Discours de Macron pour l’ouverture de la réunion des recteurs d’académie à la Sorbonne
On sait qu'Emmanuel Macron adore faire de beaux discours avec nombre de références, etc. etc. etc. Derrière les mots, se cache le projet néolibéral du président. Rien n'est gratuit. L'école est en crise, quasiment dans le chaos, autrement dit une fenêtre d'opportunité pour faire basculer l'école de la République dans le girons de la start-up nation. Voici, à la volée, un décryptage du discours de Macron au regard du projet néolibéral.
Emmanuel a appelé les recteurs par 3 fois à une révolution copernicienne. Voyons voir cela.
« L'école est un lieu de transmission du savoir, oui, mais c’est en même temps un lieu de transmission du savoir où on doit donner confiance en soi à des enfants et à des adolescents. » Comment ne pas adhérer à cette belle idée ? Mais voilà, Macron est un néolibéral et ce que chacun entend derrière ces mots n’est pas forcément ce que pense Macron. Lui, ce qu’il pense à long terme, c’est construire l’individu-entreprise, sûr de ses compétences, adaptable aux lois du marché où chacun est client ou patron de l’autre. Est-ce à cela que vous pensiez ?
« A la maternelle, nous renforcerons l'attention au développement de l'enfant car nous le savons désormais, beaucoup de choses se jouent très tôt. Je veux ici saluer le travail qui a été fait ces dernières années, consolidant l'acquis des neurosciences, tout ce que nous savons sur la manière d'apprendre dès le plus jeune âge, la part qui joue les émotions, l'ouverture aux autres élèves, les innovations en termes pédagogiques et remercier toutes celles et ceux qui y ont contribué. » Heu, le port du masque dans les crèches et à la maternelle au moment où il est important de voir le visage pour apprendre à parler, rentrer en relation, les neurosciences, elles en disent qui ?
« Et nous créerons aussi, à partir de la cinquième, une demi-journée avenir hebdomadaire qui éveillera des vocations, favorisera une meilleure orientation en faisant découvrir aux élèves de nombreux métiers, notamment des métiers techniques, manuels, métiers relationnels mettant en valeur d'autres formes d'intelligence que le savoir académique. Ouvrir, en quelque sorte, l'école aux métiers, aux savoirs, aux pratiques, qui ne sont pas forcément celles qui s'y enseignent ou qui sont connues. […] Mais c'est donner la chance à tous les enfants de la République de connaître des métiers, de connaître des professionnels, quelles que soient les orientations de ces derniers dans le cadre de l'école, pour pouvoir bâtir leurs orientations à venir, et les y aider. » Voilà, on y est. Dès la 5e on parlera boulot avec objectif de rentabilité pour la start-up nation. Alors qu’en 6e, on a le quart des élèves qui ne sont pas à niveau en français et en maths, c’est pas grave, on prend des heures pour parler boulot. Je suppose que le métier d’influenceur sera le centre de tous les intérêts. Si encore, on parlait des métiers dont on aura besoin lorsqu’arrivera le basculement vers les pénuries de toutes sortes et qu’il faudra que chacun ait un métier essentiel qui lui permette de survivre. Je ne pense pas que c’est à cela que Macron pense.
« Je veux insister, venant sur le lycée, sur l'importance de la transformation de la voie professionnelle, que j'entends que nous conduisions dans les cinq ans qui viennent. En effet, c'est une réforme à laquelle je tiens beaucoup et que je souhaite que nous puissions, ensemble, conduire. […] D'autant que les entreprises ont besoin de jeunes professionnels bien formés dans les métiers manuels et techniques. La voie professionnelle, d'abord, ne doit pas être une voie par défaut. Ça doit être une voie par choix et une voie de choix, et je l'assume totalement. […] la raison d'être de ce nouveau Ministère de l'Enseignement et de la formation professionnelle avec une double tutelle : Travail et Éducation nationale. » On l’attendait celle-là. Grosso-modo, je parie que Macron va transformer l’école en centre de formation professionnelle avec dans l’idée, bien entendu, de former l’individu-entreprise engagé sur des plateformes.
« en faisant qu'aucun professeur ne débute sa carrière à moins de 2 000 euros net, mais par un investissement massif de la nation que nous assumons, que le Ministre va continuer de poursuivre et qui permettra environ 10 % d'augmentation de la rémunération par rapport au statu quo ante pour nos enseignants et là, de manière totalement inconditionnelle. À cela s'ajoutera ce pacte pour les enseignants qui lui permettra, sur une base volontaire ouverte, à toutes et à tous, pour celles et ceux qui veulent s'engager dans le suivi individualisé, dans des missions supplémentaires, dans des tâches d'encadrement, dans des actions qui ont du sens et qui sont déjà la réalité de tant et tant de nos enseignants, de pouvoir être reconnus dans cette tâche et rémunérés, et donc d’avoir en quelque sorte un deuxième volet, qui n’est pas celui d’une revalorisation générale mais d’un pacte pour les enseignants, et qui permettra une rémunération supplémentaire. » Pour ceux qui pensaient que leur travail était mal rémunéré, eh bien non : c’est parce qu’ils ne travaillaient pas assez ! Mais il manque de profs, donc on doit bien faire l’effort pour augmenter le nombre des recrutements.
« Et puis la confiance que nous devons à nos enseignants passe par une amélioration de la formation initiale. […] Je crois qu’il faut assumer que c’est une vocation, un engagement, un métier formidable qui a du sens et qui, comme la nation a parfois su le faire, peut-être doit nous donner l’audace de regarder que des gens ont le droit de s’engager dès le baccalauréat dans ce beau métier, d’avoir une filière qui est un peu fléchée, un peu accompagnée, valorisée, où on leur permet de consolider des savoirs fondamentaux qui seront indispensables pour exercer leur métier, des savoirs pratiques, mais aussi un parcours ad hoc. » A voir. Soyons méfiants…
« donner plus d’autonomie aux établissements dans leur organisation, dans les recrutements, plus de liberté aux professeurs, redonner aux équipes de nouvelles marges de manœuvre... » Cela veut dire créer des différences entre établissements et donc les mettre en concurrence.
« ce que nous allons ouvrir, c'est un processus qui, d'abord repose sur le volontariat. On ne va pas dire à tous les établissements de France et de Navarre : « vous devez, à partir de tel jour de septembre, commencer à bâtir ce projet avec toutes les parties prenantes. Non,[...] cela doit être libre. Première petite révolution pour nous collectivement, il faut l'assumer, la liberté. Ne participent donc que ceux qui veulent, premier point. » Cela rejoint le constat précédent et qui aboutira de manière certaine à d’énormes différences et inégalités.
S’adressant aux recteurs : « Vous allez leur (les enseignants) donner la possibilité de bâtir des méthodes éducatives qu'ils pensent bonnes, avec un collectif. Vous allez leur donner la liberté, s'ils le veulent — ce qu'on a fait d'ailleurs, qu'on a commencé — d'échanger avec des enseignants qui sont en Finlande, qui font ça, pour voir si ça marche ou pas et de le faire ensemble, de bâtir de l'intelligence collective. » L’idée est généreuse. Mais sachant que durant la formation des professeurs, peu de place est donnée à la pédagogie, cela veut dire qu’on avancera au petit bonheur la chance avec les méthodes finlandaises. Il y aura certes de très bons projets d’écoles avec des supers enseignants. Et puis il y aura les autres.
« le pacte avec les enseignants, il sera ouvert en particulier à toutes celles et ceux qui veulent s'engager dans cette logique.[…] Ils ont le droit, si je puis dire, au deuxième volet, à cette part de rémunération additionnelle qui est individuelle. Mais enfin, les tâches qui sont prises en compte, elles, doivent être éligibles à cette rémunération supplémentaire, cette reconnaissance, ce pacte avec les enseignants. » Cette fois, on sort l’artillerie lourde : du fric à ceux qui rentrent dans le jeu du « travailler plus pour gagner plus » et « les tâches éligibles à cette rémunération supplémentaire ». Tâches qu’on découvrira plus tard, l’essentiel ici, c’est l’effet d’annonce.
« on y met de l’argent, au moins 500 millions d’euros sur le fonds d’innovation pédagogique, et que cet argent sera au plus près du terrain et qu'il doit être déboursé au plus vite. » Cela veut dire que ceux qui entrent dans le jeu du « travailler plus » seront financés et les autres, tintin !
« Au fond, nous n’avions pas confiance dans celles et ceux qui sont à la tête des écoles, pas totalement confiance dans les enseignants, encore moins confiance dans les élèves, et donc, on a un système qui repose sur une forme de défiance. Soyons exigeants et confiants. Donc, vous aurez des gens qui trahiront votre confiance, vous aurez des gens qui ne seront pas à la hauteur de votre confiance, est-ce que c’est grave ? Si la majorité voit que quand on est à la hauteur de la confiance donnée, on a plus de moyens, on est plus heureux, et on a de meilleurs résultats. » J’attends de voir la réaction du rectorat et du corps enseignant. Blanquer a-t-il préparé tout ce petit monde à cette révolution lui qui était si vertical ? Dans le projet néolibéral, ça s’appelle faire le ménage avec les losers. Mon sentiment c’est qu’il va y avoir beaucoup de déchets et que la conclusion sera que le service public de l’éducation nationale n’est pas à la hauteur et qu’on va privatiser tout ça.
Il faut noter aussi que Macron a été humble, puisqu’il l’a répété 3 fois en une heure.
Bien qu’il en appelle à la République (15 fois mais pas une seule fois à l’école de la République), soyons certains que cette révolution copernicienne est avant tout pour changer l'école de la République en école de la start-up nation.
Dicours complet ici
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