Faut-il protéger nos humoristes rabelaisiens ?
Le titre de cet article peut sembler mal venu, les humoristes ne semblent pas constituer une espèce en voie de disparition pour qu’il y ait nécessité de les protéger. Elevés en batteries par les deux gros producteurs que sont Ruquier et Debbouze, ils prolifèrent en semi liberté, nous font rire, sourire, ou nous laissent indifférents.
Pas une chaine de télé ou de radio sans son comique attitré, le créneau semble attirer une jeunesse qui se veut désopilante. Comme l’homéopathie, l’humoriste moderne, s’il ne fait pas de bien, ne fait pas de mal non plus, l’effet placebo fonctionne parfois, ce n’est pas forcement drôle mais c’est tellement ressemblant que nous nous désopilons la rate, sauf les splénectomisés bien entendu.
Le tableau serait plutôt idyllique si quelques un d’entre eux, les plus ambitieux, une sous espèce plus sophistiquée, des comiques, philosophes parfois même écrivains n’étaient en butte à l’hostilité de leurs cibles, qui généralement n’ont ni le sens de l’humour, ni la hauteur de vue de leurs agresseurs.
Ce sont les humoristes rabelaisiens dont l’individu le plus emblématique, le mâle dominant à la crinière blanchie par une exposition trop intense à la lumière des spots se nomme Guy Bedos. Dans une vie antérieure, il fut un comique très comique, mais ça, c’était avant qu’il ne devienne un des maîtres à penser de la beaufitude germanopratine.
Depuis, il a délaissé les textes des autres pour enseigner à des spectateurs conquis et consentants, son catéchisme bienpensant labellisé ‘’ gauche morale’’, pardonnez nous pour ce pléonasme.
S’il se laisse parfois aller à des insultes graveleuses et souvent sexistes envers des femmes politiques, de droite, de préférence, c’est parce que elles ‘’le valent bien’’ et qu’il s’inscrit dans une tradition rabelaisienne, ce qui justifie l’appellation d’humoriste rabelaisien.
Les quelques individus recensés, Christophe Aleveque, Didier Porte, Stéphane Guillon sont tous gauchers et manient pourtant, curieux paradoxe, avec dextérité les épithètes désagréables à bon escient. Le seul individu atypique, sorte d’aberration génétique, droitier de surcroit, Jean Marie Bigard est d’une vulgarité tellement consternante qu’on hésite à l’assimiler à cette famille de fins lettrés.
Pour Bedos père, catéchiser fatigue, prêcher use, le poids des ans se fait sentir, la vieillesse devient un naufrage devant lequel même le patriarche Noé, un réputé sauveur de vieux cabots, n’est plus d’aucun secours.
Mais nous devons lui savoir gré d’avoir porté si haut le flambeau de l’insulte humoristique, car nous le confessons, dans notre vie quotidienne et notamment en voiture, tout comme Monsieur Jourdain prosait sans s’en rendre compte, nous pratiquons un humour décapant pas toujours apprécié à sa juste valeur.
Protéger les humoristes rabelaisiens équivaudrait à se protéger soi même de la vindicte de nos outragés et des poursuites judiciaires. On ne convoque pas Rabelais devant un tribunal.
Hélas, le rideau, titre du dernier spectacle de Guy Bedos va bientôt se baisser et comme un malheur ne vient jamais seul, nous avons droit désormais à sa truculente progéniture. On le dit plus fin et moins atteint d’un tropisme gaucher, plus œcuménique, plus imaginatif, moins sectaire dans ses insultes.
S’il peut être drôle dans ses chroniques, il l’est beaucoup moins quand il doit soumettre dans l’émission ‘’Au Field de la nuit’’ son impérissable œuvre littéraire ‘’Le journal d’un mythomane’’ à la critique d’une jeune étudiante pas aussi enthousiaste qu’il conviendrait devant un tel prosateur.
L’impertinente a eu droit alors à une envolée coprolalique à son endroit nous faisant penser au syndrome de Gilles de la Tourette, il a brillamment conclu en lui suggérant de « s’enfoncer le micro dans le fondement ». Ce fut un inoubliable moment d’humour post pubère digne d’un grand adolescent revenu un instant au stade anal.
Tout compte fait, la protection des humoristes rabelaisiens nous semble être une gageure au dessus de nos capacités, leur immense aptitude à l’auto-destruction dépassant largement les maigres moyens que nous pourrions mettre en œuvre pour la conservation de l’espèce.
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