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Considérations sur le déploiement historique du principe de singularité

 Toute philosophie tend à établir une appréhension universaliste de la réalité. Cet article se propose de considérer l’hypothèse de l’existence d’un singulier au sein du monde, singulier qui serait dès lors nécessairement témoin de l’existence d’un transcendant. Ce singulier sera envisagé dans son déploiement historique, mais aussi dialectique, en considérant le rôle qu’il pourrait être amené à jouer dans une éventuelle réconciliation entre le transcendant et sa création.

 La présente réflexion se propose d’étudier de façon purement a priori les modalités de manifestation du transcendant au sein d’un univers donné.

 Il est bien évident que s’il n’y a pas de transcendant, si l’univers est la manifestation de son activité propre, d’un déploiement purement immanent de son essence propre, alors toutes les métaphysiques élaborées au sein de cet univers tendront à converger vers une doctrine unique, une doctrine de l’identité ultime de l’individu et du Tout. Au-delà des différences culturelles qui pourront affecter les multiples civilisations, les sages de tous les lieux et de toutes les époques se rejoindront sur ce constat immanentiste et métaphysique. Il n’y aura pas, en toute rigueur, de place, dans un tel univers, pour le singulier absolu, mais toutes les entités pourront être subsumées sous des catégories universelles dont elles tireront leur essence. En outre, une telle configuration impose nécessairement une disjonction entre la réalité perçue immédiatement (trivialement) et la réalité profonde et cachée du monde, d’où l’émergence, précisément, de doctrines de type « métaphysique ». Cette disjonction entre l’essence et la manifestation entraînera, chez ceux qui s’engageront dans cette voie de l’élucidation de la nature de l’univers, un type de comportement commun, visant à s’abstraire de la manifestation pour rejoindre l’essence, type de comportement qui impliquera un détachement de plus en plus radical à l’égard de la manifestation dans le but de réaliser l’unité primordiale, détachement universel que l’on peut désigner sous le terme générique d’« ascèse ». Dans cette hypothèse, toutes les entités individuelles, quels que soient leur culture d’origine ou leur milieu, qui aspireront à réaliser en elles cette unité métaphysique, devront s’engager dans ce comportement universel et normatif, dans cette ascèse.

 Il est dès lors bien évident, si l’on envisage l’hypothèse opposée, celle d’un transcendant originel, que ce transcendant, s’il aspire à établir un dialogue avec sa création, ne pourra absolument pas s’engager dans la voie d’une métaphysique comparable aux innombrables métaphysiques naturelles, élaborées dans l’optique d’une immanence de l’univers. Il lui faudra, bien au contraire, s’il est vraiment le Transcendant, choisir la voie opposée, celle de l’arbitraire pur, de la pure liberté et de la complète gratuité. Or, la chose la plus arbitraire qui soit, la seule chose par conséquent propre à manifester une volonté extérieure à l’immanence de l’univers, c’est la législation. Dans cette hypothèse, la seule voie qui s’offre au transcendant est donc celle d’une législation révélée. Bien entendu, cette législation ne pourra jamais être purement individuelle, car dans ce cas l’arbitraire de l’entité individuelle ne pourrait en aucun cas être distingué de l’arbitraire du transcendant. Elle devra donc s’adresser à une communauté, à un « peuple », un peuple séparé des autres, qui sera porteur, au sein de l’immanence universelle et à travers l'histoire, de l’existence et de la volonté du transcendant. Nous aurons donc la mise en place d’une dialectique entre un peuple séparé, c’est-à-dire, étymologiquement, un « peuple saint », d’un côté, et les « nations » de l’autre. Cette dialectique entre le peuple saint et les nations sera génératrice d’une tension, d’une remise en cause de l’immanence et de toute métaphysique en général, qui témoignera de la présence du transcendant au sein de la création.

 Il est bien évident que cette tension dialectique, comme toute tension dialectique, tendra nécessairement, à un moment ou à un autre, à une résolution, à un dépassement dialectique, à une réconciliation des deux pôles de tension au sein d’une synthèse supérieure. Il est absolument impossible de déterminer de façon a priori la forme que pourrait prendre ce dépassement dialectique. Le cas le plus extrême, sans doute, qui pourrait être envisagé, serait, puisque toute la démarche de révélation de la part du transcendant implique une volonté d’alliance entre ce Transcendant et l’entité individuelle, que le transcendant pousse cette alliance à son terme le plus absolu en adoptant la nature de l’entité individuelle. Il s’agit là, bien sûr, d’une hypothèse vertigineuse, celle d’une sorte « d’incarnation » du transcendant. En ce transcendant incarné, la totalité du principe de singularité serait préservée (ce qui implique une continuité et non une rupture), la réconciliation entre le transcendant et sa création serait opérée, et la dialectique entre le peuple saint et les nations se résoudrait de façon définitive.

 Néanmoins, une telle hypothèse ne signifierait nullement la disparition, sur le plan historique, du principe de singularité introduit par le transcendant lors de sa révélation au peuple séparé. Bien au contraire, tant que durera la création, ce peuple séparé continuera à jouer son rôle prophétique de dissolution de toute métaphysique naturelle et de témoignage du transcendant. Ce rôle historique ne sera nullement remis en cause par l’Incarnation. Mais la pointe aigüe de témoin du transcendant et de moteur de l’avènement eschatologique des promesses du transcendant résidera nécessairement dès lors chez ceux qui se réclameront du dépassement dialectique opéré par le transcendant. Ceux-ci devront être à la fois porteurs du principe de singularité posé par le transcendant (c’est-à-dire de la liberté, par opposition à toutes les déterminations immanentistes), et de la réintégration de l’ensemble de la Création dans l’Alliance, laquelle constitue l’objet propre de ce dépassement dialectique.

 Il résulte de tout ceci une conséquence bien évidente, c’est qu’il est rigoureusement impossible, pour ceux qui se réclament du dépassement dialectique, de s’en prendre au principe de singularité posé par le transcendant, et plus précisément à sa manifestation historique et concrète, c’est-à-dire au peuple saint. Il y aurait là, en effet, une négation absolue du transcendant, de la part de ceux qui se réclameraient de son Incarnation. Le dépassement dialectique n’est en effet nullement un retour à l’universalisme métaphysique des conceptions immanentes de l’univers, mais au contraire une sorte d’« exhaussement » de tout cet univers au niveau du principe de singularité. C’est là un point qu’il est absolument essentiel de comprendre. D’un point de vue purement historique et contingent, néanmoins, il est très probable que cette prise de conscience ne s’effectue pas aussi clairement qu’il serait souhaitable chez ceux qui se réclament du dépassement dialectique (quel qu’il soit). Mais il est évident qu’un retournement de ceux-ci contre le principe de singularité dont ils sont issus offrirait le triste spectacle d’un contresens complet quant à leur être même et à leur rôle eschatologique, et d’une trahison de la volonté et du message du Transcendant.

 Il me semble que c’est là ce que l’on peut avancer de plus clair et de moins sujet à caution quant à la question délicate de savoir si l’on peut établir de façon a priori les modalités de manifestation d’un éventuel transcendant par rapport à un univers donné.


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18 réactions à cet article    


  • rogal 28 février 09:43

    Tout cela est parfaitement évident.


    • Epsilone 28 février 10:43

      Que de la pure spéculation, pas la moindre observation.

      Si cela a quelque chose à voir avec la réalité, c’est tout à fait par hasard.


      • SilentArrow 28 février 12:37

        @Laconique

        Rien compris. Et étonné à chaque fois que vous utilisez le mot « évident ».


        • JPCiron JPCiron 28 février 22:45

          Bonjour,

           Il est bien évident que s’il n’y a pas de transcendant, si l’univers est la manifestation de son activité propre, d’un déploiement purement immanent de son essence propre, alors toutes les métaphysiques élaborées au sein de cet univers tendront à converger vers une doctrine unique, une doctrine de l’identité ultime de l’individu et du Tout. >

          Pourquoi serait-il évident qu’un univers qui est la manifestation de son activité propre, différente selon les lieux et les moments, ne se perpétue pas dans la diversité jusqu’à ses morts partielles, ici pas épuisement de l’énergie, là en finissant consumé ou écrasé ?



          • Laconique Laconique 29 février 10:33

            @JPCiron

            Si je puis me permettre, il est tout à fait abusif de considérer à notre échelle des problèmes tels que ceux d’une extinction, partielle ou totale, de l’univers. Toutes ces catégories de cause, d’effet, de début, de fin, sont strictement déterminées par la nature spécifique et bornée de notre faculté de connaître, et nous ne pouvons strictement rien dire de l’univers en soi, de la chose en soi, telle qu’elle existe en dehors de notre perception (au sens large). La chose en soi nous est totalement inconnue. Je vous invite à lire à ce sujet la Critique de la raison pure de Kant, en particulier la dialectique transcendantale (première antinomie de la raison pure).


          • JPCiron JPCiron 28 février 22:54

            la seule voie qui s’offre au transcendant >

            Sauf si ledit transcendant a créé son monde de manière à disposer d’autant de voies qu’il le souhaite, au besoin simultanément, dans les différentes parties ou dimensions de sa création.

            Par ailleur, pourquoi le tanscendant serait-il pré-déterminé à ne pouvoir suivre qu’un seul chemin ?


            • Laconique Laconique 29 février 10:34

              @JPCiron

              C’est justement l’objet de ce texte, de montrer que le langage philosophique s’enferre quasi nécessairement dans ce genre d’abus de langage dès qu’il traite de ce qui le dépasse.


            • suispersonne 28 février 23:06

              Impossible de trouver une description observable dans vos propos.

              Voici le peu que j’ai découvert.

              1°) Tout l’univers, observable, et non observé, est interdépendant.

              2°) Toutes les croyances sont maléfiques.

              3°) Notre conscience doit parvenir à se détacher de toute tension vers n’importe quel objectif.

              4°) Cela est possible plus facilement quand on accepte la proximité de notre disparition ... totale.

              5°) Ce phénomène d’acceptation de notre ignorance fondamentale est bénéfique pour maintenir notre état préférable de sérénité.

              6°) La vie éternelle ne nous concerne en rien.

              7°) Une conscience morale basée sur le respect de tous les aspects de l’univers est indispensable pour s’y sentir bien.

              Je sais bien que je n’ai pas trouvé grand chose, mais je me contente de n’avoir besoin de personne, tout en disant qu’on peut compter sur moi.


              • Laconique Laconique 29 février 10:35

                @suispersonne

                You’re a wise man.


              • Gollum Gollum 29 février 08:55

                J’vous aime bien Laconique, mais ce que vous écrivez est complètement idiot.

                Vous partez de votre foi et toute votre pseudo-démonstration en découle..

                Déjà dans la métaphysique hindoue, le Brahman ultime et inconditionné est à la fois immanent et transcendant, il est au-delà des oppositions...

                C’est un simple exemple de votre fourvoiement. Je ne vais pas en épingler d’autres, mais tout le reste est à l’avenant...

                Aïe, aie, aie...


                • Laconique Laconique 29 février 10:37

                  @Gollum

                  Tout ce texte est en effet une exposition du paradigme biblique par le moyen de la terminologie philosophique. C’est donc un texte avec une forte dimension ironique, puisqu’il s’agit d’utiliser le langage philosophique pour exprimer ce qui lui est par nature réfractaire. Vous êtes le seul à avoir soupçonné l’angle sous lequel ce texte devait être lu, bravo à vous pour votre sagacité.

                   

                  Oui, vous avez raison, le Brahman (comme le Tao) est à la fois immanent et transcendant, si l’on choisit d’adopter ces termes issus de la tradition occidentale. Au début du texte j’insiste sur l’aspect immanent.


                • Decouz 29 février 09:25

                  La singularité est ce qui ne se reproduit pas, ce qui est unique dans le temps et/ou dans l’espace, ou dans n’importe quelle figure.

                  Le problème : une reproduction, modélisation est impossible, car la reproduction au sens de copie serait un double, ce double pouvant être reproduit etc la modélisation est contraire également à l’idée d’originalité totale.

                  Donc la singularité serait plutôt ce qui est appelé le Tao, ou encore Brahma non qualifié, qui lorsqu’il est nommé, défini, circoncis, perd son caractère de mystère, d’inconditionné, cependant comme les noms divins dans la théologie positive il peut être qualifié, c’est son apparence dans le cosmos et dans les créatures.


                  • Laconique Laconique 29 février 10:38

                    @Decouz

                    Oui, du point de vue de la philosophie (idéaliste), le singulier en tant que tel n’existe pas dans le monde sensible.


                  • Decouz 29 février 09:43

                    Le transcendant est donc défini par son absence de définition, une tendance vers, une sublimité, une tension vers une limite impossible à cerner.

                    La singularité est paradoxale, elle est impossible et sous entendue, mais entendue.

                    Dans le taoïsme il y a la notion de « sans faîte » « wu ji » et « faîte suprême », « Taî Ji » faîte suprême, le « taî », « très », « trop », l’idée d’une tendance vers la vacuité du « sans faîte » dans un sens de dissolution du monde manifesté, mais aussi vers le sublime pressenti, et dans l’autre sens, celui de la création, une richesse de possibilités, de créativité sans limites.


                    • suispersonne 29 février 22:50

                      Le seul point qui mérite, à mes yeux presbytes, de penser.

                      Comment se fait il qu’on découvre sans cesse des vérités mathématiques, à l’intérieur du domaine et sans aucune référence à une réalité observable, et que ces mathématiques s’appliquent, jusqu’à maintenant, à élucider, encore et encore, une partie des interdépendances de l’univers ?

                      C’est tout de même étrange.


                      • Laconique Laconique 1er mars 10:24

                        @suispersonne

                        I Pitagorici, e Platone nel Timeo, hanno cercato nei numeri il segreto dell’universo... Ma non l’hanno trovato !


                      • suispersonne 1er mars 12:05

                        @Laconique
                        Il est erroné de simplifier les concepts.
                        Les découvertes mathématiques restent cantonnées à l’intérieur de leur domaine, paraissent indépendantes de toute croyance, et donnent une impression d’avoir toujours existé avant qu’on les découvre, parce qu’elles sont le produit de l’application de la logique à des éléments théorisés hors de tout observable externe à la conscience (et c’est de plus en plus la norme).
                        Et la facilité conduit à en tirer des conclusions hasardeuses sur l’existence d’un projet universel : on n’aura jamais fini de trouver parce que nous ne sommes pas divins ... donc il existe un divin.
                        Les supercheries de toutes les religions sont pourtant faciles à démasquer ! Il n’est pas étonnant non plus que les croyants soient entraînés à vouloir dominer les incroyants, ce qui est évident, mais deviennent des bêtes féroces bien plus cruelles contre les croyants alternatifs ...

                        Le mythe de la vie éternelle, une arnaque malicieuse des zélites.

                        Le mythe d’Osiris veut que ce « dieu » issu d’une vierge a été tué et fut ressuscité, grâce à l’aide de sa sœur Isis.

                        Cela ne vous rappelle rien ?

                        2400 ans avant notre ère, le mythe d’une vie éternelle, calquée ici sur celle du renouveau annuel des cultures végétales, est instauré comme fondement du contrôle social.

                        Ce mythe a été diffusé d’un seul coup, au 25è siècle avant notre ère, signe évident d’une propagande du système royal du moment.

                        Si on est sain d’esprit, on comprend que la répétition de ce mythe d’une vie éternelle démontre la propagande du pouvoir des castes dominantes sur la masse des castes inférieures.

                        La base de ce pouvoir est d’imposer que les inégalités sont normales, doivent être acceptées comme inévitables, et découlent d’une prétendue culpabilité de ceux qui en souffrent.

                        On croirait entendre les merdiacrates baver sur les gilets jaunes, les syndicats et les grévistes.

                        Champollion, décryptant ce mythe égyptien, bien antérieur à l’apparition du système social de la chrétienté, fut horrifié du danger d’en parler à qui que ce soit, et se garda d’en faire une publication de nature à lui faire subir les foudres de tous les pouvoirs en place : royauté, église, et bourgeoisie.

                        Quelques siècles plus tôt, c’était la torture et le bûcher.

                        Le croyant ne manquera pas de réfuter cette évidence, avec les arguments spécieux développés sans aucun fondement dans toutes les théologies.


                      • Jean Keim Jean Keim 2 mars 08:58

                        Partons de ce qui est observable en soi-même : je ne peux penser et exposer le contenu de mon mode de penser que si j’ai à ma disposition des savoirs me permettant justement de le faire.

                        Ne demandons pas par exemple à un adepte sectaire d’une religion et se limitant à celle-ci, d’exposer les principes d’une autre religion, si malgré tout poussé par la curiosité que peut-être lui interdit ses croyances, il se documente sur ladite autre religion, il fera un exposé ‘’avec’’ ce que son esprit (sa conscience) a amalgamé, il appuiera suivant son objectif recherché sur ce qui est compatible ou pas avec sa croyance indéfectible.

                        Si malgré tout, moins infesté que nous pourrions le penser, il s’ouvre à l’autre croyance, il ne fera que changer de paradigme comme on dit dans les courants ‘’New Âge’’, le syncrétisme religieux est pire que la somme des idéologies qui le compose.

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