En vérité, je ne comprends pas, ni mes concitoyens, ni mon époque. Cela fait plus d'un siècle qu'on déblatère sur le site d'Alésia alors qu'une bonne traduction du texte de César désigne d'une façon on ne peut plus claire Alise-Sainte-Reine. Et il en est de même pour Gergovie.
Voici comment il faut traduire le texte de César :
Une description de la position extrêmement précise.
Le jour de son arrivée, César livra un combat de cavalerie facile. Puis il reconnut l’emplacement de la ville qui se trouvait située sur une très haute montagne. De tous côtés, les possibilités d’accès étaient difficiles (DBG VII, 36).
Il est absurde de penser que le plateau de Merdogne était défendable alors que ses arrières ne présentent aucun avantage de terrain pour y dresser une ligne de défense. En revanche, cette description s'applique parfaitement à la ville médiévale du Crest perchée un peu plus loin sur son éperon barré.
La ville (urbs) était posée (posita) sur un mont (monte) particulièrement haut.
Le mot urbs ne donne lieu à aucune hésitation. Il s’agit d’un ensemble de maisons formant une agglomération. Posita est un qualificatif couramment employé pour désigner l’assiette d’une ville. Contrairement à notre mot montagne dont le sens est assez vague, le sens du mot latin mons, montis est précis. Il désigne une forme de terrain en hauteur avec un sommet, tel que le mons Jovis. Et c'est par un adjectf qualifiquatif que le latin spécifie si ce mont est haut, très haut, étendu etc.
César parle ensuite de l’oppidum. Il ne s’agit donc plus de la ville mais de la haute fortification qui la domine et la protège et dont il ne subsiste qu’une ancienne tour. Le vieux cadastre lui donne le nom de masure de l’ancien château.
C’est là que se tient, logiquement, Vercingétorix. Le chef gaulois a installé ses camps autour de lui (circum se) sur le mont (in monte) près de l’oppidum (prope oppidum). La racine pro donne une indication supplémentaire : en avant de l’oppidum. Les camps ceinturent donc tous les flancs du mont. Et ce bon ordre est confirmé par le fait que Vercingétorix a pris soin de mettre des intervalles entre les troupes de chaque cité. Voilà ce que César a pu voir du fond de la vallée où il se trouvait mais qu’il n’aurait pas vu ainsi si les Gaulois s’étaient retranchés sur le plateau de Merdogne !!!
César ajoute (atque) que tous les versants (collibus) de la ligne de crête (jugi) étaient tenus (occupatis), c’est-à-dire : occupés et défendus. Après la description de l’éperon du Crest, César nous fait ici la description précise de la montagne étroite de la Serre, avec ses deux versants. Le mot jugum ne donne lieu à aucune hésitation. A l’origine, il désignait très certainement l’échine d’un animal de trait, d’où le joug. Rien d’étonnant donc à ce que la montagne serpentine de la Serre ait été désignée par le mot jugum en raison de sa ressemblance avec l’échine d’un animal de type plutôt reptilien. Quant au mot collibus que le dictionnaire Gaffiot traduit par collines, il suffit d’étudier le contexte du récit de César chaque fois qu’il utilise ce terme pour comprendre que c’est le sens de versants qu’il lui donne.
Confirmation de mon interprétation, César précise que le dos de la ligne de crête (dorsum jugi) était à peu près plat mais étroit et boisé. On ne peut pas rêver de meilleure description de la montagne/plateau de la Serre.
Et le général écrivain conclut, toujours dans la même phrase, que sur quelque côté qu’on pouvait observer (dispici), le spectacle était terrifiant. Ceci signifie que César a fait le tour de la montagne depuis la plaine pour reconnaître la position de ses adversaires.
Une explication de la bataille extrêmement précise.
La manoeuvre de diversion.
A l’aube, César ordonne que l’on fasse sortir des camps (d'Orcet) un grand nombre de (chariots de) bagages, ainsi que des muletiers coiffés de casques, et il donne comme consignes qu’on les conduise par un mouvement tournant prendre à revers les versants, collis, comme le ferait une troupe à cheval (et non les collines, affreux contre-sens des traducteurs). Il les renforce de quelques cavaliers qui ont la mission de rayonner plus loin dans le seul but de se montrer. Il précise en outre dans ses ordres que c’est en faisant un long détour qu’il faut diriger tout ce monde-là vers l’objectif fixé.
De l’oppidum, on voyait tous ces mouvements de loin, car de Gergovie, la vue plongeait sur les camps ; mais à une telle distance, il n’était pas possible d’observer ce qu’il en était dans le détail. En outre, César envoya en direction de la crête une légion et après un début de progression, il la fit obliquer vers un lieu bas et la cacha dans les bois...
...L’inquiétude grandit alors chez les Gaulois. Il appelèrent toutes leurs troupes sur les retranchements qui leur semblaient être menacés (à l’autre bout de l’oppidum)...
Attaque des camps gaulois.
...Les Gaulois avaient dressé en avant de l’oppidum, à mi-pente du versant, dans la longueur, tout en suivant le relief de la montagne, un mur en grosses pierres de six pieds de haut (1m80), pour briser l’élan des Romains...
...Ils avaient rempli la partie supérieure du versant jusqu’à la muraille de l’oppidum de campements très serrés, tandis que la partie inférieure (au-dessous de ce mur) avait été laissée entièrement dégagée. Au signal donné, les légionnaires (de la légion avec laquelle se trouvait César) se portèrent rapidement, depuis La Roche-Blanche, vers le retranchement et après l’avoir franchi, ils se rendirent maitres de trois camps.
Attaque de la porte de l’oppidum.
... La distance entre la muraille de l’oppidum et la plaine était à vol d’oiseau de mille deux cents pas, comptés à partir de l’endroit où la montée commençait. Il fallait ajouter à cette distance celle des détours qui rendaient la montée plus facile mais augmentaient la longueur du chemin...(cette description et cette distance s'accordent parfaitement à l'actuelle route goudronnée qui mène au Crest, côté est, entrée principale).
...Transportés par l’espoir d’une prompte victoire, encouragés par la fuite des Gaulois et par le souvenir de leurs anciens succès, les légionnaires (de la légion qui attaquait de ce côté) se persuadèrent qu’il n’y avait aucun obstacle que leur courage ne pouvait surmonter. Ils ne cessèrent la poursuite qu’une fois arrivés au pied de la muraille de l’oppidum, puis ils se dirigèrent vers les portes.
Combat retardateur des femmes de Gergovie et contre attaque gauloise.
Alors, dans toutes les parties de la ville, une clameur éclata (à la vue de la légion qui avait envahi les camps)... Les mères de famille jetaient du haut des murs des étoffes et de l’argent. Les mains ouvertes dans le geste des suppliantes, faisant saillir leur poitrine nue, elles demandaient aux Romains de jurer d’épargner les femmes et les enfants et de ne pas recommencer ici ce qu’ils avaient fait à Avaricum. Plusieurs même, descendant des murs en s’agrippant aux pierres, se livrèrent aux soldats...
Pendant ce temps-là, les Gaulois qui s’étaient regroupés à l’autre bout de l’oppidum... informés... se précipitèrent en masse et au pas de course (vers l’oppidum), en se faisant précéder de leurs cavaliers. Au fur et à mesure qu’ils arrivaient, ils se plaçaient au pied des murs et venaient grossir toujours davantage le nombre des combattants.
Lorsqu’ils furent une multitude, les mères de famille qui, un instant plus tôt, tendaient les mains vers les Romains du haut des murs, se tournèrent vers les leurs en les adjurant et en leur montrant leurs cheveux défaits suivant la coutume gauloise. Puis, à bout de bras, elles levaient leurs enfants vers eux. La position et le nombre jouaient contre les Romains. La lutte était trop inégale. Epuisés par la course et par le prolongement du combat, ils résistaient difficilement face à des troupes fraiches et intactes.
Le corps à corps était d’une âpreté exceptionnelle. Les Gaulois avaient l’avantage de la position et du nombre. Les Romains plaçaient leur espoir dans leur valeur militaire. César avait envoyé les Eduens à droite par un autre chemin dans l’intention de leur faire exécuter une manœuvre à distance. Soudain, on vit ces Eduens arriver sur le flanc découvert des légionnaires. Leurs armes étaient semblables à ceux d’en face. La panique se mit dans les rangs...
Echec de l’attaque de la porte de l’oppidum.
... M. Petronius, centurion de la légion (qui attaquait de ce côté-là), s’efforçait d’enfoncer les portes. Accablé sous le nombre, couvert de blessures et se voyant perdu, il s’écria à l’adresse des soldats de son manipule qui le suivaient : « Puisqu’il ne m’est pas possible de me sauver avec vous, laissez-moi au moins assurer le salut de vos vies que mon amour de la gloire a mises en péril. » Ayant prononcé ces mots, il se précipita au milieu des Gaulois, en tua deux et fit reculer un peu les autres de la porte. Et comme ses hommes venaient à son secours, il ajouta : « Vous voulez me sauver la vie. Votre tentative est vaine, j’ai perdu trop de sang et mes forces m’abandonnent. Partez d’ici, il est encore temps, rejoignez la légion ! » Puis, les armes à la main, il tomba au champ d’honneur en sauvant la vie des siens...
Les légions sont rejetées de la position.
Après avoir perdu quarante-six centurions, les Romains, pressés de tous côtés, furent rejetés de la position. Les Gaulois les poursuivaient de très près. Heureusement, la dixième légion, qui s’était établie en réserve sur une position où le terrain était un peu moins en pente, brisa leur élan. A leur tour, les cohortes de la treizième légion, que le légat T. Sextius avait fait sortir des petits camps et installer sur un point haut, assurèrent le recueil de la dixième légion... Ce jour-là, les Romains déplorèrent la perte d’un peu moins de sept cents hommes.
Mon premier commentaire.
Il y a dans cette bataille de Gergovie — et cela chez les deux adversaires — une intelligence tactique étonnante… et pourtant logique.
Dans la logique de son coup de main, César fait semblant de développer une attaque sur l’autre bout de l’oppidum en l’abordant par la croupe de Chadrat, pour y attirer toutes les troupes gauloises et ainsi dégarnir l’oppidum ovale - première ruse. Puis, depuis La Roche-Blanche, il lance brutalement son assaut sur les camps jusqu’aux premiers murs de la ville - deuxième ruse - car cette attaque masque, couvre et protège la légion qui, à l'est, s’est infiltrée depuis la vallée et qui essaie de s’emparer par surprise de la porte de l’oppidum, mission principale.
Dans la logique de sa défense, Vercingétorix protège le point faible de son dispositif (à l’autre bout de l’oppidum), tout en étant en mesure de lancer de vigoureuses contre attaques en direction du Crest dans d’excellentes conditions (principe des éléments successifs d’assaut).
César écrit que les Gaulois s’étaient portés en masse à l’autre bout de l’oppidum pour se défendre contre sa fausse attaque : scepticisme de ma part ! J’aurais plutôt tendance à penser que c’est Vercingétorix qui lui a fait croire que tout son effort de défense se portait sur ce point (principe de l’intoxication par de faux déserteurs). En dégarnissant presque complètement ses camps (la ficelle était pourtant un peu grosse), Vercingétorix a incité César à lancer son assaut sur Le Crest. César est tombé dans le piège. En effet, l’oppidum ovale était solidement tenu, et les Gaulois du plateau ont aussitôt lancé leur contre attaque en prenant les Romains sur leur flanc et à revers.
Mon deuxième commentaire.
Les lecteurs qui souscrivent à mon interprétation pourraient penser que j’en tire gloire. Eh bien non ! Je suis très en colère qu’on n’ait pas compris cela plus tôt et qu'on se refuse encore à le comprendre, et d'autant plus en colère que je ne suis pas prêt d'oublier les propos insultants et méprisants tenus à mon égard. C’est tout à fait insensé, et d’autant plus insensé que nous disposons d’un deuxième témoignage, celui-là d’un légionnaire qui explique le combat depuis son point de vue de La Roche-Blanche. Ce deuxième témoignage, je l’ai donné dans mon article du 31 août 2007
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/gergovie-des-textes-irrefutables-28410 ... Et il y a aussi la description que Sidoïne Apollinaire fait de son Avitacus, autre nom pour désigner Gergovie/Le Crest. Mais oui ! Les noms changent mais les points forts du terrain perdurent.