• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Culture et « Golgota Picnic » ? Quand la « création » se perd, dans la (...)

Culture et « Golgota Picnic » ? Quand la « création » se perd, dans la nuit…

Depuis le début de la crise, banquiers et traders s’interrogeraient parfois sur le sens de la vie, allant même jusqu’à pousser les portes des églises et monastères, en quête de spirituel. Une enquête récente (La Croix) le confirmait. Un début de prise de conscience par là ou on s’y attendait le moins ? Quelque chose se passe au cœur d’une profession privilégiée, présentée comme se vautrant dans l’opulence la plus inconséquente en période de misère croissante. Cette notion de « pauvreté » se dévoilerait enfin dans toutes ses nuances ? Les plus à plaindre ne seraient donc pas ceux que l’on croyait. La « « crucifixion tragique et trash » de Golgota Picnic pourrait être bientôt celle de toute une époque. La notre.

Henry Quinson, trader devenu prêtre et auteur d’un best-seller (« Moine des cités, de Wall Street aux quartiers Nord de Marseille » - Ed. Nouvelle Cité.), aura été l’un des premiers à bousculer opportunément la « bonne » conscience de ses anciens collègues. A Paris, l’Eglise Notre-Dame-de-Pentecôte, seule paroisse de La Défense, a vu le nombre de fidèles bondir de 25% depuis la faillite en 2008 de la banque Lehman Brothers. Mgr Jacques Turck, le fondateur des lieux atteste de la fréquentation inégalée « des professions financières, essentiellement ».

Même engouement dans les monastères. Frère Matthieu, moine à Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) assure « recevoir beaucoup de célébrités de la finance ». Au monastère de La Pierre-qui-Vire (Yonne), les 50 moines Bénédictins ne peuvent ainsi plus faire fasse à l’affluence (Enquête récente - Le Parisien). Le chargé d’accueil hôtelier constate que « beaucoup de nos retraitants se sentent coupables des scandales financiers liés à leurs bonus si élevés ». Les nuits du CAC40 seraient diversement tourmentées.

Aussi, même les plus grandes écoles commencent à promouvoir des cours axés sur la spiritualité : « La demande pour notre séminaire ouvert aux étudiants d’HEC progresse de 20% à 40% depuis la crise » affirme Hugues Minguet, moine Bénédictin, fondateur de Sens & Croissance, un cabinet de formation. L’intitulé interroge la crise actuelle, à moins qu’elle n’y réponde. La main invisible de l’économie avancerait à tâtons, dans sa nuit.

Chacun se souvient de l’émoi général ressenti suite aux caricatures publiées dans "Charia hebdo" le 2 Novembre dernier. Les locaux parisiens du journal satirique étaient attaqués au cocktail Molotov. Même si le profil des auteurs reste toujours flou, que Mahomet devienne rédacteur en chef d’une revue libre était manifestement inconcevable pour certains. La marque Benetton usait bientôt du même bon filon faisant furtivement un montage montrant le Pape dans une pratique homosexuelle. L’équipe de Charlie Hebdo se consola au moins en réalisant l’une de ses meilleures ventes. Pris d’un sursaut de respect, Benetton retirait bientôt sa publicité. La religion fait vendre. Parfois au prix de son âme.

A contrario, pour peu qu’elle soit dans sa mission la plus noble, l’Eglise Catholique n’intéresse plus grand monde. Il n’est pas exclu qu’il faille bientôt retirer au « Secours Catholique » sa qualification, cette organisation ayant été pionnière dans son secteur. Pareillement pour la doctrine sociale de l’Eglise inspirant toutes les politiques sociales et solidaires actuelles. N’insistons pas, trop. Ainsi, une trentaine de responsables religieux lançaient à Paris un appel pour la Paix, le 27 octobre dernier. La rencontre était interreligieuse et organisée par la communauté Sant’Egidio et le Cardinal André Vingt-Trois. Cet événement fût largement passé sous silence. La Paix dans le monde ? Ce n’est plus très fun.

Quoi qu’il en soit, personne ne souligna cette démarche tenace et courageuse de la seule Eglise Catholique, se heurtant encore à la motivation parfois poussive d’autres obédiences. Alors que de multiples familles de France vivent sous le poids de la honte relié à l’inceste et au viol, le moindre curé ayant ces mêmes pratiques criminelles suffira à faire de l’Eglise Catholique mondiale le repère cosmique de toutes les déviances sexuelles. La Religion fait vendre, mais il semble que cela soit toujours plus rentable sur le dos de l’Eglise Catholique. Oui, pour le « Catho » aucun cadeau.

Ce 27 Octobre dernier, alors que le ministre de l’Intérieur Claude Guéant venait de développer un Code de la laïcité, l’Archevêque de Paris réaffirmait pareillement le principe de laïcité tout en soulignant l’importance des religions dans la construction du tissu social : « Notre société française est traversée par des facteurs de divisions. Certains courants idéologiques accusent les religions d’être cause de ces tensions (…), nous apportons une nette contradiction à ces idées fausses. Car si la République est constitutionnellement laïque, la société, elle, n’est pas a-religieuse ». Voilà qui est clair.

La Laïcité ? Elle est supposée assurer la liberté religieuse ou spirituelle. Les adversaires souvent véhéments du fameux « héritage Judéo Chrétien », dont ils ignorent en général a peu prés tout, hormis les clichés qu’ils se répètent à eux même pour s’en convaincre, ces adversaires de toute religion tendraient néanmoins à voir dans leur religion laïque la seule qui soit désormais acceptable. Liberté ? Tolérance ?

Même si l’Eglise est souvent déserte (à quelques exceptions rituelles fortes et massives…), tous les curés seraient donc des pédophiles. Entre la bête et la bêtise…Mais cela ne suffit pas. Même si chacun prendra volontiers quelques airs mystiques de pure forme durant la nuit de Noël, le but de tous les excités de la laïcité imposée comme nouveau dogme obligatoire, pourraient bien exiger bientôt la destruction de toutes les églises. On leur fournira bien un raisonnement tenable, le cas échéant en liaison avec l’exigence de voir autant de mosquées être édifiées. A terme, la laïcité sera la première menacée par tous ses agités sectaires, menacée dans tout ce que son sens initial recouvrait de tolérance et de respect.

Durant ce même rendez vous de la Paix tant ignoré, le pasteur Claude Baty, Président de la Fédération protestante de France précisait que « rencontrant personnellement et véritablement quelqu’un, il devient en effet impossible de le déshumaniser et on en est soi-même changé (…) Le protestantisme que je représente aujourd’hui est persuadé de la nécessité vitale de la rencontre et de l’échange ». Même s’il reconnaissait que tout n’est pas facile, Gilles Berheim, Grand Rabbin de France, insistait pareillement sur la nécessité de retrouver le sens de l’hospitalité réciproque. Ce jour là, le bon Pape Jean Paul 2 venait soudain faire danser ses bras durant la JMJ, de nos souvenirs. Il y avait aussi l’Abbe Pierre et Sœur Emmanuelle avec lesquels toutes les vedettes, de la Politique ou du Spectacle (parfois les deux se confondent) ne manquaient pas de se faire prendre en photo. Il reste le bon Père Guy Gilbert. Une autre forme de « Trinité » se réalise, ou se boucle. Il incarne étonnamment le double visage de la France. Celui de la fille aînée de l’Eglise, mais aussi celui de la fille de la Révolution. La nuit ? Il la connaît, sous tous ses visages.

Depuis plus de 30 ans (…) au début de chacune de ses émissions sur Radio Notre Dame, il pense toujours à saluer les populations constituant les principales victimes d’un système sociétal devenu fou. Outre la Jeunesse qu’il n’a plus vraiment à saluer pour la côtoyer depuis toujours dans sa partie la plus meurtrie, il s’adresse en priorité aux personnes âgées, cette masse silencieuse à qui l’on doit tout et que l’on voit si peu dans les médias. Cachez ce vieux que je ne saurais voir ? Peut être. Il parle aussi à la plus grande communauté silencieuse et invisible attestée dans sa densité par toutes les enquêtes. Le peuple de la moderne solitude. La chère cause nationale de cette année, et des suivantes.

La « religion » ? Dans le sens (et le sang, hélas ) même du mot, l’invitation première à se relier, pour le meilleur. L’Eglise l’aura oublié parfois. Néanmoins, un idéal ne peut et ne doit pas être réduit à ses tâches. Comme nous tous. Oui, le Père Guy Gilbert est le premier à regretter toutes les dorures excessives et l’apparat royal du sommet de sa hiérarchie. Certes, on ne peut honorer le Ciel avec un bout de carton. Quoi que.

La Religion est donc traversée par des visages unanimement reconnus, aimés. Le « Yallah » de Sœur Emmanuelle nous manque. L’appel de l’Abbé Pierre aussi. Il se renouvelle de lui même chaque année, proportionnellement au seuil de pauvreté. Les coups de gueule du Père Gilbert ? Ce sont souvent les nôtres. Ce théologien ne s’y résume pas, loin s’en faut. Mère Térésa en convient.

Quoi qu’il en soit, ces visages restent insupportables à certains. Ce que la new religion laïque ne parvient pas à faire, des pseudos œuvres cinématographiques ou théâtrales tenteront d’y parvenir. Quitte à jeter, d’abord réellement, puis « symboliquement », des excréments à la face du Ciel. Et de nous tous ? Les vrais créateurs ne se rabaissant jamais à l’obscénité fécale pour faire « du buzz ». Dans les débats bobologiques on pourra s’ébrouer un peu « Sur le concept du visage du fils de Dieu », une pièce de l’Italien Romeo Castellucc. Le caviar aussi finit, là ou il doit.

Alors que les vieilles lunes toutes rouges, devenues roses, en perte des dernières pétales chimériques, tombent bien bas, « la Religion » semble fonderait-elle le dernier débat branché ? L’ignorance culturelle donnant les lettres de noblesse en la « matière », les moins érudits se font ainsi maîtres de conférence médiatique. Tous les héros de la « Liberté », celle de cracher sur ce qui porte la vie même de plus d’un milliard d’Humain, celle de salir le « livre » le plus vendu au monde dans toute l’Histoire tout en ignorant l’essentiel des pages, la Bible, tous ces héros de papier toilette viennent ainsi partager leur vide dans le tout petit écran. La vérité ? Ce serait eux. Ils savent tout. Ils salissent tout.

Malraux aurait annoncé ce siècle comme spirituel, sauf à ne pas perdurer. Que cela soit exact ou pas, tout indique que le Ciel de ce nouveau siècle s’ouvre sur une tentative de rabaisser l’idée même de toute hauteur ou dépassement, de toute transcendance. L’avenir serait-il plus bas que Terre ? Pour peu que l’on puisse descendre encore. La crise ? Nous y sommes. La nuit, la vraie, très sombre.

Avant d’autres prolongements du même style, il y aura donc « Golgota Picnic », une pièce de Rodrigo Garcia. Elle est définie en présentation comme « une crucifixion tragique et trash ». Tout un programme. Plus rien n’est sacré. A n’en pas douter « l’obscurantisme » sera du coté de ceux qui croient encore, au moins, dans le respect. Le film sera diffusé pour la première fois, un mercredi, le jour même ou le bon père rejoint les studios de la Radio, depuis tant d’années. Avec si peu d’hommages.

Gardons qu’il aura bien besoin de son légendaire blouson de cuir, et de son indulgence prompte à tout pardonner, pour continuer de porter sa « petite » lumière du monde. Cette émission trentenaire reste à l’écoute dans la nuit… de la civilisation. Elle parle donc bien au delà d’elle-même.

Bientôt les derniers résistants mis sur écoute dans la Nuit ?

Cette « nuit » d’une civilisation, de la Culture, qui ne semblent s’offrir pour horizon que de descendre, toujours plus bas…

Guillaume Boucard


Moyenne des avis sur cet article :  4.5/5   (8 votes)




Réagissez à l'article

4 réactions à cet article    


  • Polo 6 décembre 2011 15:30

    En effet, il y a beaucoup de « beau » dans les religions, en particulier dans l’Eglise catholique.


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 11 décembre 2011 21:57

      Polo

      Il y aurait beaucoup plus de « beau » encore, dans l’Eglise catholique, si elle se débarrassait une fois pour toutes de ce qu’elle a encore de dégueulasse, et qui avait commencé à tomber en désuétude après Vatican II.

      Mais que Benoît XVI a réactivé, re-dogmatisé et re-sacralisé.

    • panpan 6 décembre 2011 23:21

      "Mgr Jacques Turck, le fondateur des lieux atteste de la fréquentation inégalée « des professions financières, essentiellement ».

      "Même engouement dans les monastères. Frère Matthieu, moine à Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) assure « recevoir beaucoup de célébrités de la finance ».

      Ben voyons ! Au lieu d’aller méditer aux frais de la princesse, ils feraient mieux de rendre le pognon, s’ils ont des états d’âme.
      Bande de salopards hypcrites. !
      Et les bons moines encaissent, bien sûr. C’est pas gratuit une semaine de méditation...

      N.B. Ne pas confondre église catholique (vérolée et infestée de sataniques) avec la vraie chrétienté, qui n’a pas besoin d’elle, d’ailleurs.
      Malheureusement, c’est difficile de faire passer le message...


      • Magnon 13 décembre 2011 15:31

        Un critique théâtral a sous-titre son article :
        « Déjeuner sur gerbe »

        rien à rajouter !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès