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Accueil du site > Tribune Libre > chômage : la réalité dépasse l’affliction

chômage : la réalité dépasse l’affliction

Depuis dix jours, j’entends des hommes politiques, des journalistes, des économistes et autres politologues décrypter les raisons du non au Traité Constitutionnel Européen. A peu près tous mettent le résultat du scrutin sur le compte de peurs - sociale ou xénophobe -, expressions fantasmagoriques plus que d’une réalité vécue. En réponse au « désarroi » Français, M. Dominique de Villepin a présenté un plan de cent jours pour redonner confiance aux Français, via la relance de l’emploi. Je vous fais part de mon expérience vécue et de quelques considérations çà et là :
-  Le MEDEF (entre autres) relayé par la majorité stigmatise une politique d’assistanat, où le chômeur de longue durée et le bénéficiaire de minima sociaux vivraient au crochet du système. A l’évidence, certains abusent de leur situation. Reste à savoir combien profitent et combien sont réellement dans le besoin. M’est avis que le plupart des érémistes ne sont pas des assistés complaisants. Moi, par exemple, je touche moins de 3000 euros de revenu minimum par an. Je me vois mal en privilégié, quand, parallèlement, je vois des entreprises bénéficier de milliards d’allègements de charges sociales, d’aides directes, de subventions diverses... sans impact significatif sur l’activité, donc sur l’emploi (cf. Etude de la DARES de 2001). Toute une vie ne me suffirait pas à détourner autant d’argent des caisses de l’Etat que François Pinault, qui avait échappé à l’ISF en 1997.
-  M. De Villepin a décidé de flexibiliser le marché du travail, en instaurant, entre autres, un contrat nouvelle embauche comportant une période d’essai de deux ans. Qui pointera les profiteurs de ce système qui permettra de déguiser des embauches précaires en emplois pérennes ? Dans ma vie professionnelle, j’ai déjà enchaîné trois CDD consécutifs, au mépris de la loi. L’astuce a consisté à me faire changer de titre sans que mes attributions varient. J’avais le droit pour moi, pas le pouvoir de négociation. J’ai accepté la situation comme j’accepterai de travailler pendant deux ans pour être renvoyé du jour au lendemain.
-  Le Premier Ministre parle de promouvoir l’audace, libérer les énergies. Qui dit audace dit risque. Qui dit risque dit possibilité d’échec. Pour un Christophe Colomb, combien de navigateurs ont coulé en pleine mer ? J’ai essayé de créer une entreprise, projet qui n’a pas abouti. Je suis désormais en position de faiblesse sur le marché de l’emploi. Je dois justifier d’une longue période « d’inactivité » qui me rend inemployable aux yeux des recruteurs. Je vis la situation de Sophie Talneau, l’auteure de « On vous rappellera ». Trop qualifié pour des métiers a priori accessibles, trop longtemps au chômage pour des fonctions en rapport avec mon niveau d’études. De plus, je suis jeune, issu de l’immigration et j’habite en banlieue, c’est dire si je cumule les handicaps ! Pour promouvoir l’audace, encore faudrait-il que l’échec ne soit pas rédhibitoire. Aux Etats-Unis, un entrepreneur qui a raté est un entrepreneur. En France, c’est un raté.
-  Quand M. de Villepin dit : « Il n’est pas acceptable qu’un demandeur d’emploi qui fait l’objet d’un accompagnement personnalisé puisse refuser successivement plusieurs offres d’emplois raisonnables », je frissonne. Jusque-là, l’ANPE ne m’a proposé que des offres qui n’ont strictement aucun rapport avec ma formation initiale. S’agissait-il d’un abus de ma part de les refuser ? Ai-je ainsi décliné des offres d’emplois « raisonnables » ? On peut forcer les gens à travailler. Mao l’a fait pendant le Grand Bond en Avant. D’un chômeur malheureux, on peut faire un travailleur malheureux. Sera-ce un progrès ? A titre d’illustration, notons que le Japon a un taux de chômage de 4,5 %. Et il possède le taux de suicide le plus élevé du monde industrialisé. Cela fait réfléchir.

J’ai voté oui au Traité Constitutionnel Européen parce que je crois en l’Europe politique. Le projet européen n’a pas été la victime expiatoire de mes déboires professionnels. Je ne jette pas d’anathèmes sur ceux qui ont fait le choix inverse. Leurs peurs n’étaient pas de vagues lubies. Il est facile de crier au fou quand on ne partage pas l’opinion de l’autre ou d’asséner, comme le Président de la République, « je ne vous comprends pas » à des jeunes en détresse. Pendant la présidentielle 2002, certains membres de la majorité parlementaires de gauche ont cru bon d’affirmer que le sentiment d’insécurité n’avait qu’un vague rapport avec la réalité de l’insécurité, en dépit des statistiques. Pour le résultat que l’on sait. Avec le même aplomb, certains membres de la majorité actuelle prétendent distinguer la réalité telle qu’elle est de celle telle qu’elle est perçue, malgré un taux de chômage de 10,2% et une croissance molle. Il faudra un jour que l’on s’aperçoive que la perception de la réalité du peuple n’est pas toujours biaisée. Parfois, c’est la réalité qui est difficile à vivre.


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5 réactions à cet article    


  • Thierry VEGA Thierry VEGA 12 juin 2005 09:17

    Bonjour Ahmed et excellent Dimanche.

    Je viens de lire votre article, force de constater que vous avait décrit un quotidien, qui est hélas ! le lot de millions de personne en France.

    En ce qui me concerne, je fais partie des 55% des citoyens qui ont rejeté le T.C.E, ce « NON » a fortement ébranlé la classe politique, toutes idéologies confondues, en particulier celle du P.S. et de L’U.M.P.

    Le résultat fait que nous nous sommes retrouvé avec un gouvernement « bicéphale » qui me donne plus d’être en campagne pour les Présidentielles de 2007" qu’autre choses.

    Notre Président de la République,nous à fait savoir qu’il nous avaient entendus,compris, et de ce fait il chargeait le nouveau gouvernement de « redonner confiance aux Français ». Dominique de Villepin, dans son « discours de politique générale » (que j’ai sous les yeux) à dit qu’il « fallait regarder la vérité en face », vu le niveau inacceptable du chômage, l’ambition du gouvernement, c’est de gagner « la bataille pour l’emploi » et s’est donné 100 jours pour y parvenir.

    De qui se moque-ton ? comment peut-on croire que la « solution miracle » va être trouvée en 100 jours, voire en 22 mois, alors que pendant ces dix dernières années rien a été fait.

    Ce « contrat nouvelle embauche » une avancée, non une régression, une atteinte au code du travail. Mais il y a plus inquiétant,le discours de Nicolas Sarkosy qui mélange « Emplois qualifiiés »et « immigration choisie ».

    Les solutions pour combattre ce fléau qu’est le chômage, la précarité, qui enméne inexorablement la personne qui est touché par ce phénomène vers l’exclusion, la misère et la pauvreté, des solutions il y en à, suffit de prendre la bonne Et celles proposées par le Tandem De Villepin/Sarkosy risque plus d’aggraver le problème que de le solutionner.

    En ce qui me concerne, des solutions, j’en suggére dans le cadre de mon forum que je viens de créer avec un ami.Votre avis, Ahmed, me serait précieux.

    Thierry


    • Michel Barria (---.---.25.118) 13 juin 2005 04:32

      Nous sommes bien des millions dans cette situation. Nous pouvons y changer quelques chose : Dans l’action ! Au dela des syndicats, des partis politiques, de certaines castes qui defendent jalousement leurs petits interets.

      Beaucoup de choses doivent etre remises a plat, mais comment : Ceux là meme qui reglementent, ce sont ceux qui tirent leur epingle du jeu...


      • William Miller William Miller 13 juin 2005 08:11

        Cher Ahmed,

        Merci de souligner ces verites, oubliees dans le debat populiste d’aujourd’hui.

        J’ajouterai aussi qu’aujourd’hui la flexibilite n’est demandee qu’aux employes. Or nous sommes dans un systeme de castes definies par les diplomes au depart de la vie professionelle. A la difference de l’Angleterre ou existent de multiples passerelles, et ou les changements de voie sont acceptes, en France, malheur a celui ou celle qui souhaite ou qui ose diverger de la voie tracee. Un ingenieur au chomage qui accepterait un emploi de non cadre, par example, sera pour toujours marque d’une sorte de stigmate et ne pourra jamais rattraper cette erreur.

        De meme un non-cadre, si brillant soit-il, ne pourrat-il que tres rarement etre appele a prendre des fonctions de cadres d’entreprise, puisque, finalement il est non cadre...

        Comme l’Inde, le systeme francais est un systeme de castes, qui empeche toute flexibilite et provoque la sclerose.

        Certains parlent d’une periode pre-revolutionaire en France, il semblerait que Chirac, par son cynisme, veuillent pousser les gens jusqu’a cet extreme...


        • damien (---.---.91.164) 15 juin 2005 14:57

          que dire ? je suis dans une situation identique, des diplômes à la pelle, des entretiens nombreux mais aucune expérience (en dehors de nombreux stages) donc à la trappe. Un seul emploi proposé à l’issue de centaines de sollicitations, mais qui ne correspond pas à mes attentes car n’étant pas en adéquation avec mon niveau de formation. Je doute beaucoup de la véracité des chiffres du chômage pour les jeunes. Ils sont nombreux autour de moi à chercher au minimum un an pour trouver un emploi. J’ai aussi voté oui à la constitution, car je veux que le système explose (ce qui n’est pas du tout contradictoire), que la condescendance et la démagogie disparaissent. Jeune, j’étais passionné de sciences fiction et je m’aperçois avec stupeur que de nombreux auteurs pourraient faire figure de prophètes actuellement. Le problème, c’est qu’aujourd’hui il est peu probable que l’on arrive à une aire pré-révolutionnaire, l’individualisme prime, la sectorisation est à son paroxysme et chacun est bien trop attaché à ce qui le rend dépendant (médias, consommation, religions...). Bref, demain j’ai un entretien, je changerais peut-être de monde et donc d’avis.


          • Christian avry (---.---.28.112) 15 juin 2005 18:55

            J’irai dans votre sens : je vous reçois 5/5. Mais au-delà du constat, de la perception d’un certain cynisme qui n’est pas l’apanage des politiques (j’ai beaucoup de relations dans mon entourage plus ou mois proche qui ne voyant que leur petit intérêt raisonnent avec des oeillères), je ne vais pas rajouter d’illustrations de ce constat. La situation est grave. Chacun sait que la France a besoin d’un électrochoc. Reste à savoir lequel. La recette libérale plongerait le pays dans l’abîme avant de produire des résultats. Le site l’internaute.com ouvre actuellement son site à toutes les idées censées mener à la résorbtion du chômage. Je vous invite à y jeter un oeil : Il y a de quoi faire.. Ce qui manque finalement le plus, c’est le courage politique et une Personnalité ayant la carrure pour assumer les réformes.

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