ce qu’on pourra mettre dans son assiette.

Car au rayon de la flambée des prix, l’alimentation ne fut depuis l’an dernier pas en reste, dépassant pour bien des produits de beaucoup ces modestes 6 % brandis tel un trophée par ceux qui ne sont, oserions-nous dire par nature, guère regardants à une autre étiquette que celle dont ils se parent. 17.7 % sur les légumes frais, 20 % sur les pâtes, 11 % sur la viande, jusqu’à 30 % sur la viande surgelée, 16 % sur les produits laitiers, presque 10 % sur les céréales et sur le pain ...Et 11 % sur les produits d’hygiène, que certes on ne dépose point au creux de son assiette, mais qui font au même titre de ce qui précède partie de ce qu’on ajoute à son caddie de base.

On connaissait bien avant 2022 et l’invasion de l’Ukraine la dure réalité de ces français, travailleurs pauvres, chômeurs, titulaires du RSA et autres, pour qui une balade à la supérette du coin se faisait calculette en main au centime près. Et l’on peut aussi sans faire appel à une imagination ébouriffante en déduire que non seulement pour ceux-là l’étau s’est encore resserré l’an dernier, mais que leur quotidien fait de privations et de sous marques a commencé à s’étendre à bien d’autres - qui il y a quelques mois encore s’imaginaient la tête en dehors de l’eau. D’autant que, enfonçons une porte ouverte, boucliers tarifaires ou non, le poste de dépenses alimentaire fut loin d’être le seul à avoir connu pareille érosion.

Concernant l’alimentation, nombre de nos concitoyens semblent ne pas avoir pris conscience que l’inflation suit une logique quelque peu différente à celle qui s’applique à leur note d’électricité. Qu’il soit petit artisan local ou grande surface, l’acteur économique qui leur vend tous ces biens tend le plus souvent à contenir aussi longtemps que possible l’augmentation des prix, jusqu’à ce que la réalité ne le lui permette plus guère. Ainsi le petit boulanger de quartier hésitera longtemps avant que d’augmenter la baguette de cinq malheureux centimes, et ne le fera que de mauvaise grâce pour tenter un peu tard de limiter ses pertes. L’affreux grand distributeur, quant à lui, bien moins regardant au bien-être de sa chère clientèle, pèsera de tout son poids et aussi longtemps que possible sur ses fournisseurs, depuis le plus petit producteur local jusqu’aux industriels les plus prestigieux, afin de préserver volumes de ventes, marges et compétitivité : c’est ça ou un bonus à ses concurrents directs.

Ce qui en des termes encore plus clairs signifie que sans la pression qu’ils avaient exercée l’an passé, les augmentations auraient été encore plus significatives. Et avec elles, le nombre de renoncements et de galères en caisse encore plus saignants.

Les merdes, dit le dicton, ont pour caractéristique de voler en escadrille. Et la logique qui se joue en coulisses dans les négociations actuelles entre la grande distribution et leurs fournisseurs de l’agro-alimentaire, et qui prendront fin le 1er mars, tend à rajouter une cuillère peu ragoûtante pour les ménages français à la potion qu’ils avalent bien malgré eux depuis quelques mois.

Adoptée le 18 octobre 2021 afin de compléter et renforcer la loi dite Egalim votée en 2018, Egalim 2, dispositif visant à améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, avait laissé une légère ouverture aux centrales de distribution dans les négociations avec leurs fournisseurs. Si d’aventure au terme des pourparlers les deux parties ne parvenaient point à un accord, alors le distributeur pouvait continuer à passer commande à l’ancien tarif auprès du fournisseur avec lequel il n’avait pas topé. En d’autres termes : au détriment de ce dernier, et pour la plus grande joie du consommateur. Lequel consommateur, n’ayant point participé aux débats, put donc en bénéficier dans la plus parfaite méconnaissance.

On s’en est quelque peu aperçus ces derniers jours, nos chers ministres et leurs conseillers semblent s’être en catastrophe recyclés en bureaux de doléances au pied d’un hexagonal mur des lamentations. Où un à un chaque chaque syndic de copropriété défile avec dans la main un petit papier plié en deux, sur lequel figurent les revendications catégorielles de ses propres adhérents.

L’augmentation du coût de l’énergie ayant suivi de près celle des matières premières, l’on vit donc depuis la rentrée de septembre se succéder en file indienne et selon la température inscrite au thermomètre à peu près tout ce que le royaume compte de corps intermédiaires, depuis les plus médiatiques jusqu’aux plus modestes. Et tout dernièrement, revenant à la charge après le défilé incessant des artisans boulangers, restaurateurs, cafetiers, bouchers, patrons de pressing, bailleurs etc., nos amis industriels de l’agro-alimentaire. Eux aussi à leur tour étranglés et quémandant de l’aide.

N’allons pas trop vite en besogne en étiquetant de noms d’oiseaux ceux-là, parmi lesquels on trouvera notamment de belles PME cocardières indépendantes, aux côtés de grands noms affiliés à des mastodontes présents sur les 7 continents. La flambée des coûts des matières premières et de l’énergie fut pour beaucoup d’entre eux telle qu’elle en conduisit certains à mettre nombre de leurs usines à l’arrêt pour ne pas couler, ce qui eut été catastrophique tant pour l’emploi que pour les rayons de nos enseignes et donc les prix. Chacun pourra comprendre aisément que l’intérêt de tout un chacun passe - notamment- par la survie de l’ensemble de cette filière, et ce quelle que soit la taille ou l’origine de tel ou tel de ses acteurs.

Bons petits derniers au guichet des bons de réduction, nos industriels ont donc fait part de leurs requêtes. Et la potion qui en découle a tout pour le pauvre consommateur en bout de chaîne d’huile de foie de morue. De 10 à 20 % d’augmentation, et jusqu’à un seuil de 40 % de plus à ajouter sur une liste de produits alimentaires et de marques : tel serait le prix de la survie. Et cette excellente nouvelle est actuellement examinée sous la forme d’une proposition de loi visant, je cite, à « sécuriser l’approvisionnement des français en produits de grande consommation ». Qu’en des termes élégants ces choses-là sont dites !

Traduisons en langage simple : nos députés planchent actuellement sur la manière de donner plus de poids aux industriels au détriment des distributeurs, lesquels, on peut leur faire confiance, sauront se sortir habilement d’affaire. Mais aussi et surtout au détriment des ménages, lesquels, à compter du 1er mars 2023, verront non seulement valser encore une fois les étiquettes, mais en plus fondre comme neige au soleil un certain nombre de ces promotions sur lesquels ils se ruaient.

On le constate chaque jour davantage que la veille : cette inflation qui à écouter nos Huiles il y a un an encore était censée n’être qu’un nuage de quelques mois, est en train, tel l’apprenti sorcier ayant donné vie à un balai et assistant impuissant à l’inondation, d’entraîner toute une série de déflagrations successives. En direction desquelles notre cher gouvernement court ventre à l’air tel le lapin Duracel muni de son carnet de chèque. Lequel chèque, à peine encaissé, entraîne dans son sillon un effet pervers, pas davantage anticipé que le précédent par nos Diafoirus de métier, ceux-là même qui imaginaient mettre l’économie russe à terre.

Et en bout de chaîne, la vague de celles et ceux qui se mettent à vivre à la libanaise grossit de plus belle.

Jusqu’à quand ?


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4 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 14 janvier 2023 10:35

    Un politique s’en bat les c..... de l’inflation, même la baguette de pain a 200€ il lui en restera encore assez pour faire bombance.

    Mettez tous ces parasites de la politique au Smic et ils se battrons pour endiguer toute cette inflation autrement ils vous regarderont crever a petit feu car cela ne les concerne pas .... 


    • Astrolabe Astrolabe 14 janvier 2023 11:10

      Presque 6% d’inflation en France pour 2022 certes, mais quand on compare la situation des autres pays européens, et bien, on constate qu’on est loin d’être les plus mauvais élèves de la liste.

       

      Quant à la Russie, sur la base de trois estimations élaborées par la Banque mondiale, l’OCDE et le Fonds monétaire international (FMI). Le taux d’inflation augmente fortement en 2022, atteignant près de 14 % selon les trois institutions.

       


      • titi titi 14 janvier 2023 23:08

        @L’auteur

        « à la libanaise »

        L’inflation au Liban était de 150% en 2021.

        Votre comparaison est elle vraiment cohérente ?

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