• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Comprendre HADOPI, ses enjeux, ses risques (6/6)

Comprendre HADOPI, ses enjeux, ses risques (6/6)

Ce projet de loi a suscité une mobilisation totalement inédite de nos concitoyens, dont beaucoup ont suivi assidûment les débats à l’Assemblée Nationale alors même que les médias traditionnels ne couvraient que partiellement et surtout partialement l’évènement, et que tous les partis politiques entretenaient une omerta assourdissante et fort remarquée des internautes sur le sujet.
 
Cette mobilisation témoigne de l’émergence, via Internet, d’une conscience et d’une vigilance politiques accrues, signes d’une volonté insatisfaite d’expression démocratique que le pouvoir en place ne demande qu’à bâillonner et… qui ne demande qu’à se trouver un porte parole d’envergure !

Chapitre VI : Pourquoi l’opposition doit s’engager fermement contre l’HADOPI
 
Alors que le projet de loi HADOPI est un cas d’école de connivence politico-industrielle, de confusion des intérêts privés et publics et de violation des principes républicains, comment l’opposition peut-elle à ce point se murer dans le silence et ignorer le sujet ?

Si les représentants de l’opposition ont sous-estimé l’attention et la préoccupation des électeurs pour cette loi, voici quelques éléments qui devraient les faire réfléchir :

Tout d’abord, la diffusion des débats sur la loi « Création et Internet » à l’Assemblée Nationale a connu un succès d’audience totalement inhabituel, indice d’une mobilisation qui l’est tout autant.
 
Ensuite, un sondage très récent suggère que 60% des internautes en général, et plus encore si l’on regarde les sympathisants des partis de l’opposition, sont défavorables à la riposte graduée.

Face à la mobilisation inédite, les doutes commencent à apparaître au grand jour au sein même de la majorité. Outre une poignée de députés, des militants UMP ont protesté contre le projet de loi ; et même si les jeunes UMP ont été « repris en main », 86% d’entre eux se disent hostiles au projet.
 
Comme le rappelait récemment et très justement Alain Suguenot, « Lorsque l’on fait un procès au peuple, le peuple s’en souvient ». Ce que les faits corroborent : lors des municipales 2008, le site Numerama avait ainsi parlé de la « malédiction DADVSI » en constatant que tous les acteurs qui ont participé activement à l’adoption de cette loi anti-piratage et à l’enterrement de la licence globale avaient été battus aux élections. De là à envisager une « malédiction HADOPI »… ou une bénédiction « anti-HADOPI » pour d’autres !
 
Afin de faciliter la mémoire du peuple, le collectif « La quadrature du Net » a mis en place une mémoire politique afin d’enregistrer les votes et les prises de positions des députés français et européens. On y trouve notamment un classement des députés par rapport à leur opposition à l’HADOPI. Gageons que les électeurs et sympathisants des uns ou des autres sauront s’y référer le moment venu !
 
Non loin de nous, en Suède, on observe un exemple particulièrement éloquent d’influence de la problématique du téléchargement sur les électeurs. Le tout jeune «  parti pirate », dont l’unique programme consiste en une réforme profonde du droit d’auteur et du système des brevets, et la défense des libertés et la vie privée numériques, s’impose d’ores et déjà dans la vie politique, dépassant le Parti Vert en nombre d’adhérents et les Communistes en nombre de voix. Suite à la toute récente condamnation controversée de "The Pirate Bay", ce parti a encore connu un afflux d’adhésions.
 
L’opposition est donc en passe d’apparaître déconnectée sur un sujet de société majeur pour notre pays, et perçu comme tel par les citoyens internautes. Aucun autre parti n’a cependant à ce jour pris la mesure du capital politique mobilisable par l’opposition à la riposte graduée… mais cela ne durera pas forcément, et les suiveurs ne récolteront que les miettes. Si le PS en particulier n’a pas cherché à tirer profit du vote surprise du 9 avril, il est pressé de le faire et commence même à réaliser le bénéfice qu’il pourrait en tirer, tout particulièrement à 2 mois des élections européennes. Et le Mouvement Démocrate ?
 
Enfin, il faut intégrer à cette réflexion la pyramide des âges des internautes : le nombre et la proportion de citoyens préoccupés des libertés numériques va croissant, et certains qui n’ont pas encore le droit de vote l’auront d’ici 2012 ! Et à cet âge, la mémoire est bonne !
 
 
Il est encore temps de contacter votre député pour lui faire part de vos inquiétudes et de votre vigilance quant à son vote !!

Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (16 votes)




Réagissez à l'article

10 réactions à cet article    


  • Neozenith 27 avril 2009 17:10

    J’ai suivi certains liens (en fait ceux qui se réfèrent aux « jeunes UMP refusant HADOPI »). C’est assez incroyable que le président, cette idiote de ministre (pardonnez l’expression, mais quand je vois comment elle fait la sourde oreille...) et ces députés qui se prétendent « Unis pour un Mouvement Populaire », fassent pire qu’ignorer leur jeunesse, ils la renient carrément.
    Comment un parti politique peut-il blâmer jusqu’à sa jeunesse, alors que c’est bien de là que sont censés venir le progrès et les idées neuves de demain ?! Pourquoi ne pas les écouter, alors qu’ils sont certainement plus calés en la matière ?! Ca me fait l’effet d’une mère ou d’un père étouffant ses enfants, parce que ceux-ci se sont forgés une opinion contraire...

    C’est exactement le genre de choses qui me ferait brûler ma carte d’adhérent (quelque soit le parti, ce n’est pas spécifique à l’UMP) ! Quelle honte de suivre des personnalités comme ça !


    • plancherDesVaches 27 avril 2009 19:35

      Mage, vous semblez pire qu’à droite.


    • Thomas Thomas 27 avril 2009 19:40

      Merci tout d’abord pour votre lecture de cette longue revue.

      En effet, j’instruis essentiellement à charge, d’une part parce que le gouvernement se charge de soutenir le projet, d’autre part parce que je ne vois pas grand chose à soutenir dans l’HADOPI. C’est un projet dont les artistes ne sont qu’un alibi et dont ils ne tireront pas grand chose, une mauvaise réponse à un vrai problème.

      Effectivement, je n’ai pas abordé la question très légitime du revenu des artistes. Desproges disait sans complexe que l’artiste vend du rire. Promis, si l’HADOPI est rejetée, j’essayerai de creuser la question. Mais je peux d’ores et déjà vous donner des pistes.

      Il est sans doute capital de ré-équilibrer le rapport de force entre majors et artistes. Les clauses léonines que j’évoquais au §3, qui conduisent les artistes à ne toucher qu’une infime partie des revenus qu’ils génèrent, sont scandaleuses. Bien sûr, il s’agit d’un relation contractuelle privée, mais ce n’est pas en confortant le monopole des majors que l’on va rééquilibrer la relation au profit des artistes. Déstabiliser les majors, c’est permettre aux artistes de reconquérir leurs droits.

      Ainsi que je le rapportais au même chapitre, le net offre des possibilités inédites pour les artistes de s’autoproduire (cf Nine Inch Nails), de se faire connaître (cf la chanson du dimanche) ou de gagner de l’argent avec le P2P (cf Mininova). Tous les liens sont dans le chapitre 3/6.

      Il faudrait aussi s’intéresser à la ventilation des revenus de la « taxe sur la copie privée » payée sur chaque support vierge (CD, disque dur, clé USB, ...), collectée par les pouvoirs publics... qui ont donc une large marge de manœuvre pour organiser une redistribution plus équitable en direction des artistes.

      Il y a le spectacle vivant, actuelle principale source de revenus des artistes (puisque les majors leur reversent si peu sur les ventes de disques). Bien sûr, ça oblige à mouiller le maillot mais aucun piratage ne viendra jamais interférer avec cette source là.

      Enfin, il y a la piste de la licence globale, mais encore faudrait-il qu’elle profite plus aux artistes que la taxe sur la copie privée, qui est déjà une taxe globale qui ne dit pas son nom.

      D’une façon générale, je pense que le sort actuel des artistes connus est plutôt enviable (et ce sont globalement les mieux lotis qui se plaignent le plus), que le sort des artistes méconnus ou à découvrir a plutôt à gagner du piratage mais sera aggravé par l’HADOPI.

      Suivez les liens du chapitre 3/6 pour plus de détails.


    • Thomas Thomas 27 avril 2009 22:52

      Mage, vous faites très bien l’instruction à décharge de l’HADOPI, pas la peine que je m’en charge !

      > Internet n’a pas davantage vocation à être en dehors du droit que les autres espaces d’échanges qui fondent la société.

      Évidemment. Pour autant, il est regrettable de faire ainsi l’impasse sur une évolution technologique et économique fondamentale. La dématérialisation permet la copie infinie d’un bien à coût zéro. En réponse à quoi, les majors voudraient recréer artificiellement de la rareté et nier le progrès.

      > les auteurs ont droit à une rémunération et la tendance est de la faire financer par ceux qui téléchargent leurs produits et créations.

      Ceux qui téléchargent sont justement déjà les mêmes que ceux qui payent pour voir un artiste en représentation : Plus on pirate et plus la musique paye pour les artistes. Les poches des fans (et en particulier leur budget loisir) ne sont pas extensibles à l’infini. L’achat de musique et le spectacle vivant sont en concurrence. Lequel profite le plus aux artistes ?

      > La loi Hadopi n’interdit pas à ceux qui le souhaitent de proposer gratuitement leurs oeuvres en ligne

      D’une certaine façon, elle les y oblige même. En effets, seuls les artistes déjà connus ou leurs ayant droits pourront se payer les services de sociétés de surveillance du net. Pour tous les autres, livrés à eux-mêmes et à leurs seuls moyens, HADOPI ne fera rien. En soutenant les artistes connus et en négligeant les nouveaux, cette loi défavorise la nouveauté alors qu’elle prétend favoriser la créativité. Quel paradoxe !


    • Thomas Thomas 28 avril 2009 12:30

      > Je ne fais pas davantage l’instruction à décharge de la loi Hadopi que le contraire, Thomas, mais tache au contraire d’aborder la critique de cette loi avec davantage d’impartialité et subtilité que vous ne le faites, notamment en confirmant que vous n’instruisez effectivement qu’à charge.

      Je ne me cache pas d’être hostile à cette loi, notamment parce que je ne lui trouve aucun mérite. J’expose des arguments étayés à l’appui de ma position.

      > Pour le reste et contrairement à ce que vous écrivez, la dématérialisation de la copie n’a pour ainsi dire aucune implication dans le coût des oeuvres cinématographiques ou musicales : cela fait en effet longtemps sinon toujours que l’échange commercial ne se fonde pas sur la valeur matérielle des produits mais sur leur valeur spirituelle autrement, je m’en vais de ce pas acheter la Joconde ou le logiciel le plus cher du Monde !

      La Joconde est un bien matériel, qui plus est unique, donc intrinsèquement précieux. Le logiciel le plus cher du monde est reproductible à l’infini donc aucune valeur matérielle. Il ne vaut que ce que les utilisateurs sont près à en donner (si pas d’acheteur, pas de valeur).

       
      « Ceux qui téléchargent sont justement déjà les mêmes que ceux qui payent pour voir un artiste en représentation », écrivez-vous : et alors ? L’Etat n’a pas à s’immiscer dans ces relations fluctuantes, contractuelles et privées que sont l’achat d’oeuvres artistiques ou autres, ou pareillement, le fait que la vente de disques profiterait davantage aux majors que la vente de spectacles vivants, qui profiterait davantage aux artistes. J’ajoute que l’Etat ne subventionne pas non plus l’achat de denrées alimentaires rares alors que ceux qui les achètent vont davantage au restaurant que les autres !

      Dans le même ordre d’idées, on pourrait souhaiter que l’état ne s’immisce pas dans la relation contractuelle privée entre consommateurs et industriels. Or la loi HADOPI est précisément une intervention étatique. L’état va même subventionner la chasse aux pirates au profit de l’industrie alors que l’état a généralement vocation à défendre le faible face au fort.

      > La loi Hadopi contraindrait même les artistes qui ne le veulent pas à proposer gratuitement leurs oeuvres en ligne parce que, selon vous, ils ne pourront se payer les services de sociétés de surveillance du net et donc, affirmez-vous encore sans craindre de vous contredire totalement puisque vous expliquez par ailleurs que la gratuité sur le net favorise la popularité, cela défavorisera les artistes inconnus et nouveaux ?! Il semble franchement que vous inventeriez n’importe quoi, raconteriez tout et son contraire pour dire du mal de cette loi !

      Pas de paradoxe ni d’incohérence à mon sens. À supposer que vous ayez raison sur le bénéfice de la loi HADOPI pour les artistes, seuls ceux qui ont les moyens de payer la surveillance de leurs œuvres pourront bénéficier de la protection de cette loi. Quant à moi, je maintiens que le piratage est in fine favorable aux artistes.

      Quant à votre chansonnette, vous pointez fort justement que la SACEM vous a rémunéré. Vous avez donc gagné sur la diffusion de votre œuvre et non sur sa vente.


    • Thomas Thomas 28 avril 2009 18:11

      J’allais vous répondre et puis j’ai trouvé ce manifeste des exploitants de salles de cinéma indépendantes, que l’on ne peut soupçonner de se désintéresser de la question des revenus légitimes des acteurs de la culture : Les salles de cinéma indépendantes s’opposent à l’Hadopi


    • Thomas Thomas 28 avril 2009 20:04

      Mon cher Mage, je vais céder à la facilité de considérer nos positions comme irréconciliables.

      Comme les articles défendant l’HADOPI se font rares, je vous incite à prendre la peine d’en écrire un.


    • pendragon 27 avril 2009 20:03

      Seulement 300 manifestants à Paris contre HADOPI, c’est un non-événement.


      • jaki chan jaki chan 28 avril 2009 12:32

        La dématérialisation permet la copie infinie d’un bien à coût zéro, tout est dit.


        • Thomas Thomas 28 avril 2009 14:19

          La valeur de l’esprit humain et de ses créations n’a pas changé ni baissé, seul son support a changé.

          Avant, sa valeur se concrétisait dans l’objet physique, demain elle sera dans le service qui l’accompagne. Le problème, c’est que l’artiste a le monopole de ce service alors que le service rendu par les majors (essentiellement diffusion et marketing) peut être assuré par d’autres à bien moindres frais. L’état vient inutilement perturber cette libre concurrence.

          Est-ce que l’état a interdit les tracteurs pour préserver les élevages de chevaux de traie ? Pourquoi protégerait-il donc une industrie devenue désuète et dépassée ? L’artiste est irremplaçable, mais le support de son œuvre évolue.

          Cessons de payer le fabricant du support pour rémunérer enfin le créateur de l’œuvre !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès