Fillon place Sarkozy en liquidation
L’inventeur de l’Etat en faillite n’a pas digéré l’homélie sarkozyste du début de semaine. Depuis la Grande Motte il a entrepris de scier menu les talonnettes.
Quand un collaborateur de longue date se pique soudain de résistance, ça grince. François Fillon, dit FF, n’a pas goûté le vin de messe (il a parlé de « catéchisme ») du 8 juillet dernier. Le raout sarkozyste organisé par les amis de 30 ans moins 11 millions, avec son cortège de Fillon bashing savamment orchestré est resté dans la gorge du bourgeois de la Sarthe. Hier à la Grande Motte, avant d’étaler crème solaire et d’enfiler les claquettes, l’ex premier ministre n’a pas pris de gant avec son ex président. L’UMP, selon François, n’a pas vocation à se transformer en quarteron de capitaines igloos, le doigt sur la couture du ciré, à guetter fébrilement le retour du large d‘un messie. Fillon donne là sa version du « droit d’inventaire » jospinien : « L’UMP ne peut pas vivre immobile, congelée, au garde à vous, dans l’attente d’un homme providentiel » (…) « Personne ne peut dire circulez, le recours c’est moi ! » Fichtre ! Nadine Morano va se retourner dans sa cruche ! Balkany s’étouffer avec son cigare, Estrosi descendre de sa caravane. Au moins. Fillon s’en va-t-en guerre, et pas avec l’accordéon d’André Verchuren : « Le retour de Sarkozy on en reparlera quand les juges auront fait le tour de Guéant ». Badaboum ! Le hobbit peut numéroter ses abatis.
Ces attaques à la sulfateuse sont pleines de bon sens, bien sûr. Que l’UMP persiste à voir en l’homme qui les a ruiné un sauveur potentiel est une ânerie sans nom, qui n’est qu’un indicateur de plus du niveau pitoyable de débat au sein de ce soi disant grand parti d’opposition. Que l’UMP se soit choisi Jean François Copé pour replacer Sarkozy en position de vainqueur est un autre signe de décomposition avancée. Copé a d’abord montré les dents et paraît désormais bien à son aise dans la niche du maître de maison qui, c’est promis, reviendra mais plus tard. Donc Fillon vise juste et fait mouche. Mais il lui manque une partie essentielle et cruciale : sa propre autocritique. Car comment celui qui avait si justement et plus tôt que tous diagnostiqué la faillite de l’Etat a pu se faire ainsi humilier dans sa propre famille, infoutu de battre à la régulière Copé, condamné à tomber lui aussi dans des combines à deux balles ? Pourquoi celui qui fut chef du gouvernement un quinquennat durant a mis plus d’un an à s’affirmer enfin, à exister un peu ? Fillon, peut-être, guettait l’ouverture, attendait le bon moment pour frapper, la goutte d’eau qui ferait déborder son vase. La ruine de l’UMP fut celle là.
Mais même avec cet évènement providentiel, on sentait hier soir à la Grande Motte, l’ancien zélé serviteur du sarkozyste pas totalement à l’aise dans son rôle d’exécuteur. On le sentait quand même si ce n’est gêné, du moins craintif. Il sait mieux que quiconque que Sarkozy le méprise, et en tout cas n’en a pas le moins du monde peur. Fillon n’est pas un homme de dossier, pas un combattant, pas un intrigant. Il peut endosser le costume mais il risque de tailler grand. Et le nain va lui rendre au centuple la monnaie de sa pièce. Comment un type rompu à l’avalage de couleuvre se transformerait soudain en boa déconstructeur ? Sarkozy n’y croit pas une seconde, et doit déjà penser que Fillon s’est exclu lui-même du jeu en haussant le ton. Mais il n’est pas exclu que sur ce point là, Sarkozy se trompe aussi. Les François ne lui réussissent pas trop, après tout, et il aurait tort de considérer comme nulle l’attaque de son ancien souffre douleur. Il connaît la politique suffisamment pour savoir que Fillon n’avance certainement pas seul et qu’il entraîne sans doute avec lui une partie de l’UMP qui en a soupé des lancers de nain à répétition. Et concernant Guéant, Fillon a sans doute visé juste, tant ce porteur de casseroles semble avoir une batterie inépuisable.
Le renflouage tout juste entamé, l’UMP tangue encore, et menace de giter un peu plus chaque jour. C’est le Concordia qu’on assassine : capitaine à la rue, équipage dissipé, le naufrage n’a pas touché le fond. Hollande, pépère peinard, peut pédaler en paix.
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