Conduite extrême : réduire la gravité d’une collision
Vendredi 28 juillet 2023 à 09 h 22, un chauffeur d'autocar de substitution de la SNCF voulant éviter une Clio qui arrivait à contresens sur la D113, entre Mézières-sur-Seine et Mantes-la-Ville (Yvelines), a quitté la route. L'accident a fait deux morts, cinq victimes en urgence absolue avec pronostic vital engagé pour trois d'entre elles, et plus d'une trentaine de blessés. Le véhicule du jeune homme âgé de 21 ans, alcoolisé (2,04 gr) « a franchi la ligne blanche continue et a percuté l'avant du bus, côté droit. (...) La voiture s'est encastrée dans un poteau quelques mètres plus loin et le bus est tombé en contrebas de la route ». Le bus n'était pas équipé de ceintures de sécurité et la Clio roulait à 90 km/h sur un tronçon limité à 80 Km/h.
Les dangers encourus par tout chauffeur peuvent provenir : des autres conducteurs, des piétons, des conditions de circulation, de l'état de la chaussée, d'une mauvaise signalisation, des bords de route (rail, arbres, fossé, fleuve), endormissement, alcoolémie, stupéfiant, médicament, éblouissement, fatigue, vitesse excessive, habitude de rouler à gauche, malaise, éclatement d'un pneu, mauvaise visibilité, angle mort, circonstances météorologiques, distraction (GPS, téléphone, autoradio, voyant d'alerte), insecte, animal ou chahut dans l'habitacle, chute de pierres, d'un arbre, d'un câble, passage d'un animal, défaillance « mécanique », absence d'un coupe-circuit automatique, siège mal réglé, pneus lisses, agresseurs, personnes malveillantes (voleur, détrousseurs, escrocs), etc.
De nombreux accidents routiers démontrent que le risque de survenance est d'autant plus important qu'il n'a pas été envisagé ni anticipé. Au moindre signe de danger, le chauffeur doit pouvoir éviter l'aléa : contournement - accélération - ralentissement - freinage - mordre sur l'accotement - déboîter sur la gauche, manœuvre d'urgence. La décision et l'exécution ne sauraient s'improviser. En cas d'impossibilité, le chauffeur formé à la conduite extrême peut opter pour la collision après avoir apprécié : type de véhicule - vitesse - hauteur du châssis - masse du véhicule - centre de gravité - l'environnement et ses compétences en une fraction de seconde. Il ne s'agit pas d'aller s'embrocher sur le châssis en « H » d'un véhicule lourd, mais de commettre une imprudence avec prudence.
L'application de manœuvres correctrices suffiraient la plupart du temps à reprendre le contrôle du véhicule. Être familiarisé avec la tenue de route du véhicule, son rayon de braquage et ses reprises ne saurait suffire. En devenant capable d'anticiper une manœuvre on gagne de précieuses fractions de seconde pour prendre une décision afin de prévenir un danger plus grand. Dans une circonstance soudaine, le véhicule peut se trouver dans une zone limite séparant ce qui est encore possible de l'accident. Encore faut-il les connaitre et s'y être préparé mentalement, techniquement, et ne jamais outrepasser les performances du véhicule, ni atteindre la limite de ses capacités de conduite. Cela exige une appréciation exacte de la situation et des lois de la dynamique du véhicule. Sans la compréhension, même intuitive, de quelques principes élémentaires, aucune manœuvre d'urgence ne se fera avec sûreté.
La puissance d'un véhicule est caractérisé par l'énergie du moteur et le rapport poids / puissance. Si celui-ci est supérieur à 20 kg/CV, il peut représenter un danger par insuffisance de réserve en puissance. Plus le rapport est faible, plus le véhicule dispose de réserve, mais apparaît avec cette puissance le risque de décrochage des roues motrices. Si le rapport est inférieur à 8, le conducteur doit être familiarisé avec le pilotage sportif. À vitesse élevée, pour que le véhicule reste stable et équilibré sans risquer de quitter la chaussée ou sa trajectoire, il faut éviter les transferts de charge. La masse du véhicule et son centre de gravité sont deux facteurs de la tenue de route. En général, une voiture a une position d'équilibre stable sous l'effet de son poids, de son empattement, et de son centre de gravité. La position d'équilibre est instable si le centre de gravité est haut (4X4, pick-up, camion, autocar).
Selon l'emplacement du centre de gravité du véhicule, les forces s'exerçant sur les quatre roues entraînent une incidence sur le comportement de la voiture. En montée, en descente et selon la répartition des charges, les forces de guidage du véhicule s'en trouvent modifiées. Une partie de la masse du véhicule n'est plus perpendiculaire à la chaussée, mais reportée vers l'avant, l'arrière, ou sur un côté. Tout conducteur ressent ce transfert de masse sur son corps. Au freinage, le corps est projeté vers l'avant, lors d'une accélération, il est collé au siège, dans un virage, il est déporté latéralement. En général, les freins avant sont plus efficaces que les freins arrière, ce qui accroît l'énergie cinétique emmagasinée par toute masse. Votre corps ou un paquet placé sur la lunette arrière sous l'action de l'énergie cinétique devient beaucoup plus « lourd ».
Un véhicule qui négocie un virage contrarie la trajectoire rectiligne en exerçant une force dirigée vers le centre du virage. La direction du vecteur-vitesse change, et son accélération n'est pas dans la direction du mouvement. On se doit de différencier l'accélération instantanée et l'accélération moyenne. Savez-vous que la force centrifuge (en Newton = V^2.m/r avec vitesse en m/sec, m en kilos et rayon du virage en mètres) renferme une idée fausse très répandue ? G. Benedetti avait déjà entrevu en 1585, qu'un objet décrivant un cercle et relâché soudainement continue son mouvement le long de la ligne droite tangente au cercle au point de libération (Goliath l'avait intuitivement compris avant lui en utilisant sa fronde). Une force continuellement dirigée vers un centre devient une force centripète. Si on supprime cette force, le mouvement devient instantanément un mouvement rectiligne uniforme tangent à la courbe, et non pas un mouvement radial dirigé vers l'extérieur ! Essayez, à vitesse modérée, de freiner brusquement et de prendre un virage, vous constaterez que vos roues ne répondent pas et que le véhicule continue tout droit. Les forces de guidage latéral ont disparu ! À l'inverse, dans un virage, un pneu fournit une force latérale maximale. On ne peut accélérer ou freiner, ni virer efficacement en même temps.
Si la force centripète dépasse la masse du véhicule et/ou ses forces d'adhérence, le véhicule devient incontrôlable. Quand on divise le rayon d'un virage par deux, la force centripète est multipliée par deux. Si la vitesse double, la force est multipliée par quatre, et par seize si la vitesse est quadruplée ! Plus la trajectoire est serrée (petit rayon du virage), plus la force capable de dévier le véhicule est grande. Dans un virage, la direction des pneus et la trajectoire ne coïncident qu'à basse vitesse et pour un rayon de courbe assez grand. Dans le cas contraire, le véhicule et les pneus présentent un angle de dérive qui exige un braquage plus accentué que celui nécessité par le rayon du virage.
L'emplacement du moteur et le type de transmission influent sur le comportement directionnel du véhicule. On entend souvent dire traction avant, véhicule sous-vireur, propulsion arrière, véhicule survireur. Il ne saurait s'agir que d'une tendance. Le phénomène peut varier selon la vitesse, la nature de la chaussée, l'état de charge. Un véhicule peut être légèrement sous-vireur, et au-delà d'une certaine contrainte devenir survireur ! Vous entrez dans un virage avec un véhicule sous-vireur, et à un certain moment, il peut devenir survireur ! Le comportement du véhicule peut varier selon l'inclinaison de la route (devers).
Lors d'une collision entre véhicules (thermique, électrique, hybride), les pare-chocs et la carrosserie se déforment, les véhicules « rebondissent » et s'éloignent l'un de l'autre en ayant cédé une partie de leur énergie cinétique. Plus les matériaux sont résistants à la déformation, moins il y a de perte d'énergie cinétique, d'où un choc plus brutal (différence entre une corde dynamique pour l'alpinisme, et une corde statique pour la spéléologie). Contrairement à une idée répandue, lors d'un choc frontal entre deux véhicules, les vitesses ne s'additionnent pas, le véhicule plus léger est défavorisé. Lors d'une collision entre une voiture et un poids-lourd, la voiture reculera sous l'impact. Si le PL roule à 80 km/h et le VL à 90 km/h et que la vitesse résiduelle tombe à 60 km/h, le PL perdra une vingtaine de km/h, tandis que le VL subira un choc de 150 km/h (90+60 km/h) ! L'autocariste aurait-il dû « accepter » la collision (sous certaines conditions) au lieu de vouloir l'éviter ? Voilà de quoi faire hérisser les cheveux sur la tête des président(e)s d'associations de la prévention routière.
En cas de collision, la cellule de survie (habitacle) ne constitue qu'une protection passive de ses occupants. Tous les véhicules subissent des « crash tests » pour évaluer la déformation subie lors d'un choc. Les constructeurs renforcent certaines parties du châssis et de l'habitable pour absorber une partie de l'énergie cinétique et rendre l'habitacle aussi indéformable que la technologie le permet de façon à garantir une chance de survie maximum aux occupants. Ces tests analysent différents points : absence de fuite d'essence (risque d'incendie), facilité d'extraction d'un blessé (corps coincé, pieds encastrés), sous-marinage (la propension du bassin à glisser sous la ceinture de sécurité) responsable souvent des blessures abdominales très graves.
:-(( Un véhicule heurte un mur à 72 km/h, son temps d'arrêt étant de 0.10 seconde, quelle force moyenne s'exerce sur le passager ? La réponse est – 1.4. 104 Newton (Fm = (70 kg).(-20 m/s)/ 0.10 s). La décélération est proportionnelle au carré de la vitesse (ϓ (m/s²) = V^2 (m/s) / 2da distance d'arrêt en mètres) et peut être réduite par le limiteur d'effort de la ceinture, les déformations du véhicule et un début de freinage (décélération constante V = Vo-ϓ.t sec). Un petit dernier pour la route. Réduire la vitesse d'un véhicule c'est lui appliquer une accélération négative. On désire ramener la vitesse d'un véhicule d'une tonne animé d'une vitesse de 22 m/sec (80 km/h) à 2 m/sec (7 km/h) en 2 secondes. La force à déployer sera égale à 1000 x (2 - 22 / 2), soit - 10.000 Newtons. ;-)).
Si la collision ne peut être évitée ou a été décidée comme un moindre risque, il s'agit de se prémunir d'une décélération brutale et d'éviter un sur-accident. Le corps va subir lors de l'impact deux chocs. Le premier lié à la collision, le second lié à l'énergie cinétique emmagasinée par le corps qui se trouvera projeté vers l'avant. L'appui-tête correctement réglé et la ceinture bouclée, il faut venir heurter l'autre véhicule de façon à lui faire subir une rotation, au besoin en décrivant un léger crochet et en évitant à son propre véhicule un impact frontal (attraction foraine des voitures tamponneuses ou carreau des « billardistes »). L'effet de giration peut être modifié par un léger coup de volant donné au moment du choc afin de s'éloigner du véhicule percuté (principe de l'effet d'une boule de billard qui carambole). Coup de volant à droite pour dégager sur la droite, ou l'inverse. La réduction de la vitesse juste avant le choc permet de perdre rapidement de la vitesse pour éviter un autre danger, arbre, voiture, etc. Même porteur d'une ceinture de sécurité, les passagers se doivent d'adopter la position de crash. Un choc latéral peut se révéler bien plus dangereux qu'un choc frontal. Le véhicule est bien moins protégé sur les flancs pour absorber le choc (il doit le faire sur une douzaine de centimètres et non plusieurs dizaines).
Lors des essais du Grand Prix de Grande-Bretagne (1977), David Purley percuta un mur de face (accélérateur bloqué), faisant passer la voiture de 173 km/h (48 m/sec) à 0 km/h sur 0,66 mètre, son corps subissant une décélération de 174 g. Lors de l'impact, son corps pesait près de 12 tonnes ! Le pilote s'en tira avec un traumatisme crânien, des fractures multiples et un an de convalescence. En conditions de course, les pilotes encaissent 2 à 3 g dans les virages et 6 g lors de freinages d'urgence.
Les manœuvres d'urgence évoquées ne sont en aucun cas une incitation à les expérimenter. Leur mise en œuvre ne peut s'apprendre que dans un cadre strict de sécurité pour soi, des autres usagers et avec des formateurs compétents. Ceux-ci sont rares et certains stages sont des attrape-nigauds financés avec des fonds publics. La formation doit être dispensée par des moniteurs (diplômés) de sports mécaniques : connaissances des sous-ensembles (certains conducteurs ignorent tout du rôle du différentiel), rallye (drift, etc.), stock-car (attaque entre véhicules), conduite évasive, défensive, offensive, le tout avec des véhicules spécialement préparés et sur une piste adaptée.
Chaque fois qu'un conducteur ne respecte pas les prescriptions du code de la route, il peut voir sa responsabilité civile et pénale engagées. Il existe pas moins de 160 infractions routières ! Le chauffeur qui a pris des risques pour limiter les risques d'un accident, d'une collision grave, d'un attentat, d'une perte de contrôle de véhicule peut-il invoquer un cas de force majeure ? Il n'existe aucun article de légitime défense applicable à la conduite d'un véhicule (arme par destination). Confrontés à des rodéos sauvages, nouveaux jeux des arènes faubouriennes (faux-bourgs), certains syndicats de policiers voudraient voir autoriser le « contact tactique » utilisé par la police londonienne pour venir heurter un deux roues responsable d'un délit grave. Pour qu'un conducteur soit exonéré de toute responsabilité, il faut qu'aucune faute ne soit retenue à son encontre. Le défenseur d'un prévenu pourra avancer un attendu de la Cour de Cassation : « nul ne peut se voir reprocher de n'avoir pas tenté une manœuvre de sauvetage pour minimiser les conséquences d'une faute de son vis-à-vis ». Une remarque, une correction, une précision, une expérience ?
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